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Beatriz González au Capc, la Colombie en couleurs et en pleurs

Dans le cadre de l’année France-Colombie, le Capc offre à Beatriz González sa première grande rétrospective en Europe. Il reste une semaine pour la voir, jusqu’au 23 février. Ça tombe bien, c’est les vacances.

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Beatriz González au Capc, la Colombie en couleurs et en pleurs

Il a fallu attendre l’année France-Colombie pour réparer une injustice, celle de consacrer à Beatriz González sa première grande rétrospective en Europe. Un ensemble impressionnant de l’œuvre de l’artiste colombienne est exposé dans la nef du Capc à Bordeaux où l’on voit défiler cinquante ans d’histoire de son pays à travers de simples faits divers et des faits politiques autrement plus marquants.

L’exposition préparée sous le commissariat de Maria Inès Rodriguez, la directrice du musée, sera durant l’année 2018 au Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia à Madrid et, début 2019, au KW Institute for Contemporary Art à Berlin.

Pop, fauve et ready-made

En 1964, pour sa première exposition personnelle au Musée d’art moderne de Bogota, Beatriz González a connu une critique dithyrambique qualifiant sa peinture de raffinée. Il n’en fallait pas plus pour que l’artiste délaisse la technique et revendique une peinture maladroite inspirée des mauvaises reproductions de photographie dans les journaux, illustrant des faits divers, des personnages connus ou ordinaires.

Entre inspiration fauve et prémisse pop, les grands aplats de couleurs dessinent les corps et les visages, grossièrement, omettant les volumes et les détails. L’esthétique réinterprétée est réduite au strict minimum par l’iconographie populaire. Même les plus grandes œuvres artistiques y passent – La Joconde de Léonard de Vinci, ou Le déjeuner sur l’herbe d’Édouard Manet.

Le support se popularise. Beatriz González délaisse les châssis pour des plaques de métal, des meubles de manufacture et des objets du quotidien. Du ready-made à la sauce latino-américaine fait péter la peinture acrylique et l’imagerie kitsch. D’abord nourrie des souffrances ordinaires et personnelles, la peinture de Beatriz González franchit au début des années 1980 la ligne de la contestation politique, poussée par les horreurs du régime autoritaire.

« Peintre officielle »

Armée d’un minimalisme parfaitement maitrisé, Beatriz González se fait la porte-parole de tout un peuple piégé entre oppression et guerre civile. Elle traduit pleinement les douleurs et les souffrances de son pays. De Julio César Turbay Ayala à Belisario Betancur Cuartas, la Colombienne se fait « peintre officielle » des présidents de la république à sa manière. Elle peint et dépeint le pouvoir et ses frasques, Front national, Forces armées révolutionnaires de Colombie, en passant par le Movimiento 19 de Abril (M-19).

La prise d’otages du palais de justice de Bogota par le M-19 en 1985 et la reprise du bâtiment par l’armée provoquant près de 100 morts, est l’onde de choc dans le travail de Beatriz González. A partir de cet événement, « on ne rigole plus », déclare-t-elle. L’artiste devient l’observatrice des massacres et de la mort.

L’aboutissement est l’impressionnante installation « Auras anónimas » au cimetière de Bogota que relate le documentaire de Diego García-Moreno projeté dans la nef, « Beatriz González, ¿Por que lloras si ya reí? » (Beatriz González, Pourquoi pleures-tu après avoir ri ?). Ce film d’une heure ouvre l’atelier de l’artiste et raconte les 9 000 dalles funéraires flanquées d’un motif sérigraphié représentant le port d’un corps et installées sur l’ouverture de chaque tombe.

Née en 1938 en Colombie, après une carrière exceptionnelle et injustement méconnue en Europe, Beatriz González rapporte enfin l’histoire sombre de son pays tout en couleurs et en pleurs.


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