A partir du 1er avril, les gens peuvent être expulsés de leur logement, une « méthode d’un autre âge, indigne de notre société », tonne Yannick Poulain, de la Confédération nationale du logement (CNL), qui représente les locataires.
« Comment peut-on jeter des gens comme des papiers gras et s’étonner qu’ils dorment à la rue ou dans leur voiture ?, s’interroge le responsable en Gironde de la CNL, qui défend les locataires. Personne n’est à l’abri car tout le monde peut se retrouver au chômage », la perte d’emploi étant à l’origine d’une expulsion locative sur deux.
En 2105, 126946 décisions d’expulsions locatives ont été prononcées en France, soit 80% de plus qu’en 2000. Si seulement un petit nombre d’entre elles sont effectivement réalisées sous la contrainte – 14127, un chiffre qui a presque triplé en 15 ans -, c’est la rue à la clé pour tous ceux qui ont dû quitter leur logement. Et pour certains, la mort au bout du chemin – l’espérance de vie d’un sans domicile fixe oscille entre 40 et 50 ans.
Pour sensibiliser le grand public à ce problème, la CNL et une quinzaine d’organisation – dont la Ligue des droits de l’Homme, Droit au Logement, Réseau éducation sans frontière (RESF), Agir contre le chômage (AC) Gironde, la CGT… – ont lancé un appel unitaire inédit pour un rassemblement à Bordeaux, place de la Victoire, le 1er avril à 15h.
L’augmentation des expulsions vient de la crise du logement, ont rappelé les membres de ces mouvements lors d’un point presse, ce mercredi à la Bourse du travail :
« Ce n’est pas un hasard si notre initiative intervient dans une des villes de France dont les prix augmentent le plus (de 40% en 10 ans dans la métropole, NDLR), souligne Jean-Pierre Labroille, de la LDH. En Gironde, 43000 demandes de logement social restent non satisfaites sur 10000 attributions par an. »
Respect
Pour prévenir les expulsions, les associations exigent avant tout « le respect du droit » : appliquer le droit au logement opposable (DALO), se plier aux obligations de la loi SRU visant 25% de logements sociaux dans les grandes villes (Bordeaux est à moins de 17%), héberger tous les demandeurs d’asile… Ou encore réquisitionner des logements vides, comme la loi autorise les préfets et les maires à le faire, en indemnisant les propriétaires.
« Beaucoup de logements ont été préemptés dans le cadre des opérations d’aménagements, comme Bordeaux Euratlantique, indique Myriam Eckert, militante du DAL récemment relaxée dans une affaire d’occupation d’un appartement. Ces logements sont viables mais gelés dans l’attente du démarrage des projets, et pourraient être réquisitionnés. On compte par exemple 34 logements murés dans la barre D, à la Benauge, promise à la démolition. Il y a 10400 logements vacants sur la métropole, on a du mal à comprendre pourquoi on n’arrive pas avec ça à loger les 3000 personnes à la rue. »
Les organisations réunies pour cet appel condamnent également les « expulsions manu militari » de squats ces derniers mois dans la métropole.
« On parle de personnes dans l’urgence, et qui se retrouvent mises à la rue par la police quand elles essayent d’appliquer elles mêmes la loi, poursuit Myriam Eckert. Les maires de la métropole ne prennent pas leur responsabilités : non seulement ils n’appliquent pas leur pouvoir de réquisition, mais ils coupent les fluides (eau, électricité), et mettent les familles dans la difficulté au lieu de les aider. »
Les associations se réjouissent en revanche du ralliement de Bordeaux Métropole (voté le 17 mars) à l’établissement public foncier de la région Nouvelle-Aquitaine, qui permettra de contrôler les prix des terrains. Et ce même s’ils jugent cette décision très tardive.
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