A cause d’une « production insuffisante » de logements sociaux, « beaucoup de jeunes salariés sont parfois obligés de se loger à 50 kilomètres » de leur lieu de travail, note le préfet de la région Nouvelle Aquitaine, Pierre Dartout. Alors que l’hiver éclaire de façon plus crue encore le problème du mal logement, ce dernier a donc décidé de taper du poing sur la table : jeudi lors des vœux à la presse, il a indiqué que l’Etat avait fait valoir son droit de préemption pour construire 300 logements sociaux sur 9 terrains dans plusieurs villes de Gironde ne respectant pas leurs obligations légales.
Loi SRU (solidarité et renouvellement urbain) impose en effet 25% de logements sociaux dans les communes de plus de 3500 habitants situées dans les agglomérations de plus de 50000 habitants. Or en 2015, la préfecture de Gironde a constaté un état de carence dans 8 d’entre elles : Coutras, Saint-Denis-de-Pile et Izon, situées dans l’agglomération de Libourne ; et dans celle de Bordeaux, le Pian-Médoc (déjà montrée du doigt par l’Etat), Cadaujac, Tresses et Saint-Sulpice-et-Cameyrac.
« Une politique incohérente »
Comme le lui autorise la réforme à la loi SRU votée en 2014, l’Etat s’est donc substitué à ces communes pour préempter des terrains, transmis ensuite à des bailleurs sociaux pour lancer des opérations. Cela a par exemple permis la création d’un programme de 70 logements à Saint-Sulpice-et-Cameyrac (8,8% de logements sociaux), raconte à Rue89 Bordeaux son maire, Pierre Jaguenaud :
« Quand je suis arrivé en 2014, la commune était déclarée en carence car rien n’avait été fait par mon prédécesseur, et la préfecture s’est attribuée ce droit de préemption.Nous avons déterminé ensemble l’emplacement d’un terrain, que l’État a préempté, et a recédé à un bailleur pour construire. Depuis, Saint-Sulpice n’est plus carencée, et j’ai récupéré le droit de préemption, que j’ai utilisé pour acquérir 2 immeubles et les rétrocéder à Clairsienne. »
Si l’édile girondin est disposé à construire des logements sociaux, il fait partie du Collectif des communes carencées et déficitaires de France (une centaine de membres), qui conteste la clé de répartition de l’effort, concernant seulement 1000 des 36000 communes de France.
« Nous allons avoir à Saint-Sulpice 100 nouveaux logements, soit 250 nouveaux habitants (sur 4500 actuellement), explique Pierre Jaguenaud. Mais nous sommes une commune assez enclavée, avec peu de créations d’emplois, et les gens sont obligés d’aller travailler ailleurs, générant des bouchons. Or nous sommes soumis à cette obligation SRU car nous faisons partie de l’agglomération de Bordeaux, au sens de l’Insee, c’est à dire qu’aucun ensemble de logement n’est situé à plus de 300 mètres de son voisin. Cette politique n’est pas cohérente. Beychac-et-Caillau ou Montussan, situées plus près de Bordeaux et desservies par la N89, ne construisent pas car elles ne sont pas obligées par la loi ! Plusieurs communes du Bassin d’Arcachon, comme Andernos, ne sont non plus soumises à rien, car elles ne font pas partie d’une agglomération. »
Ô rage, ô Pinel
Pour le maire, la loi SRU aurait plus d’efficacité si elle visait « un plus grand nombre de communes avec des quotas moindres ». Il s’étonne en outre qu’une ville comme Coutras soit soumise à la loi alors que la demande y est faible. La commune de 8500 habitants, qui doit passer de 9,2 à 20% de logements sociaux, figure donc parmi les 5 villes de Gironde toujours en situation de carence (avec Saint-Denis-de-Pile, Le Pian-Médoc, Cadaujac et Izon). Elle doit à ce titre s’acquitter d’une amende de plus de 50 000 euros par an, et la préfecture y exerce son droit de préemption.
« Nous aurons 20 à 30 logements livrés chaque année jusqu’à la fin du mandat, indique-t-on à la mairie. On n’a plus la main sur le droit de préemption, mais on travaille avec les services de l’Etat sur les endroits stratégiques. Nous aurions vraisemblablement exercé ce droit si la préfecture ne l’avait pas fait. On va se plier à la loi, mais celle-ci est très contraignante, et appliquée sans discernement sur l’ensemble du territoire. Coutras est ainsi classée en zone C de la loi Pinel, c’est à dire en zone non tendue où les propriétaires ne peuvent pas défiscaliser. Cela veut dire que l’offre de logement locatif devrait être chez nous générée par la puissance publique. »
Mais aussi que l’Etat considère que des logements sociaux, qui concernent potentiellement 80% de la population de Coutras, trouveront plus facilement des locataires que des logements neufs Pinel dans une région jugée moins dynamique que l’agglo bordelaise.
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