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Ces grains de sable qui gâchent l’été au Cap-Ferret

Les cabanes Tchanquées trônant au-dessus des marées, la dune du Pilat dominant superbement le banc d’Arguin, le phare veillant sur l’océan dans la lumière bienveillante du crépuscule… Le Cap-Ferret est-il un décor de rêve pour les vacanciers ? Oui. Et pourtant, un de nos lecteurs rapporte des situations vues et vécues qui mettent à mal ce bel écrin par le comportement des commerçants mais aussi des estivants.

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Ces grains de sable qui gâchent l’été au Cap-Ferret

Le phare du Cap Ferret (Wikipedia)
Le phare du Cap-Ferret (Wikipedia)

Le prix Nobel

L’autre jour, dans une maison de la presse de la presqu’île de Lège-Cap-Ferret, toute la population semblait s’être donnée rendez-vous, en raison d’un jour de pluie incongrue. Ça fourmille dans les rayons, et en cinq minutes, il devient vain de compter le nombre de fois où vous vous faites bousculer par les clients, sans que ces derniers ne songent à s’excuser.

Un ami demande à une employée un livre dont il ne connaît ni le nom de l’auteur, ni le titre. Il précise toutefois qu’il s’agit du dernier prix Nobel français d’économie. La jeune vendeuse hausse les épaules et l’aiguille sournoisement vers sa responsable. La dite responsable, écoutant la requête de l’ami – qui achetait déjà pour plus de soixante euros de littérature diverse et variée – lui lance un « Pfffff », suivi d’un « Ah ben celui-là, alors ! », provoquant l’étonnement de l’insolent.

« Ah, oui ! », daigna enfin répondre la responsable après une recherche héroïque par ordinateur du mystérieux auteur, « Jean Tirole, premier rayon, là, non là, mais non là, cherchez mieux, il est devant vous, mais c’est pas vrai, quand même ! », sans éprouver le besoin d’aller chercher elle-même le précieux livre, afin d’être agréable et de rendre service à ce client au toupet si prononcé.

Un commerçant sur la réserve

Un bon dîner nécessite parfois une bonne bouteille de vin. Ni une, ni deux, nous nous dirigeons vers un caviste de la presqu’île afin d’acquérir le breuvage en question. Le gérant-propriétaire ne nous adresse pas le moindre « Bonjour » quand nous pénétrons dans son petit commerce. Au lieu de ça, il demande à ses employés de bien refermer la porte de la « réserve », avoine un client qui pensait que la fameuse réserve faisait partie intégrante du magasin, l’accusant de vouloir voler des bouteilles, ce qui provoque immanquablement l’irritation du fameux client.

Puis l’affable commerçant demande sèchement à ses jeunes employés – sympathiques et de bon conseil – d’aller s’occuper des clients, et ne se fend même pas d’un « Merci, au revoir » basique quand nous quittons les lieux, non sans nous être délestés chacun d’une coquette somme.

L’addition

Ah, le restaurant par temps ensoleillé ! Un délice pour l’humeur et les papilles. L’ennui, c’est que nous ne sommes pas les seuls à avoir eu la même idée. Nous poirotons donc une grosse demi-heure (vous me direz, c’est le jeu ma pauvre Lucette) avant qu’on nous assigne enfin une table à l’extérieur. Puis on nous oublie superbement.

Nous manifestons donc poliment notre impatience comme notre faim grandissante, et au bout de trois heures, le repas et mon thon pas assez cuit sont enfin terminés. Compte-tenu des prix pratiqués, un peu d’amabilité et de célérité auraient été les bienvenues.

Au moment de la douloureuse, je donne vingt centimes d’euros de pourboire, ce qui me vaut un reproche de l’employée chargée de nous encaisser. Ah si, pendant l’attente, nous avons vu passer Guillaume Canet en overboard et aperçu les frisettes de Sinclair lors de la promenade digestive, et ça, ça n’a pas de prix.

Chez les branchés

Un petit verre après le dîner ? Allez zou, direction un endroit branché pour noctambules encanaillés. Le lieu pourrait être sympathique – et il le fut un temps – s’il n’y avait pas tant de monde. Les clients vous bousculent dans les allées, le personnel vous regarde relativement interloqué et vous catalogue « petits bras » quand vous ne commandez qu’un simple ti-punch et non pas la bouteille de champagne de rigueur.

Quant à la piste de danse, il est illusoire de vouloir y danser autrement que serrés comme des sardines –transpirantes- en boîte. Sans oublier la playlist fade qui ne change guère au fil des soirs.

Constat navrant : les bars décontractés sont en voie d’extinction à Lège-Cap-Ferret, et il vous sera difficile de trouver un lieu rustique décoré de planches de surf, où on passe de la musique éclectique en sirotant une bonne pinte en terrasse. Alors que bon nombre de stations balnéaires de France et de Navarre ont compris que de gentilles paillotes sur la plage, où on peut boire de l’alcool, écouter de la musique, manger sur le pouce et profiter tard de la soirée, suscitaient l’engouement des vacanciers admirant la mer, la commune de Lège-Cap-Ferret ignore ce précepte. Il y a bien eu une boîte de nuit sur la plage de L’Horizon il y a bien longtemps, et l’endroit était couru. Mais ça, c’était avant.

Faune sauvage

Normalement c’est sympa un vacancier, parce que justement, il est en vacances. Il se détend, profite du soleil, des bains de mer, de la pêche, du surf, ou de sa vocation d’architecte transi lorsqu’il aide ses rejetons à construire le plus beau château de sable de la plage.

Pourtant, certains semblent avoir emportés leurs tracas dans leurs valises. Ça klaxonne ferme au parking du Carrefour Contact et la circulation y est aussi laborieuse que dans les veines d’un patient ayant subi un triple pontage.

Quand vous approchez d’un groupe de cyclistes aimant rouler côte-à-côte et bavarder, ces derniers vous regardent d’un air offusqué parce que vous leur demandez de bien vouloir se rabattre, afin que votre véhicule puisse enfin les doubler.

La nuit, le vrombissement des grosses cylindrées trouble le sommeil des couches-tôt, vrombissement facilité par la forte absorption d’alcool des conducteurs et les belles créatures à bord des bolides.

Lorsque vous croisez les vacanciers au visage buriné, peu songent à vous saluer, le regard en chiens de faïence faisant autorité. Quant au style vestimentaire de ces aimables bipèdes, il est faussement négligé, et leurs barbes d’une semaine rappellent à qui veut bien le croire que vous avez affaire à d’intrépides loups des mers roulant en 4×4, car c’est bien pratique un 4×4 pour escalader les imposants trottoirs parisiens ou londoniens. Tout ce petit monde ne se gêne pas pour resquiller dans les files d’attentes des commerces et se vexe souvent quand vous leur faites remarquer que vous étiez devant eux.

Marcel Proust estimait que les meilleurs paradis sont les paradis qu’on a perdus. Cela n’a jamais été si vrai concernant Lège-Cap-Ferret. Montée des eaux du globe ou pas.

Béluga (pseudonyme)


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