Donnée favorite du premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen n’a jamais paru aussi proche du pouvoir, et le Front national avec elle. Depuis 2012, le parti enchaine les succès électoraux, et perce même dans des régions qui ne lui étaient traditionnellement pas favorables, comme le Sud Ouest.
Aux dernières régionales, fin 2015, le FN a ainsi réalisé 23,23% dans le nouvel ensemble, une entité dont il dénonçait pourtant vigoureusement la création, et où il compte désormais 29 élus. Il n’en avait aucun dans les trois anciens conseils d’Aquitaine, du Limousin et de Poitou-Charentes
Lors des élections départementales de mars 2015, le canton du Nord-Médoc a élu deux conseillers du FN, qui entrait ainsi pour la première fois dans l’assemblée girondine. L’année précédente, lors des municipales, 19 listes FN se sont montées en Gironde, contre 2 en 2008, faisant élire 17 militants d’extrême droite.
Certes, le FN ne dirige aucun exécutif local dans la région, et ne dispose donc pas d’une « vitrine » comme Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais, ou Beaucaire dans le Gard. Mais si l’influence de ses élus d’opposition est limitée dans les instances où ils siègent, leurs paroles et leurs actes sont éclairants sur la vision du parti lepéniste. Et ils sont conformes à la politique mise en œuvre lorsque le FN est (aillleurs) aux affaires, et à ses obsessions.
Pour comprendre leur degré de nuisance, Rue89 Bordeaux s’est plongé dans les procès verbaux des séances du conseil municipal de Bordeaux et du conseil de Bordeaux Métropole, des plénières du département de la Gironde et de la région Nouvelle-Aquitaine, pour toute l’année écoulée.
Le Front national profite parfois des délibérations apparemment les plus anodines pour dérouler son discours essentiellement fondé sur la dénonciation – de l’immigration, de l’assistanat, des impôts, de la culture « bobo », des politiques anti-voiture…
Antisocial tu perds ton (droit du) sang-froid
Ces postures lui servent parfois à justifier l’injustifiable, comme refuser la création de places d’hébergements d’urgence ou de logements sociaux, au motif qu’ils ne profiteraient pas uniquement aux « Français de souche ». Se retrouvant donc souvent seuls à voter contre de nombreux projets locaux ou subventions, ses élus peuvent resservir à loisir le couplet anti-système :
« Nous sommes ravis d’être présents dans ces instances car tout ce que l’on disait sur l’UMPS se vérifie, estime Edwige Diaz, nouvelle secrétaire départementale du FN en Gironde, et conseillère régionale. Nous avons des exemples concrets à communiquer à nos adhérents, qui ne sont pas relayés par les médias. »
Il faut donc que cela change, en effet. Voici donc pour commencer un bilan des élus locaux FN en matière de culture, en attendant d’évoquer leurs positions sur l’écologie et le social ; celles d’un parti antisocial qui perd son sang-froid. Le Front connait en effet de sérieux maux de tête, et une véritable crise de croissance : ici comme ailleurs en France, de nombreux élus ont rendu leur tablier.
C’est le cas de la conseillère départementale Sonia Colemyn, qui s’est dit « déçue » du Front national, et surtout de son binôme Grégoire de Fournas, qu’elle juge « sexiste » et « autoritaire ». Elle a depuis rallié Debout la République, le parti de Nicolas Dupont-Aignan, qui l’a investie candidate aux élections législatives, ce qu’elle n’avait pas obtenu du FN.
Quand la vague bleue Marine fait flop
Elle aussi recalée des investitures, la conseillère régionale (et municipale, à Bègles) Nathalie Le Guen a quitté le parti pour rejoindre un de ses satellites, le SIEL (Souveraineté, identité et libertés). Proche de la droite villiériste, aussi qualifiée de droite « hors les murs », entre Les Républicains et le FN, elle justifie son départ par la « dérive gauchisante » de ce dernier sous l’influence de Florian Philippot.
Le chemin du SIEL, c’est aussi celui qu’a suivi Gérard Belloc, élu municipal à Floirac, en froid avec son colistier et avec la fédération départementale. A Lormont, le candidat FN à la mairie, Jean-Baptiste Defrance, a lui rejoint Debout la République, et son groupe au conseil municipal s’est totalement affranchi du FN.
Bref, que ce soit pour des raisons d’égo, de mésentente avec la ligne fixée à Nanterre, ou siège le parti, ou bien de querelles personnelles, le Front national n’arrive pas (encore ?) à transformer l’essai. Même dans les villes où il a fait ses plus gros scores dans la métropole aux élections municipales, ces communes populaires de Lormont, Floirac et Amabarès-et-Lagrave, dirigées par la gauche, les élus portés par la « vague bleue Marine » ont préféré quitter le navire. Notre enquête vous explique pourquoi.
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