C’est un déjeuner sur l’eau. Sur une passerelle, ombragée par un tau et suspendue au-dessus du fleuve. Nous sommes dans le carrelet de Jean-Louis Grassa, pêcheur passionné qui se désole de la raréfaction des espèces qu’il avait l’habitude de capturer dans l’orbe ajourée de sa grande nasse. Dernière en date : le mule, encore si abondant l’an passé.
Dans le bras qui nous sépare de l’île d’Arcins, une ride se propage sur la surface thé au lait Garonne. Un minuscule mascaret aplati par le faible coefficient de marée vient de passer. Il était conséquent la semaine dernière même très en amont, jusqu’à Saint-Macaire, du fait du faible niveau du cours d’eau. Depuis que nous sommes entrés dans la sphère d’influence de la lune, nous sommes sensibles à ces signes.
Au début du jusant nous remettront le cap vers Grattequina. Avec cette question : la traversée de la métropole bordelaise, le passage sous ses ponts chargés de camions mettra-t-elle un terme à cette impression de désert que nous ressentons depuis notre départ. Personne sur l’eau : deux canoës, une barge Airbus, représente l’ensemble des embarcations en navigation croisées depuis notre départ il y a quatre jours. Personnes sur les berges et sur les bancs de graviers : une quinzaine de pêcheurs une poignée de baigneurs. Certes, ce n’est pas la meilleure saison pour la pêche sportive mais on pense aux agglutinements de corps sur les plages, à moins de cent kilomètres.
Il est vrai qu’en se donnant un peu de mal, en remontant haut sur les rives escarpées, en passant derrière les ouvrages de défense, les digues et les épis, on a trouvé un peu de monde, des cyclistes, quelques plaisanciers, des badauds venus en voiture, un réfugié afghan, une touriste allemande. Principalement Lagruhère et à Meilhan, nos deux points de contacts avec l’univers parallèle du canal latéral de la Garonne.
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