C’est en marge d’une dégustation de primeurs, ce vendredi soir, qu’Alain Juppé a lâché une bombe. Entre deux canons, le maire de Bordeaux a déclaré, à la stupeur de son entourage, qu’il ne voterait pas François Fillon, mais Emmanuel Macron dès le premier tour de l’élection présidentielle.
Voila un nouveau coup de théâtre dans une campagne qui n’en est décidément pas avare. Alain Juppé n’affirmait-il pas encore jeudi soir, lors d’un meeting au Bouscat, son soutien au candidat Les Républicains, qui l’avait battu à la primaire de la droite et du centre ?
Depuis le renoncement définitif d’Alain Juppé à remplacer François Fillon, plombé par le Pénélopegate, François Bayrou, soutien de l’ancien ministre de l’économie, pressait le maire de Bordeaux, dont il est très proche, de l’imiter.
Plusieurs cadres locaux du Modem, membres de l’équipe d’Alain Juppé, comme Alain Cazabonne (maire de Talence) ou son adjoint Marik Fetouh, ont décidé de soutenir le candidat d’En Marche ! après la défaite de leur champion. Emmanuel Macron lui-même avait encensé le maire de Bordeaux lors de son meeting à la Médoquine le 9 mars dernier.
« Il m’a piqué mes idées »
Alain Juppé a-t-il été influencé par le retournement de veste d’un autre ancien Premier ministre, également finaliste malheureux de la primaire (à gauche, celle-ci), Manuel Valls ? Par l’exemple de son mentor Jacques Chirac, appelant à voter Hollande en 2012 ? Ou plus simplement par les quelques verres de vin rouge dégustés ce vendredi ?
Difficile à dire. Le maire de Bordeaux a ajouté qu’il se reconnaissait dans les idées « que [lui] a piqué l’ancien banquier, comme supprimer 120000 postes de fonctionnaires ! ». Il a rappelé aussi, comme il l’avait fait le 6 mars dernier, qu’il redoutait la « radicalisation » des militants LR, « susceptible de briser les digues avec l’extrême droite ».
Se retournant vers Marik Fetouh, en charge du Capri (centre de prévention de la radicalisation des individus), Alain Juppé lui a d’ailleurs demandé non sans ironie s’il ne pouvait pas « s’occuper de déradicaliser certains membres de Sens Commun et autres proches de Laurent Wauquiez ».
Les réactions ne se sont en tous cas pas faites attendre. Dans l’état-major d’Emmanuel Macron, on s’est aussitôt réjoui du ralliement d’un tel poids lourd, ancien Premier ministre et actuel président de Bordeaux Métropole, à la candidature anti-système de l’ex conseiller de l’Elysée.
Certain suggèrent même le nom d’Alain Juppé pour Matignon, où il aurait l’expérience pour mener une nouvelle réforme des retraites. D’autres font valoir que de Manuel Valls à Alain Juppé, de Robert Hue à Alain Minc, si le renouvellement laisse à désirer, il y aura de quoi échafauder une large majorité à l’Assemblée.
Rousset et Poutou aussi
Représentant de Benoît Hamon en Gironde, le conseiller municipal PS Matthieu Rouveyre a jugé « logique que le maire bâtisseur de Bordeaux grâce à Bouygues et Vinci rejoigne le candidat de l’argent ».
Selon nos sources, Alain Rousset, président socialiste de la région Nouvelle-Aquitaine, aurait quant à lui été vexé que le maire de Bordeaux lui coupe l’herbe sous le pied, car il s’apprêtait à déclarer son soutien à Emmanuel Macron d’une seconde à l’autre (soit au lendemain du deuxième tour, pour respecter sa ponctualité légendaire).
Du côté des proches d’Alain Juppé, on avait l’air ce vendredi plus circonspect. Soutien de François Fillon, Virginie Calmels a glissé qu’elle restait « juppéiste un jour, juppéiste toujours, même si Juppé votait Poutou ».
Le candidat bordelais du NPA a lui-même fait savoir par communiqué ce vendredi qu’il voterait… Emmanuel Macron !
« Autant choisir d’emblée un capitaliste qui vous vendra la corde pour le pendre, et mettra le plus rapidement possible les gens dans la rue », écrit l’ouvrier CGT de Ford Blanquefort, guère optimiste sur ses propres chances.
Avant de préciser par un rectificatif que cette annonce aurait dû parvenir à la presse ce samedi, 1er avril.
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