Il y avait foule, le 23 février, dans l’amphithéâtre Joseph Wresinski de l’Athénée Municipal, pour écouter Véronique Fayet, présidente du Secours Catholique, parler de son livre « Révolution fraternelle, le cri des pauvres » (publié chez Indigène, la maison d’édition chez qui était sorti le « Indignez-vous » de Stéphane Hessel).
Le lieu était doublement bien choisi par sa proximité avec l’Hôtel de Ville où Véronique Fayet a été, sous Juppé, adjointe aux affaires sociales – et les maires étaient là, l’ancien et le nouveau avec ses adjoints – et par le patronage du fondateur d’ATD Quart-Monde où elle a commencé son engagement auprès des défavorisés.
8,8 millions de pauvres
Il faut dire qu’éloignée du monde politique, de ses équilibres difficiles et de ses compromis parfois laborieux, Véronique Fayet donne, dans cette fonction qui est maintenant la sienne, la pleine mesure de ses qualités. C’est une femme de conviction, épanouie dans les combats qu’elle mène pour l’avènement de cette révolution fraternelle qu’elle appelle de ses vœux.
Forte de ne pas parler en son seul nom mais en celui des 70 000 bénévoles qui œuvrent au sein du Secours Catholique, forte de relayer ce cri des pauvres trop souvent inaudible pour les technocrates sans âme qui nous gouvernent.
Les statistiques sont là : la pauvreté va croissant en France et dans le monde, tandis qu’une poignée d’oligarques monopolise des fortunes obscènes dont ils oublient qu’elles n’ont été possibles que par l’exploitation de millions d’hommes et de femmes et par la mise à sac des ressources naturelles qui appartiennent à l’humanité. 14% de la population française, soit 8,8 millions de personnes, tels sont les chiffres révoltants de la pauvreté en France – c’est 1 million de plus depuis la crise de 2008.
Force de proposition
Devant une telle situation, le Secours Catholique se veut, avec d’autres associations humanitaires, une force de proposition. Et dans la recherche de solutions, l’apport des pauvres est lui-même essentiel, tant il est vrai que notre société se prive de ce que l’on peut appeler paradoxalement la richesse des pauvres.
Nous sommes loin de cette charité de dame patronnesse, qui a pu exister dans les siècles passés ; c’est d’un combat pour la dignité de tout homme, pour la reconnaissance de sa valeur propre qu’il s’agit.
Parmi les résultats qu’elle juge prometteurs, Véronique Fayet est particulièrement heureuse de la loi d’expérimentation territoriale qui vise à résorber le chômage de longue durée (2016).
« On part des compétences des chômeurs de longue durée pour aboutir à la création d’une entreprise adaptée aux besoins du territoire. »
L’exemple de « Entre Nièvre et forêts » est parlant : cette association, entre autres actions, renoue avec la tradition locale de l’affouage, qui consiste à ramasser du bois de chauffage dans les forêts avoisinantes. Et l’on gagne sur les deux terrains : remettre des gens au travail (CDI) et entretenir les forêts. Quand le cri des pauvres s’unit au cri de la planète !
Cri
Les références de Véronique Fayet, en plus des travaux d’experts que le Secours Catholique peut utiliser, sont la Doctrine sociale de l’Eglise, ce trésor largement méconnu des catholiques, laïcs et prêtres, dont un des thèmes est l’option préférentielle pour les pauvres, et la dernière encyclique du Pape François, Laudato si, qui porte un jugement sévère sur l’égoïsme des possédants et sur l’absurdité suicidaire de la financiarisation.
« En vérité, le cri que j’entends résonner est un triple cri : le cri des pauvres, le cri de la planète, le cri de la démocratie. Et ce cri nous dit que l’humanité n’a plus le choix. Faire un chemin commun vers la frugalité, une frugalité choisie, partagée et heureuse d’une certaine manière. Audace, oui, de l’amour ! La révolution fraternelle à laquelle nous convient ces personnes que nous rencontrons tous les jours, avec qui nous partageons tant de peines mais aussi tant de joies, est une révolution d’amour et de justice. » (p. 32)
Ainsi armés, le Secours catholique et sa présidente peuvent interpeler les pouvoirs publics et les juger avec sévérité et lucidité lorsqu’ils ne se donnent pas les moyens d’apporter des solutions au scandale de la pauvreté. Le livre de Véronique Fayet est utile et salutaire pour tous ceux qui ne se résignent pas à la prétendue fatalité qu’on nous sert comme unique et ultime argument.
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