L’évènement était attendu. C’est au port de Barsac, au point de confluence avec le Ciron, au moment même où nous atterrissions qu’il s’est produit. Faisant reculer nos kayaks et monter l’eau d’un coup : le reflux. Accompagné de cette sensation toujours étrange de voir le fleuve couler à l’envers.
Les signes avant-coureurs étaient arrivés très tôt après notre départ de la Réole : une eau plus crémeuse, agréable à fendre et, à partir de Floudès, des berges moins hautes marquées par une laisse humide, le vert virant au beige, une odeur plus lourde, puis, après Castets-en-Dorthe, l’apparition de champs de vases cuivrées, de marques de navigation, les premiers carrelets. Nous entrons dans une autre dimension de la rivière en se demandant comment le migrateur anadrome que nous suivons intègre cette transformation radicale de son environnement, ce choc physico-chimique ; comment il intègre le mouvement pendulaire des marées pour continuer sa progression sans se perdre dans un va-et- vient stérile.
Mais c’est après notre halte méridienne face aux coteaux de Sainte-Croix-Du-Mont que nous prenons pleinement conscience des effets bénéfique du marnage. Changement de météo, de poussée, d’altitude, en notre faveur. Le soleil nous incite à chercher l’ombre des berges, à raser le sous-bois désormais à notre hauteur, à nous délecter de ses parfums de mûres, de menthe, de champignon.
Mais le meilleur est pour la fin.
Après le passage du Cap Horn, sur la cale de Lestiac que les bénévoles de l’association La Cale ont passé la matinée à récurer pour nous permettre d’aborder sans nous envaser, l’accueil de Benoît et de Jacques, la conversion avec Jean-Claude mémoire de la pêche aux aloses, témoins et pourfendeur en son temps de la surexploitation des gravières, de la surpêche généralisée. Une belle halte dans la lumière du couchant, dans l’attente du prochain changement de marée.
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