Le président du Conseil départemental de la Gironde n’a pas ménagé ses peines depuis les annonces gouvernementales de la suppression de certains emplois aidés et des baisses continues des dotations. Après le courrier envoyé à la ministre du travail le 22 août (toujours sans réponse), Jean-Luc Gleyze a cosigné une lettre avec Gérard César, président des maires de la Gironde, et Daniel Barbe, président de l’association des maires ruraux de Gironde.
Dans cette lettre adressée au président de la république, les trois élus tirent la sonnette d’alarme :
« La logique gestionnaire et comptable qui promet de sabrer des millions d’euros dans nos budgets aura des conséquences concrètes sur la vie quotidienne des Girondins […] : baisse de la qualité ou disparition des services publics, accentuation des fractures numériques, scolaires ou médicales, aggravation des situations d’isolement et de précarité sociale, diminution de l’accompagnement des personnes âgées, jeunes, personnes isolées, personnes en situation de handicap… »
Où trouver l’argent ?
Si sur certains registres, les effets ne vont pas tarder à se faire sentir, la rentrée scolaire annonce déjà quelques catastrophes. Interrogé par Rue89 Bordeaux, Jean-Luc Gleyze ne cache pas ses inquiétudes :
« Pour ce qui nous concerne au département, sur 230 contrats aidés départementaux, il y en a 200 dans les collèges. Parmi eux, 40 s’achèvent fin septembre et 100 fin décembre. Ça veut dire qu’aujourd’hui se pose la question de la suite à donner à ses emplois qui sont nécessaires dans nos établissements pour assurer la qualité des services de restauration ainsi que l’entretien des bâtiments et des espaces verts. Ainsi se pose la question soit de la dégradation du service public, soit de la prise en compte d’une autre manière de ses emplois avec des surcoûts pour la collectivité. »
Le président du département ajoute que ses services ne possèdent « pas beaucoup de marge de manœuvre en terme de restriction des services publics dans les collèges ». S’il se retrouve contraint de transformer les contrats aidés en contrats du droit commun « au risque de passer de 500 000 euros à 2,7 millions d’euros », il se demande où trouver l’argent. Alors qu’il vient de faire l’annonce de la création de 12 collèges en Gironde d’ici 2024 (voir encadré), il s’inquiète parallèlement du coût de leur fonctionnement.
Une rentrée bordelaise sereine
Pour les écoles de Bordeaux, Emmanuelle Cuny promet une rentrée sereine. L’adjointe au maire en charge de l’éducation assure que la suppression de certains emplois aidés n’aura « aucun impact » pour les écoles, aussi bien en temps scolaire que périscolaire. Et ce malgré 6 emplois supprimés chez les associations qui travaillent avec la ville :
« Nous avons 1050 agents dans nos écoles en tout, dont 170 agents venant d’associations d’insertion. 6 de ces agents, travaillant pour les associations BIC et ARE33, ont vu leurs contrats supprimés. Nous aurons peut-être des impacts indirects au niveau des AVS (Auxiliaire de vie scolaire), nous traiterons cas par cas. »
A la direction de l’éducation de la ville, Jérôme Bineau détaille :
« Les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) sont au complet. Les emplois supprimés touchent des postes d’entretien et de gestion de la pause méridienne. Nous avons trouvé des remplaçants. »
Pour les activités périscolaires, plus importantes depuis la réforme du rythme scolaire, la ville a également remplacé les emplois supprimés ou plutôt les associations qui ont du se désengager. Cynthia Deville, directrice des services vie associative et enfance à la ville de Bordeaux ajoute :
« On travaille avec une quarantaine d’associations. Chaque année, certaines se désengagent pour des raisons diverses comme par exemple la difficulté de recruter des animateurs qualifiés. Mais effectivement, cette année, une association nous a fait part de son désengagement suite à la suppression des emplois aidés : l’association APIS, association promotion insertion sport. Par ailleurs, la ville emploie elle-même des animateurs spécialisés, comme les AVS, pour accompagner les enfants dans le temps périscolaire. »
Politique de la ville en danger
« Ce qui concerne les associations impliquées dans la réforme du rythme scolaire et qui voient leurs emplois aidés disparaître ne peut pas être séparé de ce qui a été annoncé aux autres associations qui voient les mêmes enfants ou les mêmes familles », remarque Alexandra Siarri.
L’adjointe au maire en charge de la cohésion sociale et territoriale parle d’une rentrée « combative et très déterminée ». Elle s’inquiète en effet de la réduction des budgets “politique de la Ville” par l’état « qui sont des budgets qui servent au fonctionnement des associations dont l’équilibre budgétaire dépendait pour partie des financements des emplois aidés ». Cependant, l’élue n’accorde pas au système des emplois aidés une « réussite totale » mais regrette que l’annonce de leur suppression ait été si « abrupte » :
« Il est vrai qu’une partie des structures associatives qui ont recours à des emplois aidés le font par défaut. Il est vrai aussi que le fait d’accéder à des emplois aidés ne permet pas à 100% d’accéder ensuite à un travail. […] Cependant, il y a une mise en danger potentielle des équilibres dans les quartiers et, comme ça se cumule avec une baisse des dotations et des grosses incertitudes sur le programme de renouvellement urbain, c’est tout un secteur qui est mis en fragilité. Alors effectivement, je n’aborde pas la rentrée sereinement. »
Le directeur du développement social urbain de la ville de Bordeaux, Stéphane Toustou, a rencontré les services de l’État à la préfecture de la Gironde le mercredi 30 août « pour connaître l’étendue des dégâts ». La réunion a « confirmé les craintes » :
« Deux questions ont été évoqués : la question du financement des actions sur les territoires “politique de la ville” où il y a eu un gel de crédits de l’enveloppe 2017 sur les financements qui n’ont pas été engagés – ce qui correspond pour la ville de Bordeaux à un gel de 43000€, soit 6% de l’enveloppe initiale –, et la question, largement plus préoccupante, de l’arrêt des contrats aidés. Sur cette deuxième question, la situation est beaucoup plus difficile et critique parce qu’elle n’est pas précise. »
Sur les 14 emplois en contrats aidés rattachés à la “politique de la ville”, 5 ne seront pas renouvelés. « Le danger est qu’on déstabilise le secteur associatif » précise Stéphane Toustou. D’où « l’hypothèse d’une mobilisation massive qui ne fait aucun doute » surenchérit Alexandra Siarri. L’élue ajoute : « Et j’en serai ».
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