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La Maison d’Ella répare les âmes des femmes victimes de violence

Inaugurée le 7 mars dernier, « La Maison d’Ella » a pour objectif d’aider les femmes victimes de violences ou d’agressions, dans leur reconstruction personnelle comme dans leurs démarches administratives.

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La Maison d’Ella répare les âmes des femmes victimes de violence

Dans les quatre pièces aux couleurs pastel, une centaine de personnes se sont retrouvées, jeudi 7 mars, pour inaugurer l’annexe du CACIS (centre d’accueil consultation information sexualité). Situé 381 boulevard Wilsaon, ce lieu s’adresse aux femmes victimes de violences et d’agressions, sur une prise en charge à moyen et long terme grâce à une coordination entre les différentes structures partenaires.

La Maison d’Ella fait donc le lien entre les 26 structures du réseau associatif actuel tels que le Cauva, le Planning Familial, les Orchidées Rouges, Médecins du Monde, les partenaires hospitaliers comme Charles Perrens ou le CHU de Bordeaux, et institutionnels comme la police.

La Mairie, comme le Conseil régional, l’ARS, le conseil départemental, la Délégation régionale et départementale aux droits des femmes ont financé ce projet, en parallèle de fonds privés tels que la Fondation l’Oréal.

Un besoin urgent

Loin des murs du CACIS qui prend en charge toutes les problématiques liées à la sexualité et la vie affective, la Maison d’Ella accueille des femmes victimes de viol, d’agressions ou de mutilations. Son ouverture fait écho à l’étude réalisée l’année dernière par Johanna Dagorn et Arnaud Alessandrin, et financée par la ville de Bordeaux. Elle démontrait la rupture dans les parcours d’aide aux femmes victimes de violences en Gironde.

Si 85% d’entre elles déclarent avoir déjà parlé des violences subies, 65% n’ont pas porté plainte. Selon cette étude, cela s’explique par un suivi non-coordonné, chaque institution restant dans le champ de ses compétences, et l’absence d’une structure multidisciplinaire. Cette rupture, la Maison d’Ella souhaite l’éradiquer,explique Muriel Bichaud, éducatrice spécialisée et co-fondatrice du lieu :

« Ce qu’on a observé depuis longtemps au CACIS, c’est que les femmes qui ont subi des violences doivent aller voir une assistante sociale, une juriste, un médecin, la police… dans pleins d’endroits différents. Mais elles ne peuvent pas se déplacer dans tant d’endroits et ne supportent pas de raconter parfois plus de vingt fois leur histoire. »

« Lettre à maman »

Pour l’instant, la toute jeune Maison d’Ella accueille des femmes grâce au maillage d’associations qui les aiguille vers elle. L’une de ces femmes, Isabelle (le prénom a été modifié), était déjà suivie, pour sa part, au CACIS. D’origine africaine, elle a été victime de mutilations.

A la Maison d’Ella (JC/Rue89 Bordeaux)

« Quand je suis arrivée ici, je n’arrivais pas à parler de ce qu’il m’était arrivé. Un jour, j’ai commencé à écrire et je ne me suis plus arrêtée : j’ai écrit 40 pages d’un coup ! J’écris sur ce qu’il m’est arrivé, sur mes peurs et ces souvenirs difficiles. Souvent, cela prend la forme d’une lettre à ma maman, que je n’ai jamais connue. »

Elle les garde d’ailleurs dans un dossier, qu’elle espère peut-être un jour compiler dans un livre uniquement pour elle, comme un témoin du combat qu’elle a victorieusement mené. Tournée vers l’avenir sans jamais oublier son passé, elle souhaite aider les enfants des rues du Cameroun.

« Mon rêve c’est de m’occuper d’eux, les scolariser pour qu’ils disent un jour, “tu vois la tata là-bas, c’est grâce à elle que je m’en suis sorti”. Je ne veux pas que des enfants vivent le calvaire que j’ai vécu. »

17 femmes sont actuellement suivies à la Maison d’Ella. Au delà d’une meilleure prise en charge, ses animatrices veulent donner l’occasion aux femmes de panser leurs plaies, qu’elles soient psychologiques ou physiques.

« Proposer une prise en charge en psychotrauma c’est bien, mais malheureusement ce n’est pas suffisant parce qu’à coté, ces femmes n’ont pas le temps de prendre soin d’elle, résume Muriel Bichaud. Quand il faut faire les démarches pour des papiers, un logement, trouver de quoi manger, protéger sa santé, se reconstruire devient secondaire. On pense d’abord à sa survie. »

(JC/Rue89 Bordeaux)

Se refaire belle

La réparation, si elle fait appel à des psychologues, psychiatres, thérapeutes, avocats et policiers, ou gynécologue et médecin, passe aussi par les mains de professionnels moins attendus.

« Dans notre staff, nous avons aussi un ostéopathe, un sophrologue, un acupuncteur, et une socio-esthéticienne », détaille Muriel Bichaud.

Dans une salle dédiée où trône une table de massage, Réjane Sallé, socio-esthéticienne Codes, qui travaille déjà dans des structures liées à la prostitution, à l’addiction ou encore à la séropositivité, utilise l’esthétique pour apprendre à ses « clientes » à se reconstruire.

« Je travaille sur ces cicatrices et sur ce corps qui parle sans mot. J’utilise l’image par le conseil, la communication non verbale, en montrant aux personnes comment prendre soin d’elles-mêmes. »

Ce sujet, qui semble d’apparence futile, se révèle aussi une véritable porte d’entrée pour faire parler ces femmes, poursuit-elle :

« Une personne qui subit des violences a un rapport au corps très compliqué et en parler l’est tout autant. La manucure, par exemple, peut être un moyen de repérer les lieux, connaître les professionnels avant de se livrer, sur une cicatrice visible. »

En parallèle, un art-thérapeute, qui travaille sur l’écriture, et une psychologue danseuse augmentent les rangs des acteurs de la Maison d’Ella.


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