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À la Bastide-Niel, une ferme urbaine peut en cacher une autre

La ZAC Bastide-Niel vient d’annoncer la création d’une ferme urbaine, la Farmhouse, dans son projet d’aménagement de la caserne Niel. Pour les fondateurs de Darwin, qui voient leur Zone d’agriculture urbaine expérimentale disparaître, la nouvelle passe mal.

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À la Bastide-Niel, une ferme urbaine peut en cacher une autre

Ce lundi 28 mai, le compte twitter de la ZAC Bastide-Niel annonce une « exclu » : « une ferme urbaine développée par Sous Les Fraises & orchestrée par le promoteur BPD Marignan & l’atelier d’architecture King Kong sera aménagée dans votre futur éco-quartier ! » Ce tweet ne fait que confirmer un communiqué de février 2018 annonçant le résultat de la consultation de promoteurs pour l’îlot BO31. Cette consultation était piloté par Aquitanis, associé de la SAS d’aménagement Bastide-Niel, avec Bordeaux Métropole Aménagement (BMA) et Domofrance.

Sur France Bleu Gironde, Adrien Gros, directeur de l’aménagement urbain à Aquitanis, décrit une proposition qui répond à « la surprise » demandée par Winny Mas, l’architecte néerlandais, fondateur de l’agence MVRDV, qui a dessiné ce projet urbain de la rive droite :

« Nous avons mis en concurrence les opérateurs privés pour l’aménagement des différents îlots développés dans le programme. […] Quand on a vu la proposition de BDP Marignan d’apporter de l’agriculture urbaine dans un îlot habité, on s’est dit que ça valait le coup. »

L’îlot BO31, d’environ 9500 m² de surface de plancher, se situe à proximité de la rue Hortense et du quai de Queyries. Il intégrera 113 logements en accession libre et en locatif social et, au rez-de-chaussée, des espaces dédiés aux commerces pouvant aussi accueillir des associations. Il comptera également « une ferme urbaine avec 2000 m² de cultures déployées en 3 dimensions dans un patio interne à l’îlot ».

La conception de la ferme est confiée à une entreprise parisienne, Sous les fraises, « pionnière dans la production biologique de végétaux comestibles en milieu urbain ».

« Pas de vision sérieuse sur l’agriculture urbaine »

La nouvelle ne laisse pas indifférents les fondateurs de Darwin, créateurs de la Zone d’agriculture urbaine expérimentale (Zaué) qui s’était fixé comme objectif d’ « identifier et accompagner le développement de projets d’agriculture urbaine sur la métropole bordelaise ». Parmi ces projets, une quinzaine ont « germé au sein de la Caserne Niel » (Les Détritivores, La Ferme Niel, La Cave à Pleurotes, L’Essaim de la Reine, Nature et Potager en ville…).

Les travaux lancés pour l’aménagement de la ZAC Bastide Niel ont poussé à la restitution des espaces où s’étaient déployées ces associations. Un épisode qui a provoqué de multiples tensions entre les aménageurs et Darwin.

« La Zaué est morte dès lors que nous avons restitué les hangars où comptent s’installer les promoteurs de cette ferme urbaine, répond Jean-Marc Gancille à Rue89 Bordeaux. […] Dans mon esprit, comme sur bien d’autres sujets, l’idée c’était de stimuler l’émergence d’idées et d’initiatives sur le territoire dont les collectivités auraient pu prendre le relais. »

Ce qui ne sera pas le cas. La Ferme Niel va disparaître au profit d’un parking et les hangars qui accueillaient Zaué sont à l’emplacement même du projet de l’îlot B031. Quid des associations ? Jean-Marc Gancille répond :

« Aquitanis et BMA refusent de considérer la pérennité des projets de la Zaué. […] Nous avons produit des cahiers des charges des besoins pour chaque projet ; aucun n’a obtenu de réponse. Mépris et abandon total. […] Il n’y a aucune vision et volonté politique sérieuses sur l’agriculture urbaine à Bordeaux. Faute de bien saisir ses vertus, les élus locaux bordelais vont à la facilité et optent pour des approches commerciales. Très très loin de ce qu’il faudrait faire pour accompagner l’émergence de projets contribuant à la résilience urbaine. »

A l’emplacement de la Zaué, l’îlot B031 (en rouge) est confié à BDP Marignan (DR)

Farmhouse : « agricole et nourricier »

De son côté, Adrien Gros temporise. Il assure qu’ « il y a eu des propositions faites (pour les ruches par exemple), et des discussions ont eu lieu entre BMA et d’autres porteurs de projets qui souhaitent rester sur place ». Il ajoute que « l’emprise de la ZAC est assez importante pour qu’on arrive à des choses sans que ça se transforme en lutte de territoires ». Pour l’installation de la Farmhouse, il explique :

« En tant qu’aménageur, on lance des consultations pour sélectionner les opérateurs sur cet ilot. Parmi les trois offres reçues, BPD Marignan est venu avec le projet de Sous les fraises. […] Étant donné la densité des programmes qu’ils ont à développer, et le fait de s’inscrire dans un volet agricole et nourricier, ils ont préféré partir avec quelqu’un qui a un peu d’expérience sur ces deux points. […] On se disait, effectivement, mis à part les enjeux sur la Ferme de Darwin, que c’était intéressant d’apporter de nouvelles choses. Alors après, lors des recherches que va mener Sous les fraises, des personnes de chez Darwin seront peut-être intéressées pour apporter leur expérience. »

Yohan Hubert, directeur de Sous les fraises, confirme.

« Nos portes sont ouvertes à tous les entrepreneurs de l’agriculture urbaine. »

« De nouvelles solutions »

Cet entrepreneur parisien a fait passer il y 4 ans Sous les fraises du statut associatif à celui de société, et vante « un modèle qui a une capacité à être économiquement réel ».

« On a fait la démarche de dupliquer notre modèle auprès des entreprises qui viennent nous voir pour justement monter en compétences sur ces sujets avec des acteurs locaux. A Bordeaux, on travaille avec une start-up bordelaise qu’on est en train de former, non seulement aux techniques de l’agriculture mais aussi aux enjeux économiques pour qu’elle soit capable demain d’opérer une dynamique d’agriculture urbaine et résiliente. »

Yohan Hubert, tout comme Adrien Gros, n’a pas voulu dévoiler le nom de la start-up et déclare être en contact avec une autre. Pour lui, l’agriculture urbaine « n’est pas l’affaire d’une personne, mais d’une centaine, voire d’un millier d’entreprises… et c’est tant mieux ». Les tensions avec Darwin, ce n’est pas son affaire – « ce serait de l’ingérence » –, et précise que la Farmhouse est à l’étude depuis deux ans. Des analyses effectuées sur le terrain avaient abouti à « une terre souillée et archi morte » – de ce fait, de nouvelles solutions s’imposaient.

Ces solutions sont loin de convaincre Jean-Marc Gancille. Il considère, sur sa page Facebook, qu’elles ont été prises « sans les habitants, sans prise en compte de l’existant, sans compréhension des enjeux sociaux de l’agriculture urbaine, sans appui aux dynamiques locales, sans intégration avec le voisinage ».


#Cauchemar de Darwin

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