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Logement : à Bordeaux, le parcours du combattant des étudiants

La rentrée s’annonce très compliquée pour les étudiants bordelais. Avec la pénurie de logements qui affecte la ville, trouver un studio ou un T1 devient une véritable épreuve. Temps, argent et méfiance sont de mise, car il faut aussi éviter les entourloupes. Voici un panorama des galères à éviter, mais aussi quelques bons plans.

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Logement : à Bordeaux, le parcours du combattant des étudiants


Il m’aura fallu une journée avant de baisser les bras. Solidaire des étudiants qui recherchent un logement sur Bordeaux, je passe en revue les sites de petites annonces. 542 euros les 15 m² quartier Gambetta, ça annonce la couleur. Je passe 5 à 6 appels, qui sonnent dans le vide. Un dernier aboutit à un rendez-vous, mais le dossier exigé m’épuise déjà. De toute façon, on me rappelle le lendemain pour m’annoncer que l’appartement n’est plus disponible. C’est un fait, le logement étudiant est en crise.

Mais pourquoi cette pénurie de logements ? Parce que la demande est largement supérieure à l’offre. En juin 2018, l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis) en Aquitaine tirait la sonnette d’alarme : il y aurait 34 % de logements destinés à la location classique de moins par rapport à l’an dernier.

Les étudiants sont donc inévitablement touchés. Selon une enquête réalisée par le site LocService – qui a publié son infographie sur le marché du logement étudiant à Bordeaux pour 2018 –, 52 % des étudiants recherchent un studio ou un T1 (contre 24 % pour une colocation, 19 % pour un T2 et seulement 4 % pour une chambre chez l’habitant). Or, par habitant, Bordeaux compterait 50 % de studios en moins qu’à Lyon, et 70 % qu’à Toulouse.

Airbnb dans le viseur

En réalité, la plupart de ces biens de petite superficie, à l’emplacement géographique avantageux, sont massivement réquisitionnés pour les locations en meublés saisonniers type Airbnb, bien plus rentables pour les loueurs. Il suffit de faire une recherche sur la plateforme américaine pour se rendre compte de la quantité de studios et T1 situés en plein centre-ville, mis à disposition des visiteurs occasionnels. Autant de logements qu’on ne trouve plus en vitrine des agences immobilières…

Selon l’Observatoire Airbnb (fondé par le conseiller municipal PS Matthieu Rouveyre), l’offre Airbnb a en effet explosé dans la capitale girondine, parallèlement à son gain d’attractivité. Alors qu’elle comptait 3 095 offres en octobre 2016, elle en dénombre 12 552 en mars 2018. Soit une progression de 146 % en l’espace de deux ans.

La Mairie tente toutefois d’encadrer cette pratique : depuis le 1er mars 2018, les loueurs bordelais doivent s’enregistrer, et ne peuvent mettre à disposition leur bien plus de 120 jours par an.

Le prix d’un toit

Une fois parvenu à trouver un toit, il faut ensuite en payer le prix : Le logement représente le premier poste de dépense des étudiants. Le 23 août, l’Union nationale des étudiants de France (Unef) a publié son classement des villes étudiantes en fonction du coût de la vie étudiante. Bordeaux arrive douzième sur quarante, avec un total de dépenses mensuelles pour 2018 élevé à 886,58 euros, soit une évolution de 2,40 %.

Il y a quelques jours déjà, le syndicat étudiant alertait sur l’augmentation cette année du coût de la vie pour les étudiants, de l’ordre de 1,3 % au niveau national. À Bordeaux, le montant des loyers des logements étudiants a connu une évolution de 1,16 %, passant de 482 euros de loyer moyen pour l’année 2017-2018, à 488 euros pour 2018-2019. Une somme bien supérieure à la moyenne en région, qui s’élève à 418 euros pour 2018-2019.

Charlie Barbosa, présidente de l’Unef Bordeaux, alerte sur les conséquences découlant de loyers trop coûteux :

« On a eu des cas extrêmement graves l’année dernière, comme des étudiants qui dormaient dans leur voiture faute de logement, ou même un qui logeait dans un bâtiment désaffecté. C’est dû à un manque de logement, mais surtout au coût (…) C’est aussi le non encadrement des loyers, et celui des Airbnb. Aussi, les honoraires d’agence explosent, parfois à hauteur du double ou du triple d’un loyer : un étudiant ne peut s’acquitter d’une telle somme. »

Le Crous saturé

Afin de trouver des solutions, le syndicat travaille de concert avec le Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous) de Bordeaux. Mais, selon Charlie Barbosa, celui-ci est saturé :

« Le Crous refuse énormément de demande parce que tout est déjà complet. Avant, il y avait des solutions d’hébergement d’urgence pour les étudiants, mais désormais tout est pris dés le début de l’année par des gens dans le besoin. Ce n’est pas le Crous le problème, c’est le manque d’investissement du gouvernement dans les Centres pour créer de nouveaux logements. »

À la rentrée 2018, les effectifs étudiants vont croître une nouvelle fois : selon les prévisions du ministère de l’Enseignement supérieur, 65 000 étudiants supplémentaires sont attendus (+2,4 %) sur l’ensemble du territoire. L’année dernière, ils étaient 15000 en plus dans les seules écoles et universités bordelaises. Le parc national des Crous, qui loge moins de 8 % des étudiants, va devoir s’adapter rapidement…

Manifestation d’étudiants pour le logement, en octobre 2017 à Bordeaux (SB/Rue89 Bordeaux)

En 2017, Olivier Dugrip, le recteur de l’Académie de Bordeaux et chancelier des universités d’Aquitaine, s’était voulu rassurant. La résidence Simone Veil, à Pessac, vient d’être livrée et propose 253 nouveaux logements. À la résidence Village n°3 Bis, à Pessac 257 logements neufs sont prévus pour septembre 2018. Sur ce même site, 300 places rénovées sont également annoncées pour 2019 et 2020. Le Crous de Bordeaux Aquitaine espère ainsi atteindre les 12 000 logements, contre 10 200 aujourd’hui.

Distance et concurrence

Pour les parents aussi, la recherche d’un appartement pour leur enfant relève du parcours du combattant. José est venu trois fois depuis Carcassonne avec sa fille, admise en licence de communication à Bordeaux III. Comme la plupart des étudiants, elle cherche un studio ou un T1 à Bordeaux, Talence ou Pessac, dans l’alignement de la ligne B, celle qui mène au campus. Mais tous deux ont vite déchanté.

Lors d’une visite chez un particulier, quarante personnes attendaient, entassées dans le couloir pour apercevoir le bien immobilier. Un propriétaire a lui organiser un tirage au sort pour planifier quinze visites, face à la centaine de demandes reçues en à peine 4 heures suivant la publication de son annonce. Las, José en est arrivé à démarcher des inconnues directement dans les pharmacies. Il a fini par contacter la Mairie :

« J’estime que quand on est une grande ville comme Bordeaux, et qu’on prétend héberger une multitude d’étudiants, on doit pouvoir répondre à la demande. »

La distance est une contrainte supplémentaire non négligeable. Camille, 20 ans, est originaire des Landes. Admise en troisième année de licence Économie et gestion à Bordeaux, elle s’y rend régulièrement depuis le début du mois d’août en quête d’un appartement. Parallèlement à son job d’été, la recherche d’un studio lui prend beaucoup de temps. Et d’argent : les allers-retours deux à trois fois par semaine s’accumulent, et avec eux les frais de péage et d’essence.

À croire qu’il faut s’y prendre dés le printemps. Prévoyante, Élise et son petit-ami se sont mis en quête d’un appartement dés le mois de mars. C’est par le biais d’une publication Facebook, partagée plus d’une centaine de fois, qu’ils ont fini par dégoter un bien de 30 m², neuf et meublé, à deux arrêts de tram du campus de Pessac.

Son actuel studio de Pessac qu’elle va céder d’ici peu fait lui aussi l’objet de toutes les convoitises :

« Mon propriétaire a mis une annonce sur le Bon coin, et en une journée il avait cumulé plus d’une centaine d’appels et de mails. Il a organisé une première visite avec 6 personnes et c’est l’une d’entre elle qui a eu l’appartement en « forçant » pour signer. Chacun était venu avec tous les papiers nécessaires, parfois de très loin juste pour visiter… Je me suis rendue compte à ce moment là de la galère que c’était. »

Fausses annonces, vraies arnaques

Le mot est faible…. Car en plus des heures de démarchage, des logements insalubres et des tirages au sort, il faut se méfier des propriétaires malhonnêtes. De part leur vulnérabilité financière – et leur désespoir face à des recherches qui n’en finissent plus –, les étudiants sont une cible privilégiée des escrocs sur le Net.

Certains particuliers proposent des biens dérisoires à des prix exorbitants. Comme cette annonce, sur le Bon coin, d’un « chalet meublé » à Pessac de 20 m² pour 570 euros (APL refusées), plus proche du cabanon de jardin que de la petite maison pittoresque de montagne.

Au moins, cette remise en bois existe. Car l’arnaque la plus courante, c’est celle de l’annonce alléchante sur des sites de petites annonces gratuites, qui en fait n’existe pas. Comme beaucoup d’étudiants, Camille s’y est trouvée confrontée dans ses recherches :

« Ça m’est arrivée deux ou trois fois. Ce sont toujours des particuliers, il n’y a jamais de numéro de téléphone, seulement une adresse mail. J’ai essayé de demander un rendez-vous, ils n’ont jamais voulu. Ils veulent que tu te présentes, puis envoient une dizaine de photos qui donnent envie. En réalité, elles proviennent d’Airbnb. J’étais allée sur le site pour réserver une chambre, histoire d’avoir un toit pour la rentrée, et je suis tombée sur le même appartement, c’était exactement les mêmes photos. J’ai alerté les propriétaires. »

À chaque fois, le schéma est le même. D’abord, un échange de mail entre l’étudiant intéressé et le faux propriétaire. L’écriture est soignée, la description du bien dense et précise : tout est fait pour que l’annonce paraisse la plus crédible possible. Le loueur dit habiter loin, et ne veut pas encore se déplacer pour rien. Alors, pour bloquer la réservation et obtenir un rendez-vous, l’étudiant doit déposer une somme d’argent correspondant à la caution et au premier mois de loyer, par l’envoi d’un mandat cash urgent via La Poste ou Western Union. Le propriétaire prétend qu’il s’agit juste d’un dépôt auquel il ne peut toucher et qui sera restitué si le logement ne plaît pas. Mais il n’en est rien.

« L’énième victime des arnaques de logements »

Selon le site Lokaviz, ces escroqueries se déroulent majoritairement à Paris et sa région, et ciblent avant tout les étudiants étrangers. Aujourd’hui, elles semblent s’être diversifiées dans toutes les grandes villes étudiantes de France, et auprès d’un public plus large. Mais les étudiants étrangers, qui ignorent les pratiques françaises en matière de transaction immobilière, demeurent les premières proies.

Originaire de Milan, Sara, 22 ans, est venue l’année dernière faire son Erasmus à Bordeaux. Par soucis d’économie, elle a préféré chercher un appartement en ligne plutôt que de se rendre sur place. Après trois mois de recherches sans résultat, elle s’est finalement tournée vers un site conseillé par son université d’origine, celui du Centre d’information jeunesse Aquitaine (CIJA), en apparence fiable.

« Je ne pouvais pas imaginer que même sur un site sûr, des escrocs pouvaient se cacher. Mais malheureusement, j’ai été l’énième victime des arnaques de logements. J’étais choquée et dévastée. D’habitude, ma famille et moi sommes méfiants ; mais là, on a fait confiance à l’escroc, peut-être parce qu’on était épuisés par trois mois de recherches continues. Ça montre bien le pouvoir manipulateur des arnaqueurs. »

Au total, Sara a perdu environ 2000 euros. Dans la grande majorité des cas, il est impossible pour l’étudiant de récupérer la somme volée. Il peut porter plainte, mais il est très rare que celle-ci aboutisse. La vigilance est donc primordiale : ne jamais remettre d’argent avant d’avoir visité le logement.

Pratiques abusives

Mais ce n’est pas tout, il faut également déjouer les pièges de la location avec agence. LocService a publié un communiqué pour sensibiliser les locataires aux difficultés qu’ils sont susceptibles de rencontrer lorsqu’ils passent par une agence immobilière. La première règle est de ne jamais avoir recours aux marchands de liste, qui mettent en relation locataires et propriétaires.

En se tournant vers Directe Location, Camille en a fait les frais :

« J’ai payé 195 euros pour obtenir trois numéros. L’un était déjà loué, l’autre n’a jamais répondu, et le dernier avait déjà quinze personnes sur le coup… Les contacts ne sont pas tous vérifiés. Et les critères de recherche ne sont pas respectés : j’avais demandé Talence, Pessac et Sud Bordeaux, mais ils n’ont pas ciblé géographiquement les recherches. »

Des aides juridiques peuvent être apportées aux étudiants lésés. L’ADIL 33, l’Agence départementale d’information sur le logement de Gironde, offre ses conseils pour déjouer les arnaques de ce type. L’Unef Bordeaux met en relation les jeunes locataires avec des avocats en cas de litiges.

Bon, on fait quoi du coup ?

Face à cette pénurie de logement, des solutions alternatives existent. Peu coûteuse, la chambre chez l’habitant en est une. Des sites internet répertorient les offres des particuliers et mettent en relation les jeunes hébergés et les propriétaires, comme la plateforme du Crous Lokaviz. Lancée en 2010 par la Région Aquitaine et étendue en 2017 à l’ensemble du nouveau territoire, l’opération Un Deux Toit offre en plus un accompagnement des participants pour la contractualisation du séjour, et une médiation durant l’hébergement.

Campagne de Studapart dans les rues de Bordeaux (WS/Rue89 Bordeaux)

Sur un même modèle, la cohabitation solidaire et intergénérationnelle séduit de plus en plus. Le concept est simple : un senior propose une chambre à très faible coût (entre 100 et 150 euros), en échange de quelques services de la vie quotidienne, et surtout d’un peu de chaleur humaine pour combattre la solitude. Depuis 2004, l’association Vivre Avec met ainsi en relation les personnes âgées qui ont une chambre disponible sur Bordeaux avec des jeunes à la recherche d’un logement.

Autre possibilité, passer directement par son école ou son université. La plateforme Studapart propose des offres de logements aux étudiants issus d’un des 18 établissements bordelais partenaires, dont l’Université Bordeaux Montaigne, KEDGE Business School, ou Science Po Bordeaux. En garantissant aux bailleurs la sûreté des loyers payés, elle participe ainsi au retour des propriétaires sur le marché étudiant.

Enfin, pour les plus motivés à mener des actions solidaires, il y a les « Kolocations à Projets Solidaires », dit Kaps. Lancées en 2010 par l’Afev, l’Association de la fondation étudiante pour la ville, il y existe aujourd’hui une trentaine en France. Une Kaps permet à des étudiants engagés de mener un projet solidaire au sein d’un quartier populaire, en échange d’un logement très abordable en colocation dans ce même quartiers. Dans le quartier de Saige, à Pessac, 13 étudiants sont ainsi logés dans une résidence étudiante. Pour l’intégrer, il faut déposer un dossier de candidature qui sera examiné, la structure refusant les personnes motivées uniquement par un logement à bas coût. Mais les places sont très limitées.


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