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Les 4 trucs qui font criser les policiers à Bordeaux

Plus de 200 policiers en civil se sont réunis ce mercredi midi devant l’Hôtel de police de Bordeaux. La manif s’est faite sans banderole, sans bruit mais pas sans revendication.

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Les 4 trucs qui font criser les policiers à Bordeaux

C’est sûr qu’il manquerait presque le camion de la CGT balançant HK et les Saltimbanques. On est loin des cortèges contre la loi Travail mais après 10 jours de mobilisations, les policiers ne désarment pas… Cette marche de « la colère policière et citoyenne » est initiée par le syndicat SGP Police Force Ouvrière. Une petite poignée de militants sont là (en toute sécurité) au milieu de 200 policiers. On est loin des manifestations sauvages (ou « inopinées », nous dit un syndicaliste) qui se sont déplacées cette semaine de la rocade à la place de la Victoire en passant par le siège de Sud Ouest. Bref, nos bleus ont le blues.

1 – Une police partout avec moins de policiers

Les policiers du coin ne préfèrent pas donner leurs prénoms. Ceux à la retraite ou d’autres départements sont moins gênés.

« On ne peut plus travailler, affirme Didier (le prénom a été changé). Contrairement à ceux qui sont planqués dans leurs bureaux qui peuvent jouer au solitaire sur leur ordi, nous on met nos vies en jeu. »

Alain, la cinquantaine, n’a pas de carte dans un syndicat. Il énumère les critiques, qui commencent à être connues, à commencer par le manque de moyens – si la brigade anti-criminalité est dotée d’un G36, une arme lourde pour pouvoir riposter en cas d’attaques terroristes, ceux qui doivent les utiliser ne sont pas tous formés.

Policiers manifestants sous la surveillance de policiers (XR/Rue89 Bordeaux)
Policiers manifestants sous la surveillance de policiers (XR/Rue89 Bordeaux)

Et bien sûr le manque d’effectifs : les 10000 postes supprimés entre 2007 et 2012 par Nicolas Sarkozy ont fait du mal. Mais Alain s’empresse de corriger :

« Aucun n’a fait du bon boulot. Nicolas Sarkozy a voulu faire des économies d’effectifs. François Hollande s’est aperçu qu’on allait dans le mur mais bien trop tard. »

Représentant du personnel, Aymed Korbosli mesure cette baisse d’effectifs dans les services de Police Secours.

« Il y a 20-25 ans, la brigade comptait une cinquantaine de fonctionnaires. La population a pendant ce temps presque doublé en Gironde et la brigade tourne désormais avec une vingtaine de fonctionnaires. »

Les policiers en vacances sont appelés régulièrement en urgence pour effectuer des remplacements. Nombre d’heures supplémentaires sont impayées. « On ne travaille plus en sécurité », ajoute-t-il, et les interventions n’en sont que plus tendues.

2 – Les apprentis en première ligne

En tout cas, les patrouilles en voiture ne se font plus à trois mais à deux et bien souvent (de plus en plus nous dit-on) l’un des deux n’est pas un gardien de la paix fonctionnaire de police mais adjoint de sécurité. Ceux-ci n’ont qu’une formation de 3 mois avant de découvrir le terrain pour un peu plus d’un Smic, sans prime de risque ni heures de nuit valorisées, indique un syndicaliste.

Créés sous le gouvernement Jospin, « les adjoints de sécurité devaient suppléer voire aider un fonctionnaire, mais pas le remplacer », explique Thierry, policier retraité et réserviste. Ou quand l’apprenti remplace le boulanger…

D’ailleurs, l’homme placé dans un coma artificiel après avoir été brûlé par un cocktail Molotov à Viry-Châtillon était ADS, tout comme un autre bloqué dans une voiture enflammée lors d’une manifestation parisienne contre la loi Travail.

3 – Hiérarchie dégradée, missions dégradantes

La hiérarchie en prend aussi pour son grade. Didier est monté à Paris pour participer à un comité de déontologie : « Il n’y avait ni mon commissaire, ni mon officier, ni mon gradé. »

Il a du mal à se faire à l’idée que « la prime de [sa] hiérarchie soit assujettie » aux amendes, lui qui jure sur l’honneur que le montant des timbres amendes qu’il fait payer est plus élevé que son salaire (sans préciser les montants).

Mehdi a fait ses gammes au commissariat de Cenon en 2008. Ce policier est aujourd’hui affecté en Île-de-France et regrette la police de proximité, pourtant supprimée à son arrivée. Il regrette que les policiers soient de plus en plus aiguillés vers des missions qu’ils ne comprennent pas.

« Beaucoup d’effectifs sont en garde statiques pour surveiller des personnalités ou des caméras de surveillance [c’était le cas lors de l’agression à Viry-Châtillon, NDLR]. Quand un détenu doit aller à l’hôpital, on doit rester à côté de lui que ce soit pour 8h, 24h ou 48h. On va faire des roulements pour qu’il y ait toujours quelqu’un à côté de lui. »

Le pire pour lui étant peut-être d’avoir dû surveiller le domicile d’un sénateur qui était chez lui. Sa solution ? Les agences de surveillance privées.

4 – Justice nulle part ?

C’est une remarque régulièrement faite par les policiers lors de la manifestation : ils arrêtent plusieurs fois par an les mêmes individus. Aymed Korbosli est, par exemple, fermement convaincu que la violence envers les policiers devient banale. Il veut des peines exemplaires.

Manuel Valls n’a pas rassuré en indiquant que « l’État poursuivra sans relâche ceux qui s’en prennent à nos professeurs, nos écoles, nos forces de l’ordre ». Mais cette accusation de laxisme est « disproportionnée », estime le sociologue Christian Mouhanna. S’il constate un « manque de transmission d’informations entre police et justice », il rappelle que les condamnations pour petites peines sont toujours nombreuses. Si bien que la surpopulation carcérale est un mal à combattre, pour le retraité Thierry :

« A Gradignan, le taux d’occupation de la prison est de 213 %. Comment voulez-vous appliquer les peines avec un tel taux ? »

Mais le réserviste prône la construction de nouvelles prisons plutôt que de proposer d’autres perspectives aux condamnés. On ne se refait pas.


#Bordeaux

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