Les organisateurs des manifs bordelaises sont au mieux circonspects, au pire très remontés. Ce jeudi, des marches vont avoir lieu partout en France pour sonner la reprise de la mobilisation contre la loi Travail votée et promulguée au cours de l’été. L’intersyndicale girondine souhaite partir à 11h30 depuis la Place de la République.
Après 4 mois de lutte, l’intersyndicale nationale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Fidl, Unl, Unef) avait demandé aux cortèges de s’éclipser durant l’été pour rebattre le pavé à la rentrée de septembre. Le gouvernement a alors utilisé l’article 49-3 pour faire passer sa loi, doutant visiblement de ses propres députés. Si le retrait n’est plus possible, syndicats et militants réclament toujours son abrogation.
Mais le mouvement accumule les tracasseries. Dans sa déclaration de manifestation en préfecture, l’intersyndicale a opté pour un départ place de la République et une arrivée place de la Bourse. Logique, pour la secrétaire départementale de la FSU, Graziella Danguy :
« Une manif on veut que ça se voit et donc que ça passe en ville. »
Mais, les services de la préfecture rechignent à la laisser traverser le cours de l’intendance, avançant des raisons de sécurité. Fin mai, un jet de peinture sur une banque du cours a provoqué l’arrestation d’un manifestant, suivie de l’arrêt total du cortège jusqu’à la libération du jeune homme.
« Ils nous disent que la zone serait plus compliquée à sécuriser car il y a un manque d’effectifs lié à l’état d’urgence, nous précise Corinne Versigny, secrétaire départementale de la CGT 33. On est en train de restreindre de plus en plus les libertés de manifester. Coûte que coûte, on ne déviera pas notre parcours. »
Gilbert Hanna, de Solidaires 33, fait un pas de plus :
« On a décidé de tenir le coup, sinon un jour ils vont nous faire aller au Grand Parc, à Bordeaux lac. »
A la FSU, Graziella Danguy s’étonne alors qu’ « à Bordeaux, on a pas eu de violence, ni de destruction ». Avec l’intersyndicale, Philippe Mano de Force Ouvrière attend donc une « clarification » qui est intervenu ce mercredi matin. Le passage cour de l’intendance est finalement autorisé car, indique-t-on à la Préfecture, le parcours alternatif était rendu impossible du fait de travaux et les syndicats ont assuré qu’ils s’investiraient pour assurer la sécurité et éviter les troubles.
Stalingrad
Une petite surprise vient aussi de la coordination des jeunes. Alors que le cortège interprofessionnel démarrera depuis la place de la République, les lycéens et étudiants se retrouveront à midi place de la Victoire, soutenus notamment par les collectifs Nuit Debout et #OnVautMieuxQueÇa, la branche étudiante de Solidaires et le syndicat CNT qui par voie de communiqué explique :
« Cette coordination a été la première à diffuser un appel à manifestation, elle espérait que l’Intersyndicale girondine la rejoindrait. »
Rien y a fait, mais Graziella Danguy espère que la coordination des jeunes rejoindra « le cortège des vieux » en fin de manif. Encore faut-il qu’ils le puissent, Corinne Versigny indiquant qu’ils sont « dans le collimateur de la police ». La préfecture précise qu’elle en est informée bien qu’aucune déclaration n’ait été reçue ni pour un rassemblement ni pour une manifestation.
Chaque partie concède par ailleurs que l’importance de la mobilisation reste inconnue. Quelques nouvelles têtes sont certes apparues au milieu de la quarantaine d’étudiants réunie en assemblée générale sur le parvis de Bordeaux 3, mais le mégaphone battant le rappel pour cette AG n’a pas rameuté grand monde.
Pour Corinne Versigny et la CGT, cette manif est une « mise en train » :
« Ce n’est pas parce que la loi est passée aux forceps qu’elle est applicable. On cite souvent le CPE [Contrat Première Embauche sous le gouvernement Villepin en 2006, NDLR] qui a été promulgué mais jamais appliqué. D’autres lois n’ont jamais été appliquées – et là on le regrette – comme celle sur l’égalité femme-homme. Il faut maintenir la pression pour gagner. »
D’autres rendez-vous sont déjà fixés. Un appel à soutien a été lancé pour accompagner, à l’ouverture de son procès à 14h ce jeudi, un manifestant arrêté le 14 juin place Stalingrad. A 18h, le collectif On vaut mieux que ça invite à une réunion à la Halle des Douves « pour converger nos luttes et construire un commun ». Nuit Debout Bordeaux promet de relancer ses rassemblements qui se dérouleraient place Pey Berland.
Capitaine Haddock
Le collectif de lutte veut, selon l’un de ses membres, « évaluer l’intensité du mouvement » avant d’envisager de nouvelles actions de blocages. Dans l’attente d’un mot d’ordre national, les syndicats étudient des recours auprès de l’organisation internationale du travail (OIT) et de l’organisation des Nations-Unies (ONU).
Force Ouvrière a en effet précisé par la voie de son secrétaire national Jean-Claude Mailly que le combat serait juridique, ajoutant que la loi allait devenir un « chewing-gum sous les semelles du gouvernement ». Philippe Mano de FO 33 dirait même plus : « Comme le sparadrap sur la main du capitaine Haddock. »
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