1 – Le nombre d’enfants en âge d’être scolarisés a encore augmenté
Avec plus de 2000 logements livrés depuis plus d’un an dans ce quartier en plein boom immobilier, le nombre d’élèves inscrits dans les écoles situées de part et d’autres des Bassins à flots a encore grimpé. Il serait ainsi environ 200 en plus cette année à prendre le chemin de l’école. Et la tendance ne devrait pas s’inverser de sitôt avec près de 12 000 nouveaux habitants attendus d’ici 2030, soit environ un petit millier de nouveaux écoliers.
2 – Aucune nouvelle école n’a encore été livrée…
Depuis l’arrêt du chantier du futur groupe scolaire (et de la future crèche) rue de la Faïencerie, en mars 2015 pour cause de pollution des sols au radium 226, les projets d’équipements scolaires pérennes patinent sec dans le secteur des Bassins à Flots. Ainsi, l’école de remplacement prévue pour 2017, près de la station d’épuration, au bout de la rue Lucien Faure ne verra finalement pas le jour pour cause de pollutions olfactives.
Et il faudra attendre la rentrée 2020 pour que deux groupes scolaires en dur de quatorze classes chacun (maternelles et élémentaires) voient le jour, l’un à l’angle des rues Bourbon et Pagnol, l’autre rue de Ouagadougou à Bacalan. En attendant les écoles existantes sont au maximum de leur capacité.
3 – …et l’école Lucien Faure a été fermée
Située au cœur du chantier des Bassins à flots, l’école maternelle de la rue Lucien Faure a fini par rendre l’âme et n’a pas donc pas fait sa rentrée. Déjà, en juin dernier, les équipes pédagogiques excédées par les nuisances sonores provoquées par les travaux alentours avaient obtenu d’être transférés à Ginko dans le groupe scolaire Vaclav Havel où il restait alors encore des places, pour finir l’année scolaire. La mairie avait même affrété des bus pour acheminer les élèves dans leur nouvelle école transitoire. Depuis, l’école Lucien Faure a totalement fermé :
« On s’est rendu compte qu’en raison des travaux, ce bâtiment s’était considérablement dégradé avec notamment des fissures sur la façade », explique Nathalie Delattre, la maire adjointe du quartier Bordeaux Maritime.
Quant à l’école Vaclav Havel, elle ne peut plus accueillir les anciens de la rue Lucien Faure en cette rentrée 2016, faute de places disponibles.
4 – La mairie doit faire dans le rafistolage…
Dans les huit écoles existantes du quartier, la tendance est donc la suivante :
« On pousse les murs », comme l’explique un parent d’élève de l’école Achard, histoire d’absorber les élèves supplémentaires.
Dans ce groupe scolaire (maternelle et élémentaire), on est passé de 10 classes en 2015 à 13 cette année, de telle sorte qu’aujourd’hui les locaux sont utilisés au maximum de leur capacité. Deux algeco ont même été installés dans la cour : l’un sert de toilettes pour les grandes sections, l’autre de lieu d’accueil pour le périscolaire.
« Les enfants de maternelle devront donc passer par l’extérieur pour aller aux toilettes », précise ce père d’élève, « avec tout ce que cela implique, à savoir, des déplacements plus compliqués, la nécessité d’habiller les enfants quand il pleut, etc… ».
Quant à l’école Charles Martin, elle aussi située à Bacalan, et prévue à la base pour neuf classes, elle en héberge aujourd’hui 13.
« Tout cela est très insatisfaisant, estime Vincent Maurin, le directeur de ce groupe scolaire et conseiller syndical du SNUIPP. On ne peut pas faire sortir de terre un nouveau quartier et différer la mise en place des services publics d’éducation. Ce n’est pas respectueux pour les nouveaux habitants ».
5 – … et le provisoire
Car même en ouvrant de nouvelles classes dans les écoles existantes, une centaine de nouveaux élèves restaient sur le carreau. Aussi la mairie a-t-elle décidé d’ouvrir deux groupes scolaires provisoires en préfabriqués dans le quartier. Le premier, installé dans une partie du Jardin de ta sœur, rue Dupaty, et baptisé Jean-Jacques Sempé, est constitué de six modulaires capables d’accueillir 120 élèves de maternelle et d’élémentaires. Une solution qui ne satisfait pas vraiment les parents d’élèves.
« On nous dit que c’est du provisoire qui durera trois ans », commente la maman d’une petite fille qui y a fait sa rentrée en petite section, « mais déjà de nombreux problèmes se posent ».
Si la jeune femme reconnaît que les bâtiments sont « pas mal, avec la clim’ », l’existence d’un unique dortoir censé accueillir les 50 élèves de petite section la chiffonne.
« Ma fille ne fait pas la sieste, à 50, il y a trop de bruits ».
Sous le signe de l’algeco
Et surtout la configuration de cette école n’est pour elle pas viable :
«Pour entrer dans l’école, il faut d’abord entrer dans le Jardin de ta sœur, donc côtoyer les chiens et ce qui va avec… Ensuite, il y a déjà eu des intrusions dans l’école. Enfin, lors de l’alerte orage du 14 septembre, la mairie a fait fermer le parc, ce qui a provoqué un sacré mic-mac : un membre du personnel de l’école devait venir ouvrir à chaque parent la grille du Jardin, et vérifier qu’il s’agissait bien d’un parent et pas d’une personne qui voulait accéder au jardin en douce. Bref, c’est un joyeux bordel », conclut-elle, passablement exaspérée.
Elle a d’ailleurs écrit de nombreux courriers et courriels à la mairie pour signaler ces dysfonctionnements. A la question de créer une seconde entrée indépendante à celle permettant l’accès au jardin, on lui a répondu que cela n’était pas envisageable, compte tenu de l’emprise de l’école sur le jardin.
Une seconde école provisoire, toujours en algeco, baptisée Lac 4 a également vu le jour rue du Petit Miot, près de l’école Lac 2. Elle accueille une quarantaine d’élèves de maternelle et d’élémentaire. Pour l’instant deux modulaires ont été installés. Deux autres devraient suivre à la Toussaint.
Quant à la rentrée 2017, elle s’annonce aussi sous le signe de l’algeco :
« Un groupe scolaire provisoire sera implanté boulevard Alfred Daney à la rentrée prochaine », détaille Emmanuelle Cuny, l’adjointe au maire en charge de l’éducation.
Situé à proximité de la rue Jean Hameau, il pourra accueillir 20 classes.
6 – Les écoles de ce quartier ne peuvent plus accueillir les enfants de moins de 3 ans
Classées REP + (ex-ZEP, zone d’éducation prioritaire, NDLR), les écoles maternelles situées de part et d’autres des Bassins à flots, sont censées accueillir les enfants de moins de 3 ans. Une prérogative défendue par le ministère de l’Éducation Nationale, comme l’a d’ailleurs rappelé Najat Vallaud-Belkacem, au printemps dernier :
« Parce que les inégalités qui apparaissent dès les premiers moments de la vie peuvent s’installer pour très longtemps, parce qu’un enfant de 3 ans issu de milieu populaire a trois fois moins de vocabulaire qu’un enfant issu de milieu favorisé, la scolarisation des enfants les plus jeunes est au cœur des préoccupations du gouvernement. »
Mais cette année, pour la première fois, et faute de places, la mairie de Bordeaux, en accord avec l’inspection académique, a totalement bloqué l’accueil des touts petits dans les écoles de Bordeaux Nord.
7 – L’école Labarde est mise sur la touche
Située au nord de Bacalan, l’école élémentaire Labarde est la seule du secteur à ne pas devoir « pousser les murs » ou accueillir des algeco. Pire, elle disposerait de locaux inoccupés, et parfaitement fonctionnels, selon Vincent Maurin, qui pourraient accueillir jusqu’à cinq classes.
Pour autant, aucun enfant non admis dans les autres écoles du secteur, faute de place disponible, n’y a été envoyé. La mairie préfère les acheminer vers Jean-Jacques Sempé ou Lac 4, les nouvelles écoles modulaires, via un système de ramassage en bus.
« L’école Labarde est beaucoup trop loin pour les enfants concernés », se défend Emmanuel Cuny, visiblement agacée par la polémique « et puis de toute façon, il n’y a pas de classes disponibles à Labarde : sa capacité est de 172 élèves, elle en accueille 158, faites le calcul ».
Effectivement, l’inspection académique n’a pas ouvert de postes sur cette école, qui a même frôlé une fermeture de classe l’année dernière. Quant au chiffre de 172 élèves, établi d’après la mairie par la commission de sécurité, il ne prendrait pas en compte, selon nos informations, les locaux inoccupés (dont une salle anciennement dédiée au Rased, le réseau d’aides spécialisés aux élèves en difficulté)…
Politique d’évitement
Débattue en conseil d’école à Achard, en juin dernier, cette question – « où mettre les enfants qui n’ont pas de place dans leur école de secteur ?» – avait d’emblée provoqué quelques remous. Car des parents évoquant les locaux disponibles de l’école Labarde, s’étaient alors vu répondre par Nathalie Delattre :
« Mais vous, vous mettriez vos enfants à Labarde ? ».
« Oui, j’ai posé cette question », précise Nathalie Delattre, car je n’aime pas que les gens parlent au nom des autres et je n’ai eu aucune réponse ».
« L’école Labarde est en effet celle qui suscite le plus d’évitement, explique Vincent Maurin, car historiquement c’est elle qui accueille les enfants des gens du voyage : 30% des enfants dans cette école sont issus de la communauté gitane. Pour autant, la mairie pourrait avoir une politique volontariste qui aiderait à casser la réputation de cette école… »
Mais côté mairie, on préfère, comme le dit Nathalie Delattre, « accorder une respiration à cette école ». Une stratégie qui ne plaît pas à tout le monde à Bacalan. Des parents d’élèves de l’école Labarde ont ainsi publié un tract laissant libre cours à leur colère et leur doute :
« La création massive de logements aux Bassins à Flots et l’arrivée de nouveaux habitants sur le quartier aurait pu être l’occasion d’une remise à plat de la carte scolaire et de l’essor d’une politique volontariste favorisant la mixité sociale. Au lieu de cela, chaque jour, des enfants habitant le quartier sont transférés par bus vers les écoles de Ginko et du Lac avec l’appui de la Mairie de Bordeaux, alors qu’à l’école Labarde il y a 5 classes vides ! ».
Les plus remontés soupçonnent même la Ville de vouloir fermer à terme l’école Labarde.
Présents lors des participiales de ce weekend, des parents d’élèves des écoles Labarde, Charles Martin et Achard ont pu évoquer ces problèmes avec Emmanuelle Cuny et Nathalie Delattre. Preuve, selon eux, que la mairie n’est pas très à l’aise avec cette gestion «quelque peu hasardeuse» des questions scolaires dans leur quartier. Les deux élues leur ont promis une réunion mensuelle.
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