Elle restera sans doute comme la plus courte des étapes. Une heure de chargement – avec cette question : les quatre fines embarcations pourront-elles absorber la montagne de matériel entassée sur le quai de Lamagistère – dix minutes de route jusqu’au jardin d’Isabelle et Pascal Henault, nos hôtes pour la nuit. Accueil royal.
Le temps de planter le bivouac entre les fleurs et les légumes et nous sommes sur la terrasse, en surplomb du fleuve. Sur la gauche derrière un tremble, la centrale nucléaire de Golfech. Nous y étions, au barrage hydroélectrique attenant pour être exact, un peu plus tôt dans l’après-midi, accueilli par Jean-Marie Delpeyroux de l’association Migado. En poste depuis 1987, Il veille sur le fonctionnement de l’ascenseur à poissons et compte le passage des migrateurs, anguilles, lamproies, saumons – qu’il prélève pour les monter en camion jusqu’à Pamiers. Par la fenêtre de son bureau, carré de verre donnant sur la partie immergée du canal de dérivation, il a été le témoin du brusque effondrement, au début des années 2000, de la population d’aloses.
Comme le rappelle un panneau sur le quai de Lamagistère, la pêche de l’alose est aujourd’hui interdite. Seuls les silures – en faction autour des entrées de l’ascenseur – le restaurant dit Jean-Marie – se délectent encore de la poignée d’individus qui s’y présente encore aujourd’hui. Le temps n’est pas si loin pourtant où Lamagistère hébergeait le championnat de France de pêche à l’alose et où au pic de la période de reproduction les habitants situés, comme les Henault, en bord de rivière étaient contraint de déménager dans les pièces arrières de leurs maisons pour échapper à la rumeur nocturne – le grondement océanique – produit par la multiplicité sonore des accouplements. Pour libérer œufs et semence, la femelle et le mâle se livrent à une danse spiralée d’une trentaine de secondes appelée bull, sans doute pour le son de remous qu’il produit.
Aucune frasque ne viendrait troubler notre sommeil. Zéro bull.
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