C’est une « privatisation accélérée » que prépare le « plan de propreté urbaine 2018-2020 », selon les élus communistes de Bordeaux Métropole, qui ont révélé ce jeudi le document à la presse.
Présenté ce jeudi au bureau de l’intercommunalité, où siègent les maires et vice-présidents, ce projet entend en effet « augmenter le niveau de service » pour les 28 communes, en lui consacrant des moyens importants – 4,4 millions d’euros par an. Si quelques postes seront créés en interne (20 d’ici 2022), l’essentiel du boulot sera fait par le secteur privé.
Une des propositions de ce plan risque ainsi de faire beaucoup de bruit (et d’odeur) chez les éboueurs, susceptibles de transformer la ville en dépotoir s’ils se mettent en grève. Le plan veut en effet « expérimenter une externalisation complète des activités de collecte et de propreté sur le secteur le plus sensible (entre Garonne et Pey Berland, entre les cours Victor Hugo et Chapeau rouge / Intendance, et les quais rive gauche ».
En clair, confier à une entreprise privée des services actuellement assurés par les agents de Bordeaux Métropole, via un marché public « sur résultats et non pas sur moyens mis en œuvre ». Motif, selon le rapport : la ville de pierre est « le secteur le plus fréquenté et donc le plus sali » mais aussi « le plus regardé, photographié, celui qui symbolise l’attractivité de notre agglomération », selon le rapport présenté ce jeudi au bureau.
Rock around the cloaque
Bref, c’est « un secteur d’exigence de propreté permanente dans un contexte de formes urbaines complexes (bacs sur la voie publique, densité de piétons qui empêche parfois l’accès des équipes…) », et pour l’entretien duquel Alain Juppé avait publiquement manifesté son mécontentement en juin dernier. Le maire avait estimé que Bordeaux le dimanche soir était un véritable « cloaque ».
Le plan propreté envisage de déléguer d’autres tâches spécifiques au privé : « renforcer la fréquence de passage des balayeuses, par le biais d’un marché spécifique, sur les pistes cyclables de toutes les communes » ; ou encore, pour répondre aux enjeux de la politique Zéro Phyto (pas de pesticides sur les espaces verts de certaines communes), « renforcer les moyens d’intervention saisonniers pour le ramassage des feuilles et le désherbage par le biais de marchés d’insertion (mars à novembre) » ; ou enfin, « enlever les dépôts sauvages aléatoires grâce à (…) des marchés pour les gros volumes ».
Si l’élu PC de Cenon Max Guichard parle de privatisation « accélérée », c’est parce que les communes de la rive droite passent déjà par un délégataire de service public, Veolia, en charge de la collecte et de l’incinération des déchets dans le Sivom. Il estime que si l’argument financier prévaut (faire faire des économies de personnel au budget de la collectivité), il est fallacieux :
« Certains pensent que la gestion privée fait mieux que le service public, mais c’est en fait plus cher et cela se réalise sur le dos des usagers et des salariés. »
80% des Bordelais satisfaits, pas les élus
Le groupe communiste à la métropole ne conteste pas les besoins, liés notamment à l’augmentation de la population et du tourisme, au manque de containers pour les restaurateurs, ou encore à la croissance des incivilités, comme les dépôts d’ordures sauvages.
Mais s’en remettre au privé se justifie d’autant moins à ses yeux que selon un sondage IFOP réalisé pour la métropole en juin dernier, 80% des habitants de la métropole sont satisfaits de la propreté du centre-ville de leur commune (y compris les Bordelais), contre une moyenne nationale de 72%.
« Et donc du travail de ses agents », ajoute Max Guichard, qui indique que ni les représentants du personnel de la métropole, ni les élus de la commission qualité de vie ont été consultés pour l’élaboration de ce plan. La mise en concurrence des salariés du public avec le privé pourrait selon lui se traduire par « un risque de démantèlement d’un service qui fonctionne plutôt bien ».
Ce vendredi lors d’un point presse, le président de Bordeaux Métropole, Alain Juppé, a jugé que le mot de privatisation était « abusif » :
« C’est une externalisation du service, et un test qui permettra de faire des comparaisons utiles. Une privatisation, c’est quand on donne les clés à une entreprise. D’ailleurs les communes socialistes de la rive droite se sont toutes opposées au retour en régie du Sivom, c’est bien que ce n’est pas une question idéologique, mais la recherche d’efficacité. »
Son vice-président en charge des déchets, Dominique Alcala a par ailleurs indiqué que les résultats d’initiatives similaires dans l’hyper centre de Marseille et dans le quartier Confluence, à Lyon, étaient « extrêmement probants ».
« L’objectif est d’avoir un mouvement perpétuel garantissant la propreté du centre ville. A Barcelone, il y a 14 passages par jours. »
Par ailleurs, l’externalisation du service dans le centre de Bordeaux ne concernera que 10 agents, dont une partie seront l’année à la retraite, et les autres redéployés sur d’autres missions.
« J’espère les avoir rassurés en leur garantissant qu’ils conserveront une activité la nuit », indique Dominique Alcala, après avoir consulté les employés métropolitains en question.
Ce projet devrait être rapidement débattu en conseil de métropole, probablement au mois d’octobre, comme son président Alain Juppé l’avait annoncé le président lors de sa conférence de presse de rentrée. Il pourrait être lancé dans 6 à 8 mois.
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