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Emmaüs Gironde dénonce une « opération concertée » contre sa mission d’accueil des mineurs étrangers

L’association compte porter plainte pour diffamation contre le collectif Mineurs isolés étrangers (MIE), qui a accusé Emmaüs de maltraitance envers les jeunes hébergés au foyer de Martillac.

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Emmaüs Gironde dénonce une « opération concertée » contre sa mission d’accueil des mineurs étrangers

« Tous les salariés du mouvement Emmaüs (400 personnes en Gironde, NDLR) se sont senties blessées par ce qu’ils ont pu lire dans la presse et sur les réseaux sociaux, ils vivent cela comme une profonde injustice, tant ce qu’on leur demande est lourd et pénible. »

Pascal Lafargue commence donc ce jeudi par leur « rendre un hommage sincère et appuyé », notamment aux 200 salariés du Pôle enfance de l’association « dans la tempête ». 15 jours après les accusations graves lancées par le collectif Mineurs isolés étrangers (MIE), le président d’Emmaüs Gironde, encadré de l’ensemble de son conseil d’administration, expose à la presse sa « contre-attaque » :

« J’ai parlé de complot, un terme délicat à employer. Il n’empêche que j’ai un certain nombre d’éléments prouvant que c’est une opération concertée et organisée pour dégommer l’intervention d’Emmaüs dans le secteur des mineurs non accompagnés (MNA). »

Emmaüs Gironde y voit la patte d’un ancien administrateur et des anciens salariés de l’association gérant les foyers d’accueil de MNA de Gardera à Langoiran et Home à Mazères, jusqu’à leur reprise par Emmaüs. L’un d’entre eux aurait reconnu par SMS qu’il s’agissait d’une « vengeance ».

« Les conséquences sont tellement lourdes que je vais utiliser tous les moyens légaux pour défendre Emmaüs, y compris judiciaires, poursuit Pascal Lafargue. Nous avons pris un avocat, les pouvoirs publics se sont intéressées de près à ces accusations, et certaines personnes ont été entendues par la police et la gendarmerie ».

« Accusations mensongères »

Emmaüs Gironde veut notamment porter plainte pour menaces envers ses salariés – la directrice générale du Pôle enfance a reçu une photo d’un groupe d’anciens salariés lui faisant un doigt d’honneur -, et diffamation. L’association récuse en effet les « accusations mensongères » portées contre elles, poursuit Pascal Lafargue :

« Une responsable d’Asti, membre du collectif MEI, fait courir la rumeur selon laquelle nous faisons seulement du gardiennage, c’est insupportable. Nous avons 35 éducateurs à Martillac pour 43 MNA sur ce site, et 100% de ces jeunes ont un contrat d’apprentissage, un stage, ou sont scolarisés. »

Pascal Lafargue et Yasmina Mohamed (SB/Rue89 Bordeaux)

Si le président d’Emmaüs Gironde reconnaît quelques difficultés, il n’accepte pas non plus les soupçons de maltraitance.

« On a accueilli trop d’enfants d’un seul coup, explique Yasmina Mohamed, directrice du Pôle enfance de l’association. Cela s’est fait dans l’urgence. A la fin du plan grand froid, lors de la fermeture du gymnase Aliénor, 40 MNA n’avaient pas de solution d’hébergement, nous les avons reçu à Martillac. Alors oui, il y a eu des dortoirs le temps d’installer des tétrodons et de les brancher au réseau. Depuis ils peuvent vivre à un, deux ou trois par chambre. Mais ils ne dorment pas sur des matelas par terre, contrairement à ce qui a été dit. Je rappelle que des mineurs sont morts dans la rue, je préfère qu’ils dorment dans des dortoirs que de rester dehors. »

Entrée du foyer L’Hermitage à Martillac (Google/Capture d’écran)

Pour les responsables de l’association fondée par l’Abbé Pierre, la question de l’ouverture des comptes en banque a « cristallisé les choses », poursuit Yasmina Mohamed :

« Aujourd’hui des MNA bossent et ne peuvent pas toucher leur salaire car pour ouvrir un compte en banque en France, il faut un passeport, des papiers, surtout pour les mineurs. C’est un vrai problème pour toutes les institutions, et cela génère des incompréhensions de la part de nos entreprises partenaires. »

Pas d’eldorado

Alors, « oui, il y a de la violence sur les lieux d’accueil de MNA d’Emmaüs et partout en France, mais ce sont les MNA qui sont violents avec les éducateurs », lâche Pascal Lafargue :

« Et je ne leur jette pas la pierre, je sais ce qu’ils ont vécu. Certains étaient des enfants soldats, beaucoup croyaient que la France était un eldorado où ils auraient droit à un logement, et que l’Etat français qui a pillé leur pays leur doit bien cet accueil là. »

Le président d’Emmaüs affirme donc qu’il ne « pardonne pas » au collectif MEI. Mais il dédouane certaines organisations représentées dans ce dernier, « des associations connues et reconnues avec lesquelles Emmaüs travaille normalement habituellement ». Brandissant des courriers adressés à Emmaüs reçus par des responsables de Médecins du Monde et de la Ligue des droits de l’homme, Pascal Lafargue signale que ces deux mouvements se désolidarisent de l’initiative prise par certains de leurs membres.

« Une militante de la LDH se dit effarée de voir circuler ces propos malveillants avec des assertions émanant de sources jamais contrôlées. Et la déléguée régionale Aquitaine de Médecins du Monde m’a écrit explicitement qu’aucun mandat n’avait été donnée pour participer à la conférence de presse du MEI, et témoigne de son « regret sincère » ».

Reste à régler quelques problèmes maison… Pascal Lafargue reproche en effet à Emmaüs France d’avoir communiqué sur une enquête interne lancée pour démêler cette affaire, avec un déplacement de ses responsables à Martillac.

« Emmaüs France a fait exactement comme le collectif MIE. Quand on est saisi d’un problème on va sur place et on donne suite ou pas, mais on ne relaie pas des trucs non vérifiés. Je vais faire une lettre ouverte aux 300 groupes pour dire que la direction parisienne s’est comportée comme une administration centrale aveugle. Et j’en parlerai avec le nouveau président Hubert Trapet qui vient bientôt me voir. »

De son côté, le collectif MEI a manifesté la semaine dernière devant le tribunal de Bordeaux puis le département de Gironde, pour dialoguer avec l’aide sociale à l’enfance. Un inspecteur devait les rencontrer cette semaine pour évoquer leur situation.


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