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Un Bordelais va faire le tour du monde sur un bateau propulsé au plastique

Alexandre Dechelotte, 25 ans, prépare depuis Bordeaux la Plastic Odyssey : en 2020, cet officier de la marine marchande embarquera avec ses camarades sur un catamaran équipé d’une machine capable de transformer les déchets plastiques en carburant. Il participe ce vendredi à un débat de Novaq, à Bordeaux, sur le « 7e continent ».

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Un Bordelais va faire le tour du monde sur un bateau propulsé au plastique

Rue89 Bordeaux : Comment est né votre projet ?

Alexandre Dechelotte : Lors de ma dernière année d’étude à l’école de marine marchande, j’ai navigué un peu, notamment sur les barges qui transportent l’Airbus A380 jusqu’à Pauillac, puis sur des câbliers entre Singapour et la Nouvelle-Zélande. C’est là qu’on se rend vraiment compte de l’ampleur de la pollution par les plastiques, notamment en Asie.

J’étais déjà sensibilisé à l’écologie – étudiant, j’avais créé une association, Greenactive, qui fabriquait des filaments pour imprimantes 3D à base de plastiques recyclés. Mais c’est quand je suis devenu papa que j’ai renoncé à une carrière dans la marine. J’ai regardé vers le futur, et je suis passé du « c’est sympa de s’occuper de l’environnement » à « c’est nécessaire, et c’est ce que je vais faire ».

Mon ami et camarade de promotion, Simon Bernard, a lui eu le déclic à Dakar. Nous voulions imaginer des solutions permettant de se débarrasser des plastiques dispersés dans la nature, tout en développant une économie locale et circulaire, offrant des petits boulots aux gens.

Quelles solutions ?

Nous préparons un tour du monde avec un catamaran, qui sera construit à La Rochelle, et ne fonctionnera que grâce à un moteur qui tournera uniquement avec du carburant produit à partir de déchets plastiques. Le bateau embarquera une machine pyrolyse, capable de transformer le plastique en carburant. C’est une technologie a priori très compliquée, réservée aux gros industriels. Avec nos ingénieurs associés à Plastic Odyssey, nous avons développé un modèle « low-tech » et open source, c’est à dire non breveté, donc facilement accessible, duplicable et réparable dans les pays les plus pauvres. Nos modèles, ce sont Solar Impulse ou Energy Observer, qui ont démontré la viabilité de technologies alternatives.

Le but est-il ainsi de nettoyer ainsi les océans du plastique ?

On lutte contre cette image d’un « 7e continent » de plastique, qui peut laisser croire qu’il suffirait de les ramasser avec un rateau pour régler le problème. Ce continent, c’est un regroupement théorique de déchets dû aux courants océaniques, mais dont on ne voit rien en surface. Sur les quatre à douze millions de tonnes qui arrivent chaque année dans les océans, seulement 1% reste en surface. Le reste se dégrade en micro-particules, est ingéré par les poissons et se retrouve dans la chaîne alimentaire. Le but n’est pas de lutter contre cette pollution en ramassant des déchets, c’est de la prévenir avec des machines utilisables sur terre.

Mais transformer les déchets plastiques en ressources, n’est-ce pas à double tranchant ?

Donner de la valeur à un déchet peut créer un appel d’air. Mais le problème, c’est que sur les 348 millions de tonnes de plastique produit chaque année dans le monde, on n’en recycle que 9%. 12% sont incinérés. Cela signifie que 79% finit dans la nature, au mieux enfoui, au pire dans des décharges à ciel ouvert. Dans tous les cas, cela signifie une pollution de la terre ou des océans.

Retour aux sources

Même si on arrêtait de produire du plastique, ce que je souhaite par dessus tout, il faudrait trouver un moyen de traiter ces déchets. La première chose à faire c’est de trier et de recycler ce qui peut l’être, notamment les bouteilles en PET. Le reste, notamment les films ou les sacs plastiques aujourd’hui pas recyclables, peut être transformé en carburant. C’est la dernière étape, et un retour aux sources puisque le plastique, c’est à la base du pétrole.

La pyrolyse chauffe le déchet à très haute température. Il se transforme en gaz, qui est refroidi et liquéfié. Avec un kilo de plastique, on peut faire au maximum un litre de combustible, selon la qualité du déchet. Le combustible obtenu a de très bons résultats, c’est jusqu’à 10% plus calorifique que l’essence ! C’est donc un vrai gâchis de le brûler dans les incinérateurs comme on le fait massivement en France aujourd’hui.

Où en est Plastic Odyssey ?

Le projet a avancé vite grâce à des soutiens importants, comme ceux du navigateur Roland Jourdain ou de Brune Poirson, secrétaire d’Etat à la Transition écologique, d’une filiale de Veolia. Une vingtaine de bénévoles hyper diplômés , qui ont parfois plaqué leur boulot pour cela, sont venus nous aider sur le chantier de notre prototype, Ulysse. Nous l’avons mis à l’eau  en juin à Concarneau, et il fait actuellement un tour de France pour sensibiliser les gens et trouver des mécènes. Il ne passera pas par Bordeaux, mais sera présenté au Grand Pavois, le salon nautique fin septembre à La Rochelle, puis à Paris.

L’objectif, c’est que notre catamaran de 25 mètres soit prêt en 2020 pour un voyage de 3 ans, avec 11 escales par an. Nous irons dans 20 pays parmi les plus grands producteurs de déchets,. Ce sont des pays émergents d’Afrique du Nord, d’Amérique du Sud et d’Asie, où si on agit on pourrait réduire de 40% la pollution par les déchets.


#Plastique pas fantastique

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