[Mis à jour le 01/09 avec commentaires France Bleu Gironde] Pulvériser du glyphosate pour désherber son jardin, c’est ce que conseille Raymond sur le site internet de la mairie écolo de Bègles, pourtant adepte du « zéro phyto ». Le jardinier béglais donne aussi ses bons tuyaux sur France Bleu Gironde.
« Fin juillet, en sève descendante, éliminer le liseron, l’oxalis, le chardon avec le “glyphosate”. » Ainsi se conclut la dernière chronique de Raymond le jardinier sur le site internet de la Ville de Bègles. Dans la mairie écolo du toujours vert Noël Mamère, prôner aux particuliers l’utilisation de la molécule active du Roundup de Monsanto, un herbicide que la France cherche à bannir, cela défrise la moustache.
« Je suis tombé de ma chaise quand j’ai vu cette phrase qui va être retirée dès que possible, soupire Clément Rossignol-Puech, conseiller municipal de Bègles délégué aux espaces publics, et vice-président de Bordeaux Métropole en charge de la Nature. Elle ne correspond pas du tout à la politique de l’équipe municipale, le “zéro phyto” (pas d’utilisation de produits phytosanitaires, NDLR) dans l’ensemble des jardins et des espaces publics. »
L’élu béglais assure que la mairie était « d’accord avec Raymond pour que ses conseils soient orientés vers le jardinage naturel ou biologique. C’est un loupé dans la discussion et la relecture ».
Pollution verte
Selon le service communication de la ville, le texte de Raymond Fouquet, alias le jardinier, a en effet été publié le 28 juin, alors que certains relecteurs étaient en vacances, donc sans subir les corrections habituelles – d’autres tuyaux du même tonneau auraient déjà été coupés au montage.
« Les conseils de Raymond sont très appréciés et très suivis des lecteurs, il donne des clés pour faire attention à la nature, aux saisons, et nous sommes très heureux qu’il ait accepté de le faire gratuitement, modère Clément Rossignol-Puech. Mais si ses textes ne vont pas dans le sens de la ville, nous reconsidèrerons cette collaboration. »
Béglais de 82 ans, Raymond, lui, n’en démord pas :
« Le glyphosate est très utile, c’est le seul produit efficace contre le liseron. Nous en avons besoin pour lutter contre la pollution verte, ces herbes qui envahissent les trottoirs des boulevards et les parkings à Bègles et à Bordeaux, et qui peuvent être de véritables poisons, comme le pariétaire, aussi appelé perce-muraille. »
Expert et sponsor
Mais le glyphosate, classé cancérogène probable par le Circ (centre international de recherche sur le cancer), et perturbateur endocrinien, n’est-il pas un poison plus sûr que quelques herbes folles ?
« Cancérogène probable, mais pas certain, rétorque Raymond. Il faut l’utiliser avec précaution et modération, comme le tabac, ou le chocolat. »
Figure locale, Raymond Fouquet dispense ses conseils tous les trimestres pour le site web de sa commune. Mais son audience est beaucoup plus large, puisqu’il officie également tous les dimanches matin parmi les « Experts » de France Bleu Gironde. Cachetier sur les ondes du service public, Raymond répond en direct aux auditeurs, et n’hésite pas si besoin à leur recommander de recourir aux traitements chimiques et aux engrais.
« Je l’ai plus souvent entendu parler de savon noir que de Roundup, et il ne recommande d’en utiliser qu’en dernier recours, si rien ne fonctionne avant, affirme Gabriel Valdiseri, directeur de France Bleu Gironde. Raymond va sur tous les terrains depuis des années pour défendre l’agriculture raisonnée et les produits de qualité, il ne faut pas le jeter comme ça aux orties. Il garde tout notre soutien. »
Mais l’utilisation des pesticides chez les jardiniers du dimanche a-t-il fait l’objet d’une discussion préalable avec Raymond chez France Bleu Gironde ?
« Il a une liberté de parole totale, même si en tant que cachetier, on serait en droit de lui demander des comptes », ajoute Gabriel Valdiseri.
Ce dernier écarte tout lien entre les préconisations de produit et le sponsoring de l’émission de Raymond par Maïsadour – ce groupe possède en effet les magasins de jardinage Gamm Vert, gros vendeur de Roundup, et qui écoule des fongicides et herbicides pour le traitement des semences :
« Ils sont parrains mais ils ont acheté le fait d’être cités, pas le contenu de la rubrique. Le contenu éditorial est complètement déconnecté du commercial, je n’ai moi même jamais rencontré quelqu’un de Maïsadour. »
Quand on arrive en ville
Alors que l’Union européenne a récemment repoussé sa décision d’interdire le glyphosate et tergiverse sur d’autres substances toxiques, certaines communes tentent d’agir à leur échelle contre les pesticides. Bègles compte par exemple prendre prochainement un arrêté municipal contre les néonicotinoïdes, un insecticide tueur d’abeilles, et les élus écologistes souhaitent une motion de Bordeaux Métropole sur le sujet.
Par ailleurs, les 28 communes de l’agglomération, suivant les exemples de Bordeaux et Bègles, notamment, s’engagent dès le 1er janvier 2017 dans une démarche « zéro phyto » pour les espaces publics.
« Cela va nécessiter beaucoup de communication auprès des habitants, souligne Clément Rossignol-Puech, vice-président de la métropole. Car la nature va revenir en ville, il y aura des trottoirs enherbés et des petites fleurs au pied des potelets. Il va donc falloir que les gens se défassent de cette notion de mauvaise herbe. Nous devrons faire attention que ce ne soient pas habitants eux-même qui mettent des herbicides dans la rue ! »
Un risque non négligeable si Raymond fait des émules.
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