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Du malaise social au burn-out pour les agents de Bordeaux Métropole

Découragements, arrêts-maladies, tentatives de suicide, le moral de ses agents alerte Bordeaux Métropole. Plus d’un an après le démarrage de la mutualisation des services, le baromètre social affiche des résultats « mitigés » selon le socialiste Alain David, mais surtout « édulcorés » selon les syndicats. Explications des tensions.

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Du malaise social au burn-out pour les agents de Bordeaux Métropole

« Les élus sont au courant depuis longtemps mais désormais on leur met devant les yeux, de manière publique, la situation telle qu’elle est. Ça les obligera à réagir. »

Sylvie Bridier, secrétaire de section à la CFDT Bordeaux Métropole (premier syndicat chez les salariés de l’intercommunalité) ne cache pas un certain agacement. La mutualisation des services communaux de la métropole lancée début 2016 a conduit à un malaise qui se généralise parmi les agents.

Le baromètre social réalisé par le cabinet Neexia affiche des « résultats mitigés » admet Alain David. Plus de 1800 agents y ont répondu en septembre dernier, soit 38% des sondés.

Stressés, épuisés, isolés

Lors de la présentation de ce rapport au conseil métropolitain le 14 avril, le maire PS de Cenon et vice-président aux ressources humaines de la métropole en convenait :

« Des points sont à surveiller particulièrement comme le ressenti des répondants qui se déclarent majoritairement découragés, stressés, épuisés et isolés. [68% selon la CFDT, NDLR] »

La satisfaction globale au travail atteint certes 5,5/10 mais ce résultat « au-dessus de la moyenne » ne saurait masquer d’autres plus alarmants : 68% des répondants estiment que les agents ne sont pas traités avec équité quelle que soit leur fonction, et 65% jugent qu’il n’y pas de climat de confiance ni de respect.

« On nous avait dit qu’avec la mutualisation, il y aurait 6 mois difficiles. Plus d’un an après, ça va de mal en pis », déplore Raymond Léglise de Force ouvrière, deuxième syndicat de métropole.

Pour une courte majorité (51%), les agents voient leurs conditions de travail se dégrader indique le rapport – et 34% les disent inchangées. Les principaux maux sont un manque de reconnaissance, des objectifs irréalistes et mauvaise ambiance entre collègues.

Les agents de Bordeaux Métropole rassemblés dans le hall de l’institution en mai 2015 (SB/Rue89 Bordeaux)

Les deux syndicats voient un autre phénomène inquiétant : les alertes pour des risques psycho-sociaux (RPS) s’accumulent.

« Depuis le début de l’année, j’en suis à un 4e cas de harcèlement moral, poursuite Sylvie Bridier. Les directeurs et chefs de services sont eux mêmes en grande difficulté et ça retombe sur les agents. Je suis de plus en plus sur de l’accompagnement individuel. »

« Plus de la moitié des agents qui ont consulté leur médecin l’ont fait à cause de l’épuisement au travail », renchérit Christine, membre CFDT du Comité Hygiène Sécurité Condition de Travail (CHSCT).

8000 agents et une psy

L’impact est clair selon le baromètre : 51% des répondants trouvent leur travail pénible psychologiquement et 61% disent qu’il impacte la qualité de leur sommeil. Sylvain Verney, secrétaire FO du comité, évoque le ras-le-bol qui se traduit en arrêt-maladie. Une tentative de suicide sur lieu de travail est même à déplorer, mais « il faut analyser les causes qui peuvent aussi être familiales ou personnelles », tempère Alain David.

Ces milliers d’agents n’ont pour les écouter qu’une psychologue, bientôt secondée. Christine ajoute :

« Il faut plus d’un mois pour avoir un rendez-vous avec elle. Les médecins du travail sont là, compétents, présents mais surbookés. Et le service de médecine préventive est sinistré. »

Comment un tel malaise s’est-il imposé ? La mutualisation s’est faite « à la hussarde », accuse la CFDT. François Fournier, membre CFDT du CHSCT, balance :

« Dès juin 2014, il y avait un calendrier électoral à respecter pour Alain Juppé et ça a été la principale précipitation. L’autre, ça a été la hâte du sénateur Alain Anziani (premier vice-président et maire de Mérignac, NDLR) qui voulait appliquer la loi votée. »

Un an plus tard, le syndicaliste raconte les « cadres mis sous pression qui ne comptent plus leurs heures, sont épuisés et se déconnectent de leurs équipes » quitte à faire peser un poids plus lourd sur les agents.

Alain David ne veut « accabler personne car la décision était collective » mais « regrette » lui-même la rapidité avec laquelle a été faite la mutualisation : il demandait six mois pour la mise en route, n’en a obtenu que quatre et estime même aujourd’hui qu’un an aurait été nécessaire.

Vestiaires de femmes

La direction centrale des ressources humaines de Bordeaux Métropole voit le nombre d’agents métropolitains passer de 3000 à 5000 et entrer dans son giron ceux de la ville de Bordeaux, du centre communal d’action social (CCAS) bordelais, mais aussi les agents des communes via les pôles territoriaux, explique Sylvie Bridier. Elle en conclut que « la DRH est dans un mal-être total alors qu’ils sont censés accompagner les agents », désormais au nombre de 8000.

Raymond Léglise ajoute :

« La majorité des membres de la DRH avant la mutualisation ont demandé le départ de leur service. »

La situation serait telle que les services de ressources humaines ne savent plus si certains agents dépendent de la métropole ou des communes. Depuis un an, les syndicats n’arrivent pas non plus à obtenir la liste des bâtiments où travaillent les agents – une exagération des faits selon Alain David. Mais, le constat fait par Raymond Léglise reste alarmant :

« Le transfert des bâtiment s’est fait sans état des lieux. L’entretien est désormais à la charge de la métropole. Mais à Mérignac, un bâtiment a été cédé pour la mutualisation des espaces verts et propreté. Il est en décrépitude, les prises électriques sont défaillantes, les peintures s’écaillent et tombent, et il n’y avait pas de vestiaires pour les femmes – il a finalement été aménagé dans un couloir. A Bordeaux, un transfert de bâtiment a montré que le toit était amianté alors que le constat avait déjà été fait en 2013. »

Les syndicats craignent que ces remarques n’atteignent pas les élus. Selon Force ouvrière, la cogestion entre le groupe majoritaire de droite Communauté d’avenir et ceux d’opposition PS et EELV conduit à ce que « toutes les résolutions soient votées comme un seul homme ».

Défiance généralisée

Le dialogue social est « presque inexistant » pour la CFDT qui, avec FO, dénonce le choix de l’administration de ne jamais prendre en compte les avis contradictoires émis par les syndicats.

Au fait, quels agents ont répondu au questionnaire ? « Les cadres ont plus répondu que les agents de base » indique la communication de Bordeaux Métropole. Les services de voirie ou de collecte des déchets, les policières municipaux et les agents des crèches ont « peu répondu » malgré l’envoi du questionnaire par voie numérique et papier.

La CFDT estime ainsi que 60% des personnels de catégorie A (plus élevés dans la hiérarchie) et 52% de la catégorie B (également encadrant) ont répondu contre 27% en catégorie C – ce qui représente la moitié des répondants alors qu’ils représenteraient les deux tiers du personnel de la métropole. Le baromètre ne dissocie pas ces catégories dans ses résultats.

Enfumage

Par ailleurs, selon Christine de la CFDT, « 62% des répondants considèrent que la direction générale ne tiendra pas compte des résultats de l’enquête. Un certain nombre n’a même pas répondu car il estime que ça ne servira à rien et notamment dans les catégories C. »

Il faut dire que les mouvements sociaux de masse en mai 2015 et en juin 2016 n’ont pas eu de répercussions ni l’écoute attendue. Les syndicats n’en envisagent d’ailleurs pas « sauf s’il y a une forte poussée en ce sens des agents » indique Sylvie Bridier. Christine demande une remise à plat et lance un appel :

« Il ne faut pas avoir peur de défaire ce qui ne marche pas. »

Le baromètre social est reconduit pour la fin de cette année. D’ici là, un plan de prévention des risques psycho-sociaux a été lancé, un autre de lutte contre l’absentéisme est en cours de finalisation nous indique la communication de Bordeaux Métropole.

« De l’enfumage » craint Max Guichard. L’élu communiste qui défend bec et ongles les agents métropolitains salue « le pas en avant » des élus qui « sortent de leur surdité » mais il met « sous surveillance rapprochée » le fonctionnement de la direction générale des services :

« C’est un sujet humain et public car les services publics ne peuvent pas être efficaces si les humains n’ont pas de bonnes conditions de travail. S’il y a une chance sur cent que ça marche, je la prends mais je serais très attentif. »

Samedi dernier, Bordeaux Métropole a reçu le mal-nommé Trophée d’or de la Finance pour sa bonne santé financière « dans un contexte de réforme institutionnelle et de contrainte budgétaire ». Pas sûr que la métropole obtiendra rapidement le Trophée d’or des Ressources Humaines.


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