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Expéditions légères : #15 Aboutir

Rassemblant une scientifique, une réalisatrice, un écrivain et deux accompagnateurs, l’expédition Alosa alosa, utilise le kayak pour suivre le parcours migratoire des aloses entre leur lieu de naissance et l’océan.

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Expéditions légères : #15 Aboutir

(© Mélanie Gribinski)

Nous sommes à peu près au point le plus large de l’estuaire. Dix kilomètres séparent les marais du Verdon des falaises de Talmont-sur-Gironde. Le kayak double avance bon train malgré le vent de face et la mer hachée. Nous venons de constater que nous étions très en avance sur nos prévisions et nous appuyons sur nos pagaies dans l’espoir de croiser Frédéric et Marie-Hélène Gilbert en partance pour le phare de Cordouan.

Nous avions prévu de nous y rendre ensemble pour fêter l’arrivée d’Alosa alosa dans l’océan mais le retard pris deux jours plus tôt nous avait contraints d’abandonner l’idée. Saluer l’auteur de La simplicité du Kayak (Transboréal), très belle évocation de la randonnée en « KM », et d’un indispensable guide de navigation sur la côte aquitaine (Le canotier), serait une forme de consolation et nous appuyons en conséquence sur nos pagaies.

Dans le rythme, comme un marcheur, je laisse venir sans les trier les pensées, les images qui se présentent : je revois le paysage splendide de Saint-Chrystoly-de-Médoc, son vaste estran de limon doré à marée basse, la courbe voluptueuse et agreste des coteaux charentais sous la pleine lune ; je repense à ce petit déjeuner offert à l’aube par Etienne Forest, propriétaire du restaurant Ô voiles, à cet objet étonnant, la luge de vase, que cet ancien champion d’Europe de catamaran a remis au goût du jour. Semblable à son équivalent utilisé sur la neige, elle permettait aux pêcheurs médocains d’aller relever leurs filets en fin de jusant sans s’enfoncer dans la vase jusqu’à la taille.

Nos efforts resteront vains. Nous arrivons un quart d’heure trop tard dans le détroit, entre Port-Bloc et Royan, qui referme l’estuaire avant son déploiement océanique. On se laisse lentement dériver. On passe la pointe de Grave. On savoure le moment face au roi des phares, on le partage intensément avec Mélanie, Françoise et Eric qui depuis deux jours font le chemin par la route et ne devraient pas tarder à nous rejoindre. On rase la harpe des lignes de surf casting. On s’échoue doucement sur la plage.

Une silhouette se rapproche. Il nous semble la reconnaître. C’est Frédéric. Les conditions météo l’ont dissuadé de prendre le large. Nous mesurons la chance que nous avons eu d’arriver jusque-là : les expéditions n’aboutissent pas toujours.


#Alosa alosa

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