« Comment préparer les prochaines victoires locales ? Agir sur le terrain et savoir communiquer. » Voilà la « formation » à laquelle des « élus et cadres » du Front national de Gironde ont pu assister, ce jeudi soir à Bordeaux.
Cette soirée serait passée inaperçue si le collectif antifasciste bordelais Pavé brûlant n’avait alerté sur l’identité de l’invité-formateur : Philippe Vardon, « un homme dont la première formation politique (Unité radicale) a été dissoute en 2002 suite à l’attentat visant à assassiner Jacques Chirac. » Autres lignes à son CV : « ex-chanteur du groupe néo-nazi ‘Fraction Hexagone’ », et « fondateur des ‘Jeunesses Identitaires’ et cofondateur du ‘Bloc Identitaire’ », 2 mouvements nés après l’interdiction d’Unité radicale, et qui militent contre l’immigration et l’Islam.
À l’appel du collectif, une cinquantaine de personnes se sont donc rassemblées à quelques pas du lieu de réunion, initialement tenu secret. Parmi eux, des militants antifascistes, des membres de Solidaires 33, du NPA et d’AC ! Gironde, ainsi que de simples habitants du quartier.
« C’est inadmissible, un homme qui a fait partie de ces mouvements, qui profère ces idées, il ne devrait pas pouvoir s’exprimer, affirme Isabelle Connen, venue en voisine. J’ai appelé la mairie de quartier, ils m’ont renvoyé vers la mairie de Bordeaux, je leur ai dit que j’étais outrée, eux avaient l’air gêné. »
Une salle municipale privatisée
Car cette « formation » n’avaient pas lieu n’importe où, mais dans une salle de la mairie annexe de Saint-Augustin. Après un tweet de l’ancienne députée Michèle Delaunay, le maire de quartier s’était montré embarrassé dans la presse. Mais il rappelait aussi que, à l’instar des passages d’Eric Zemmour à l’Athénée municipal ou de Dieudonné à la Patinoire, autres salles de la Ville, la mairie ne pouvait s’y opposer sous peine de condamnation pour entrave à la liberté d’expression.
Inacceptable. Les mairies de quartier sont des enceintes républicaines @PrefAquitaine33 @alainjuppe @jldbordeaux @MathieuHazouard @psbordeaux_nord @Psbordeauxsud pic.twitter.com/SmRAPGVjRl
— Michèle Delaunay (@micheledelaunay) 15 novembre 2017
Des forces de polices (8 fourgons et voitures aux abords de la mairie annexe) ont toutefois été déployées pour prévenir toute atteinte à l’ordre public.
« J’ai alerté sur les difficultés que ça allait poser. C’est le préfet qui a décidé de sécuriser la manifestation, c’est lui qu’il faut interroger », s’est dédouané Jean-Louis David, joint par nos soins.
A la préfecture, on éludait le problème en expliquant que le préfet n’était légitime à autoriser ou interdire que les rassemblements dans l’espace public, et qu’un évènement ayant lieu dans une salle municipale n’était pas de son ressort.
Le Front national, de son côté, avait prévu son propre service d’ordre. Une quinzaine de membres du « Département protection et sécurité », manteau et casquettes floqués, brassard orange, barraient l’entrée du bâtiment municipal, réservée « sur invitation ». La mairie était-elle au courant de ces conditions ? « Non » nous a simplement répondu Jean-Louis David.
« Philippe Vardon est un modèle »
La presse non plus n’a pas pu assister aux échanges. Edwige Diaz, élue régionale FN, et Philippe Vardon, ont uniquement répondu aux questions des médias présents, avant le début de leur réunion. « Philippe Vardon est un modèle » a soutenu Edwige Diaz, en référence au conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d’Azur et à ses 42 élus, dont fait partie M. Vardon.
« Ce soir il s’agit d’une formation à destination des élus et cadres du FN ayant vocation à briguer des mandats municipaux aux prochaines élections », a justifié la patronne du FN girondin.
Quid de son appartenance au Bloc Identitaire ?
« Cela fait 5 ans que je n’y ai plus de responsabilités. J’ai eu des évolutions dans mon engagement », a répondu Vardon, sans pour autant renier son parcours.
Dehors, le rassemblement s’est tenu pendant une heure. Avant de partir en cortège jusqu’à l’arrêt de tram le plus proche, scandant : « 1re, 2e, 3e génération, nous sommes tous des enfants d’immigrés » ou encore « Vous les fachos, cassez vous de là, sinon demain on fait exploser St Eloi ».
« La mairie bordelaise laisse les fascistes de l’église St Eloi, laisse le bar néo-nazi Le Menhir à Bègles, et ce soir elle accepte que Vardon débite son discours de haine dans une salle municipale », s’insurgeait un porte-parole du Pavé brûlant.
« Je ne comprends pas pourquoi Monsieur Juppé accepte cela. Être « républicain » c’est une excuse que nos politiciens utilise très souvent. Là, ce soir, ça n’a rien de républicain », selon une autre manifestante présente.
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