C’est d’abord l’heure des « vigoureuses condamnations » après l’agression homophobe de ce vendredi à Bordeaux. Alain Juppé, maire de Bordeaux et président de Bordeaux métropole, s’en est indigné, rappelant que c’était un troisième cas en deux ans (mai 2017, août 2018) et que cette « haine est tout sauf acceptable ».
Ce lundi, dans les salons de la mairie de Bordeaux, il a aussi été question d’une autre forme de haine. Alors que la France a déjà été secouée par les inscriptions antisémites, dont une croix gammée sur un dessin à l’effigie de Simone Veil, un arbre planté à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne) en mémoire d’Ilan Halimi, un jeune juif assassiné en 2006, a été scié à deux jours de l’anniversaire de sa mort.
C’est dans ces circonstances qu’a été lancée une grande enquête sur le racisme et l’antisémitisme par l’Observatoire bordelais de l’Egalité.
Autour du maire et de son adjoint chargé de l’égalité et de la citoyenneté, Marik Fetouh, étaient réunis Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah) ; Benedetto Zacchiroli, président de la Coalition européenne des villes contre le racisme de l’UNESCO ; Anne-Marie Tournepiche, vice-présidente Vie étudiante et vie de campus de l’Université de Bordeaux ; Rama Diop, présidente de SOS Racisme Gironde ; et Albert Roche, président du CRIF de Bordeaux.
Bordeaux veut montrer l’exemple
Alors que la Commission nationale consultative des droits de l’Homme souligne dans son rapport de 2018 une baisse de la tolérance sociale envers les Noirs et les Roms. D’autres études montrent récemment une augmentation inquiétante de l’antisémitisme en France. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner vient, ce lundi, d’annoncer que les actes antisémites ont bondi de 74% en France en 2018.
Dans ce contexte, Marik Fetouh veut que Bordeaux soit pionnière sur une réflexion autour du sujet. Il répond aux questions de Rue89 Bordeaux.
Rue89 Bordeaux : Pourquoi une enquête à Bordeaux ?
Marik Fetouh : Il y a la volonté de traiter l’ensemble des thématiques qui se posent aujourd’hui dans la société française : la question des droits des femmes, la question LGBT, et aussi la question du racisme et de l’antisémitisme… c’est une triste réalité sociale, d’autant plus qu’une alerte est lancée sur la progression très importante de l’antisémitisme et la persistance des problématiques liées au racisme.
Est-ce que Bordeaux est plus exposée qu’une autre ville ?
Il n’y a pas plus de problèmes ici qu’ailleurs. A Bordeaux, le climat est même plus apaisé. Mais on n’échappe pas à des événements qui transcendent complètement la politique municipale. C’est un phénomène national, européen voire mondial. Il y a partout un repli sur soi, une montée des groupes identitaires, et une montée du rejet de l’altérité. Bordeaux, malheureusement n’échappe pas à ce phénomène.
Le nombre d’actes antisémites augmente au niveau national, les pourcentages sont-ils les mêmes à Bordeaux ?
Des tags racistes et antisémites sont visibles partout en France. Bordeaux n’est pas épargné. Malheureusement, on subit ce qui se passe au niveau national. Après un attentat, le rejet des musulmans s’accroit. Quand il y a une crise économique, le rapport avec l’autre s’altère. Partout, le contexte social est fragile.
Que peut faire la ville de Bordeaux pour endiguer ce phénomène ?
Une politique nationale est indispensable, c’est pour cela qu’on coordonne cette enquête avec la Dilcrah. Cette enquête permettra à la mairie de Bordeaux de présenter des propositions pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme. Elle démontrera aussi que la ville s’empare de ces questions pour montrer l’exemple. Ne rien faire serait pire.
Quelle seront les suites données à cette enquête ?
Les résultats seront publiés en même temps que le plan d’action qui sera adopté au plus tard en septembre. Mais on ne va pas attendre. On a déjà été saisi par l’Unesco pour faire une campagne sur le racisme [Bordeaux est membre de la Coalition européenne des villes contre le racisme de l’Unesco (ECCAR) depuis octobre 2018, NDLR]. C’est une campagne qui sera potentiellement déclinée dans d’autres villes françaises et européennes.
L’université de Bordeaux est partenaire sur cette enquête. Que pensez-vous de l’augmentation des frais d’inscription pour les étudiants étrangers ? N’est-ce pas une forme de racisme ?
Je n’ai pas regardé ça en détail, mais je ne pense pas que ça va dans le bon sens. C’est extrêmement préoccupant, pour la France et pour l’inclusion des étudiants étrangers (NDLR : le conseil municipal de Bordeaux a récemment voté une motion déposée par le groupe socialiste pour demander au gouvernement de revoir sa copie sur ce sujet).
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