Silence radio depuis 2001. Un album « La révolution n’est pas un dîner de gala » en forme d’épitaphe et le groupe fermait le couvercle sur le punk moribond, avec la chanson « 77 ».
Depuis, les Ludwig s’étaient éparpillés. Bruno Garcia devenait Sergent Garcia, Jean-Mi s’était lancé dans le dub et Karim Berrouka s’était reconverti en écrivain de SF.
Une éventuelle reformation relevait donc de la science-fiction, justement. C’est donc avec un peu de surprise que les fans du groupe ont découvert leur présence au Hellfest 2016, aux côtés de Rammstein et de Black Sabbath.
Après une première réussie à Clisson, et un passage au Québec, Ludwig Von 88 débarque au Reggae Sun Ska. Préparez les 8.6 !
Rue89 Bordeaux : Karim, cette reformation après tant d’années est inattendue. Comment vous êtes-vous décidés ?
Karim Berrouka : Ça fait un moment que les gens nous le demandaient. On habite loin les uns des autres, et on ne se voyait pas trop. Bruno avait sa carrière de son coté.
On s’est revu en bouffant autour d’un verre, et on s’est rendu compte qu’on avait encore des choses à partager. On voulait voir ce que ça allait donner, et finalement c’est pas mal !
Ce n’est pas un calcul de notre part, si on n’avait pas la pêche, on ne l’aurait pas fait. Je ne ferais pas ça jusqu’à 60 ans. Quand j’ai commencé je m’étais dit qu’à 25 ans, terminé. Y’a des fois vaut mieux fermer sa gueule !
Quand je vois des vieux groupes qui tournent encore, je leur dis bravo. T’as des groupes qui ont morflé et niveau pêche, c’est pas terrible pour le public. T’en as d’autres qui sont toujours capables de sortir des putains de concert.
Pierre Boulez nous a quitté en janvier, Jean-Marie Le Pen n’a plus toute sa tête. Ne revenez-vous pas un peu tard, alors que vos plus belles cibles ont quitté la scène ?
On ne revient pas trop tard, Pierre est parti en effet, au nirvana ou en enfer, mais Jean-Marie nous a laissé avec sa dynastie. La tendance politique s’empire, et il y a des chansons qui sont encore d’actualité.
Nous, on a commencé avec le socialisme, avec 2-3 ans de vraie liberté. On a beaucoup profité des avantages, pour créer une scène dans les années 80-90. Mais après, le libéralisme est arrivé très vite, dont on voit vraiment les dégâts aujourd’hui.
« A Montreux, ils ont pas voulu de nous »
Vous devez être le premier groupe à enchaîner le Hellfest et le Reggae Sun Ska, comment vous situez-vous entre ces deux cultures ?
Notre positionnement, on s’en fout. Je n’ai jamais été au Reggae Sun Ska, mais c’est marrant cet enchaînement. On a essayé Montreux, mais ils n’ont pas voulu de nous (rires).
Vous avez fait un morceau de reggae à Clisson, allez vous essayer un morceau de metal au Reggae Sun Ska ?
C’est trop compliqué le metal, il y a trop de notes, et le metal ne passe pas vraiment avec la boite à rythmes ! On va peut être adapter au feeling, on n’est pas trop bon pour planifier.
« La ganja » jouée au Reggae Sun Ska, c’est presque impératif ?
Il va falloir qu’on la répète, on ne l’a pas jouée pour les hardeux ! C’est pas évident un set de festival, 50-55 min, il faut vraiment tailler dans le gras.
La scène des festivals a-t-elle beaucoup changé en 15 ans ?
Les festivals, pas tant que ça. Ce qui a changé, c’est qu’il y en a énormément. Avant t’en avais un par an, maintenant tu peux t’en faire une dizaine, avec des conditions généralement similaires, et des grosses affiches.
Le Hellfest je n’avais jamais connu. On n’avait jamais joué avec autant de monde. En général on jouait dans des scènes de 500 personnes. Maintenant c’est beaucoup plus gros. Dans les gros festivals, les gens viennent pour le plaisir, il y a une curiosité.
C’est pareil pour tous les groupes au Hellfest. À Clisson, la scène « Warzone » est orientée plus punk, et on a vu que les jeunes s’intéressaient vachement à la musique qui n’est pas de leur époque. Savoir que des gens de 15-16 ans nous connaissent c’est sympa. C’est aussi ce qui nous donne envie de jouer.
J’aime aussi beaucoup les petits concerts, en dehors des festivals. Il ne faut pas que pendant dix mois après la saison des festivals, il n’y ait plus rien. Les festivals c’est bien quand t’es un minimum installé dans le métier.
Vous pratiquez une musique assez décalée, en retrouvez-vous dans les festivals où vous jouez ?
Dans le métal, comme dans le reggae, on ne trouve pas de groupe trop décalés. Les Jamaïcains c’est pas des marrant. Le hard, le ska, le rock, c’est des trucs assez codifiés.
Des groupes plus festifs, Marcel et son Orchestre et d’autres, on ne peut pas les catégoriser dans un style spécifique.
Nous on a fait un peu exploser les standards. Dans les années 80, tout le monde faisait ce qu’il voulait, sans s’en soucier. Énormément de groupes n’avaient pas le respect des codes musicaux. On ne se sentait pas d’un genre, on faisait du rock alternatif, on refusait les circuits de l’époque.
Quelle sera la suite de l’aventure après la saison des festivals ?
On s’est retrouvé parce qu’on avait envie de jouer ensemble, alors de toute façon, on va s’amuser à faire des morceaux. Avec Internet, c’est accessible direct. Si demain on a envie de faire un album, on le fait.
On n’a rien à prouver, on préfère le faire au feeling. On est encore capable de faire un concert, c’est déjà bien. On est rassuré, je pourrai le dire à mes petits enfants ! Les gens prennent leur pied, c’est cool, on en demande pas plus.
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