
Les quatre réacteurs de la centrale du Blayais comptent 15 pièces irrégulières issues de Creusot Forge, et l’inventaire des falsifications de cette société est encore en cours. Mais l’Autorité de sûreté nucléaire a validé la poursuite de son activité. Des militants anti-nucléaire ont dit leur colère vendredi à Bordeaux.
Une trentaine de manifestants anti-nucléaire ont réclamé la fermeture de la centrale du Blayais lors de l’assemblée générale de la CLIN (commission locale d’information nucléaire), ce vendredi à Bordeaux.
Les militants écologistes, des associations Tchernoblaye et Greenpeace ou d’Europe écologie-Les Verts, ont critiqué l’ « omerta » en vigueur sur le véritable état du parc français, dont la plupart des réacteurs comportent des « pièces défectueuses », selon les termes des manifestants.
Face aux représentants de l’Etat, de EDF et de l’ASN, ils ont déployé pancartes et banderoles dans l’amphithéâtre Badinter du conseil départemental de la Gironde, où se tenait la réunion publique de la CLIN – une commission à laquelle Greenpeace a néanmoins choisi de pleinement participer, alors qu’elle ne sert pour d’autres, comme Tchernoblaye, que d' »écran de fumée » démocratique au lobby nucléaire.
Cette réunion était particulièrement attendue alors que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a récemment révélé que ces anomalies concernent plusieurs composants essentiels des réacteurs du Blayais.
« Des pratiques inacceptables »
Suite à la découverte d’irrégularités pour la cuve de la centrale de Flamanville, actuellement en chantier, le gendarme français du nucléaire a réalisé que l’usine de Creusot Forge, filiale d’Areva, avait falsifié des documents administratifs pour 87 pièces installées dans 24 réacteurs partout en France. Objectif : écouler du matériel non conforme aux exigences de sécurité.
«Ce sont des pratiques inacceptables », estime Bertrand Fremaux, adjoint au chef de la division de Bordeaux de l’ASN, qui rappelle que le procureur de la Républiques a été saisi pour enquêter sur ces « malversations ».
Bertrand Fremaux a apporté des précisions sur ces pièces irrégulières – « 15 dossiers pour les 4 réacteurs du Blayais, sur 87 cas découverts en France, ce qui est beaucoup », a-t-il souligné -, qui se trouvent dans les générateurs de vapeur.
7 des cas « les plus graves, des écarts entre les référentiels de fabrication et les exigences du client », concernent le réacteur N°1, qui attend actuellement une décision sur la prolongation pour 10 ans supplémentaires de son activité.
A la demande de l’ASN, EDF a mené des analyses pour chercher d’éventuels défauts, et mesurer les taux de séquestration du carbone. Susceptibles d’être anormalement élevés dans les pièces irrégulières, il pouvait endommager celles-ci et mettre en cause la sûreté de la centrale.
Mais pourtant, elle tourne… Car après 6 mois d’arrêt pour la visite décennale du réacteur 1, prolongé pour vérifier les pièces litigieuses, l’ASN a jugé que les études d’EDF démontrent « la parfaite intégrité des générateurs de vapeur » et « l’absence de défaut » pour chaque pièce ayant fait l’objet d’une falsification.
Conflits d’intérêts ?
L’Autorité a donc donné son feu vert à EDF, exploitant de la centrale du Blayais, pour ne pas arrêter ses réacteurs. Mais elle explique par ailleurs que le travail d’inventaire des mystifications de Creusot Forge, est loin d’être achevé : 50 (!) agents d’Areva mènent à temps plein un examen complet de tous les dossiers, qui pourrait prendre encore un an.
Ce qui ne va pas sans inquiéter, des anti-nucléaires résolus comme Stéphane Lhomme, de Tchernoblaye – « ce sont les gangsters qui font les contrôles » – aux ingénieurs chevronnés comme Stéphane Roudeau, chercheur au Centre d’études nucléaires de Bordeaux Gradignan, et membre du bureau de la CLIN :
« Aujourd’hui, Creusot Forge est détenu par qui ? a-t-il interrogé les représentants de l’ASN et de l’Etat. Par Areva, qui fait elle-même l’objet d’une offre de rachat par EDF. Il peut y avoir un conflit d’intérêt, comprenez bien. »
Ce à quoi Bertrand Fremaux a rétorqué que l’actionnariat des entreprises citées n’était « pas le problème de l’ASN » : « Nous sommes là pour assurer que les réacteurs fonctionnent en toute sûreté. »
Le problème de fond, a poursuivi Stéphane Roudeau, interrogé par Rue89 Bordeaux, réside dans la faiblesse du gendarme du nucléaire :
« Suite à la découverte des irrégularités, l’ASN n’a procédé exclusivement qu’à l’instruction des dossiers, car elle manque de moyens et de personnel pour le faire elle-même. Elle n’est pas en mesure de mener elle-même les contrôles techniques. Maintenant, EDF a les compétences et n’a pas intérêt à mettre la poussière sous le tapis. »
Tant que la poussière n’est pas radioactive, tout va bien.
- l'ASN fait arreter le réacteur par précaution pour analyse
- les analyses démontrent l'absence de défaut
- l'ASN autorise donc le réacteur à repartir
Je ne comprends donc pas du tout pourquoi votre titre semble s'indigner avec un "Mais pourtant, elle tourne" ?!
La phrase "Mais elle explique par ailleurs que le travail ..." s'applique à d'autres réacteurs, on est bien d'accord ?
Soit j'ai mal compris quelquechose, soit votre article a un problème de logique.
Plus généralement, on voit bien que rien ne suffira jamais à calmer les excités du principe de précaution. Le nucléaire est sans doute l'un des secteurs les plus surveillés et contrôlés, du coup ils vont chercher des conflits d'intérêts qui n'ont aucun sens (commme si le fait qu'EDF posséderait Areva allait donner envie à cette entreprise de laisser des malfaçons rendre dangereuses les centrales, de mettre en danger les salariés et la population... Quel rapport ??), sans parler d'insultes (" ce sont les gangsters") qui ne sont accompagnées d'aucun argument.
Un meilleur journalisme consisterait non seulement à être critique et vigilant avec cette industrie sensible (mais ça toute la presse le fait déjà), mais à l'être tout autant envers ses détracteurs. Ca changerait un peu de cette éternelle présomption de culpabilité/duplicité/complot à l'encontre de l'industrie nucléaire (avec laquelle je n'ai aucun rapport je précise).
Ensuite, lorsque nous écrivons que "le travail d’inventaire des mystifications de Creusot Forge, est loin d’être achevé", il concerne aussi potentiellement les réacteurs du Blayais. Les "excités du principe de précaution" sont ici au nombre de 50, travaillent pour Areva, mais s'il s'agit de prévenir un accident nucléaire en France, hypothèse "probable" selon le patron de l'ASN (sans doute un autre excité), on ne compte pas.
Enfin, merci pour la leçon de journalisme, mais d'une part nous sommes vigilants envers les arguments des uns et des autres (vous noterez que l'accusation de conflit d'intérêt émane d'une ingénieur nucléaire), d'autre part je m'étonne de lire que toute la presse est "critique" avec cette industrie sensible. Certes, les scandales à répétition liés notamment aux malfaçons de l'EPR finissent par allumer quelques lanternes. Mais on est encore loin d'une presse hostile, que les causes résident dans le poids des lobbies, dans notre classe politique majoritairement pro nucléaire, dans la propagande sur l'"indépendance" énergétique française et cette énergie "décarbonée", ou encore, plus simplement, dans la méconnaissance d'un sujet technique et goutant peu de la lumière. Je citerai juste cet exemple : paru en toutes discrétion un vendredi soir, l'avis de l'ASN sur les pièces irrégulières de Creusot Forge a rencontré un silence médiatique assourdissant. C'est la parution quelques jours après du rapport critique d'un spécialiste mandaté par Greenpeace qui a fini par attirer l'attention des journalistes.
Vous avouerez que ce n'est pas très clair dans l'article. Il est écrit juste avant que le réacteur 1 est mis hors de cause, puis que "L’Autorité a donc donné son feu vert à EDF, exploitant de la centrale du Blayais, pour ne pas arrêter ses réacteurs." Dur d'en déduire que d'éventuels problèmes pourraient concerner cette centrale.
"Les "excités du principe de précaution" sont ici au nombre de 50, travaillent pour Areva"
Je ne parlais avec cette expression d'Areva ni de l'ASN, mais de militants comme Stéphane Lhomme, de Tchernoblaye.
"Enfin, merci pour la leçon de journalisme"
Franchement ma formulation n'était vraiment pas terrible : je m'en excuse.
"vous noterez que l'accusation de conflit d'intérêt émane d'une ingénieur nucléaire"
Elle a beau venir d'un ingénieur, cela ne la rend pas automatiquement vraie, ni cohérente. Si Creusot Forge appartient à EDF, en quoi cela entraine EDF à davantage mentir sur les failles ou falsifier les contrôles ? Faut il absolument tout sous-traiter pour être incorruptible ? Je ne vois toujours pas l'idée derrière cette accusation.
"je m'étonne de lire que toute la presse est "critique" avec cette industrie sensible. Certes, les scandales à répétition liés notamment aux malfaçons de l'EPR finissent par allumer quelques lanternes. "
On ne doit pas lire la même presse..."Quelques lanternes" ? Vous êtes sérieux ? Alors que des centaines d'articles concernant l'EPR ou les fameuses cuves non conformes ont été publiés ?
"paru en toutes discrétion un vendredi soir, l'avis de l'ASN sur les pièces irrégulières de Creusot Forge a rencontré un silence médiatique assourdissant. C'est la parution quelques jours après du rapport critique d'un spécialiste mandaté par Greenpeace qui a fini par attirer l'attention des journalistes."
L'attention des journalistes a été attirée avec retard. Ce n'est pas pour autant que les articles ont été favorables au nucléaire... On verra dans quelques mois, mais voici mon pronostic : les études montreront qu'aucun danger sérieux n'a été pris, et que les marges de sécurité à tous les niveaux de l'industrie nucléaire ne sont pas prises pour rien. Et à la prochaine "alerte" quelconque, on repartira dans le même excès sur les soi-disant dangers incontrôlés du nucléaire.
Par ailleurs, EDF a proposé avec l'accord de l'ASN des mesures compensatoires pour l'exploitation pour éviter des chocs thermiques ce qui signifie quand même une certaine dégradation de la marge de sûreté.
Enfin dans une note mise en ligne sur son site l'ASN précise "La présence d'un tel défaut est susceptible d'altérer les caractéristiques mécaniques de l'acier constituant le générateur de vapeur, et
notamment d'entrainer un risque de rupture de ces équipements en cas de choc thermique" et on peut penser que l'ASN a pris en compte ce risque.
Pour autant, il semble difficile de nier qu'il existe désormais une dégradation de la marge de sûreté même si son niveau n'est pas tel aux yeux de l'ASN qu'il nécessite l'arrêt du réacteur.