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Coulisses de l’été (3) : Copacabana touch à Bordeaux Lac

Jusqu’à 6000 personnes fréquentent chaque jour la plage du lac, à Bordeaux. Loin des débats vaseux sur le burkini, c’est un havre de mixité et de gratuité. Bref, c’est frais.

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Coulisses de l’été (3) : Copacabana touch à Bordeaux Lac

La plage de Bordeaux-Lac a attiré 170000 visiteurs l'été dernier (SB/Rue89 Bordeaux)
La plage de Bordeaux-Lac a attiré 170000 visiteurs l’été dernier (SB/Rue89 Bordeaux)

Seins nus et burkinis se côtoient sans se déchirer au lac de Bordeaux. Évidemment, il y en a toujours pour se rincer l’œil et d’autres pour se draper dans de grands principes. « Mais je n’ai jamais eu de réflexion là dessus, et cela ne me choque pas », souligne Sylviane Simonnet, chef du poste de secours et de surveillance de la plage.

« Je préfère que les mamans, même voilées, soient dans l’eau avec leurs enfants et les surveillent plutôt que de boire le thé sous les arbres. C’est un lieu public, avec un vrai mélange de populations, et tout se passe bien. On ne va pas créer de problème là où il n’y en a pas. »

Voilà pour la polémique burkini un brin artificielle, dans le creux de la vague de l’actu estivale. Si la plage de Bordeaux est elle aussi artificielle – le lac est issu du dragage des marais dans les années 1960, le sable est apporté par camion chaque année –, elle reflète en revanche fidèlement les visages de la ville. On y retrouve bien sûr des habitants des quartiers voisins, des Aubiers, de Ginko, mais aussi des Bordelais du centre, des touristes et des voisins du Bouscat ou de Bruges, qui s’évitent ainsi des heures de voiture pour rallier l’océan. Marie vient ainsi presque tous les jours au lac : « Parfois, il ne faut pas aller loin pour trouver des choses simples », sourit cette maman de 45 ans résidant à Bruges.

Pêche, pelle et pétards

Ce vendredi 12 août, peu après midi, ses deux fils passent un brevet de natation : ils nagent 25 mètres sous le contrôle d’un sauveteur, qui leur remet ensuite une attestation. C’est la seule condition imposée aux enfants de plus de 8 ans pour profiter des activités nautiques proposées gratuitement entre 15h et 18h : stand-up paddle, canoë-kayak, voile et pêche sont au menu ce vendredi. Responsable du site, la municipalité de Bordeaux délègue ces animations aux deux clubs « résidents » du lac, l’Émulation nautique et le Centre de voile.

« C’est super pour les enfants », poursuit Marie, visiblement pas la seule à le penser : dès midi, les gens viennent se renseigner sur les ateliers, dont les inscriptions ouvrent à 14h, et sont vite complets, selon Vincent Laugere, un des deux animateurs du poste. 30 à 50 personnes par jour et par activité y participent ; elles étaient 6700 l’été dernier, sur 170000 visiteurs et 90000 baigneurs.

Des enfants passent un brevet natation. (SB/Rue89 Bordeaux)
Des enfants passent un brevet natation (SB/Rue89 Bordeaux)

Ce vendredi midi, Vincent Laugere ouvre officiellement le poste de la plage – « la température de l’eau est de 24°, la température de l’air de 27° », annonce-t-il au micro, tandis qu’un des sauveteurs hisse le drapeau vert. Une Britannique lui laisse sa « driving licence » (permis de conduire) en échange d’une pelle et d’un seau, pour son fils. Plusieurs personnes arrivant au lac demandent aussi des cendriers jetables (mais le poste est en rupture de stock). La foule arrive petit à petit, pour casser la croûte sous les pins, s’installer pour la journée ou piquer une tête et bronzer entre midi et deux.

Changements monstres

Depuis 8 ans qu’il travaille chaque été à Bordeaux lac, Vincent Laugere juge « monstrueux » le changement de la plage.

« Quand je suis arrivé, il n’y avait qu’une petite plage avec un cabanon. Aujourd’hui, plusieurs espaces sont aménagés et délimités – le bord de l’eau, l’aire de pique-nique, les terrains de sports. La surface de la plage a été doublée l’an dernier. Et on répond toujours plus aux demandes des usagers – on a notamment installé cette année un point d’eau potable, un deuxième sanitaire, et des casiers pour que les gens qui font des animations puissent mettre leurs affaires. »

Il souligne aussi les efforts faits pour proposer des activités aux 3-8 ans, jusqu’ici peu concernés, avec notamment le biblio-plage ou des cours de l’école de cirque (le jeudi). Aussi, selon l’animateur, la population de plagistes a évolué :

« On voit un retour des familles, rassurées par la présence permanente de deux agents de la police municipale et d’un médiateur. »

Sylviane Simonnet, chef du poste de plage (SB/Rue89 Bordeaux)
Sylviane Simonnet, chef du poste de plage (SB/Rue89 Bordeaux)

Selon Sylviane Simonnet, il faut être « assez carrés sur les règles » – pas de chicha, de drogue, d’alcool sur la plage, notamment. Mais le temps où les plagistes transformaient une table de ping-pong en barbecue, est fini, assure la chef de poste.

« Nous n’avons pas eu de mauvaise surprise cette année. Nous rendons un vrai service au public, on voit beaucoup de gens qui ne peuvent partir en vacances. Peut-être le fait que tout est gratuit, en tous cas les gens nous le rendent bien et respectent les lieux. Bon, on a vu un couple qui voulait nous confier leur bébé de trois mois pour pouvoir faire une activité… »

Des planches et des vaches

Éducatrice sportive à la piscine du Grand Parc pendant l’année, Sylviane Simonnet n’a en fait qu’une angoisse :

« Le gros souci c’est la baignade des enfants seuls, qui ne savent pas nager, signale Sylviane Simonnet. Certains parents laissent faire, ou délèguent aux ados la responsabilité de la surveillance. Nous avons ainsi eu un accident l’an dernier, qui s’est heureusement bien terminé – nous avons pu secourir et ranimer un enfant qui se noyait. »

Pour éviter tout drame de ce tonneau, la ville a mis le paquet sur la prévention, avec jusqu’à 8 sauveteurs sur la plage lors du pic d’affluence, à 15h. Certains patrouillent en paddle le long des lignes de flottaison, d’autres sifflent lorsque des non nageurs tentent de passer dans la zone de baignade de plus de 1,20 mètre de profondeur, réservée aux nageurs. Des annonces vocales rappellent régulièrement aux parents de veiller sur leur progéniture, et que des brassards sont mis gratuitement à leur disposition.

« Cela peut paraître pénible à certains usagers, mais on n’a pas encore eu de noyade cette année, affirme la chef de poste. Il peut y avoir des journées à plus de 5000 personnes et tellement d’enfants que c’est impossible de bien surveiller tout le monde. »

Pédalocub

Aussi, en cas de trop forte affluence dans l’eau et de marmaille incontrôlable, les sauveteurs font sortir tout le monde de l’eau. De plus en plus, ils doivent aussi rappeler à l’ordre quelques marins d’eau douce qui s’embarquent à bord de frêle esquifs en vogue, comme les paddle gonflables – la navigation n’est tolérée que lors des activités proposées par la municipalité et par les clubs de Bordeaux-Lac. Mais à 19h, la surveillance s’arrête – et si beaucoup vont encore à l’eau, c’est à leur risque et péril, à l’image des plongeurs de la rocade.

Au lac, cependant, selon les personnes qui s’y rendent et y travaillent, le plus gros problème est sur le plancher des vaches :

« Nous manquons de places de stationnement, alors que de plus en plus de monde vient en famille depuis l’autre côté de la métropole, note Sylviane Simonnet. Il y a bien le tramway, mais les stations (les Aubiers, Berges du lac) ne sont pas tout près. Il est question de créer une station de vélos V3. »

La ville n’a pas encore lancé de Pédalo3, mais cela ne saurait tarder.

Activité stand-up paddle sur le lac (SB/Rue89 Bordeaux)
Activité stand-up paddle sur le lac (SB/Rue89 Bordeaux)

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