Ce mardi 21 mai, vers 6 heures du matin, les forces de l’ordre étaient sur place pour l’évacuation du squat « L’ascenseur », au 40 rue Lamartine, à Talence. Ces anciens locaux de l’Université de Bordeaux, inoccupés depuis juin 2018, ont été réquisitionnés en octobre dernier afin d’héberger, entre autres, des familles avec enfants et des mineurs isolés.
Les 9 bâtiments en question accueillaient 170 personnes. Sous la houlette de Médecins du Monde, RESF (Réseau Éducation Sans Frontière), ARTS (Accueil des Réfugiés de Talence) ou encore le Secours populaire, des cours de français ainsi que de l’aide aux démarches administratives étaient proposés aux résidents.
Le 7 février 2018, le squat avait reçu la visite d’un huissier, leur demandant de quitter les lieux sous 72 heures. Une situation qui avait abouti à une pétition de plus de 500 signatures. Mais aujourd’hui, cette expulsion est « précipitée » et « inattendue » d’après les associations, qui avaient entrepris des réunions à la mairie de Talence, des prises de contact, parfois vaines, avec l’Université de Bordeaux ou encore la préfecture. « On avait tout fait pour que cette expulsion n’ait pas lieu », raconte une bénévole.
Environ 170 personnes habitaient ce squat
Aujourd’hui, Freskida n’ira pas à l’école. La jeune fille de 12 ans est pourtant scolarisée au collège Victor-Louis, en classe de 5e. Arrivée d’Albanie il y a deux ans, elle logeait dans ce squat depuis 6 mois avec ses parents, ses deux sœurs et son frère.
« Maman m’a dit que nous allons dormir à l’hôtel pendant 3 jours, après on ne sait pas. Je me sens triste et j’ai peur pour l’avenir », explique-t-elle, d’un français parfait.
Ce n’est pas la seule dans ce cas. De la rue Lamartine à la rue Guillaume-Boue, les squatteurs errent valises et sacs à la main. Ils étaient 145 au recensement du 10 mai et donc bien plus aujourd’hui, d’après les bénévoles. Parmi eux, une trentaine d’enfants, des personnes en situation d’handicap, 6 femmes enceintes, des mineurs isolés et des femmes et hommes seuls. Ils sont demandeurs ou déboutés du droit d’asile, parfois travailleurs sans logement. Depuis octobre 2018, 7 enfants sont nés dans ces lieux. Graziella Danguy est l’une des voisines et bénévole du squat.
« Si vous pouviez passer les banderoles et accéder à la rue Lamartine, vous verriez une femme enceinte en train de s’évanouir sur le trottoir d’à côté. Ce n’est pas la seule à être dans cet état, d’autres mamans sont en grande souffrance aussi, ainsi que des personnes ayant des pathologies et qui ne sont pas suivies. Ces personnes là, elles ont des droits et on va les retrouver à la rue ; encore plus mal qu’elles ne l’étaient dans ce lieu, où elles avaient au moins un toit au dessus de la tête. La nuit, il fait froid et il va y avoir des enfants qui dormiront à la rue. C’est scandaleux ! »
Un squat « insalubre », lieu de « délinquance »
A la suite de l’opération, un communiqué de presse de la préfecture de la Gironde souligne que « les lieux insalubres (toitures éventrés …) représentaient un risque important pour les personnes en terme de sécurité. […] Le squat était également connu défavorablement des services de police et de la mairie de Talence en raison de l’augmentation des faits de délinquance dans un large périmètre autour du site (cambriolages, vols, dégradations …) ». Des faits confirmés par l’une des bénévoles qui évoque, elle aussi, des débordements.
« Il y a eu deux ou trois agressions, des incendies, des cambriolages. Ça n’a pas été avéré que ce soit des gens du squat, mais c’est fort possible. Certains résidents n’étaient que de passage, il y avait donc des problèmes de drogues, d’alcool. Sur un tel nombre de personnes, c’est inévitable », nous confit-elle.
Et maintenant ?
Loic Prud’homme, député de la 3e circonscription de la Gironde, s’était rendu sur place.
« Ces personnes sortent d’une situation difficile et on les met dans une situation encore plus précaire. Ça ne règle aucun problème, ça le disperse », affirme-il.
Dans son communiqué, la préfecture assure qu’ « une solution d’hébergement en Nouvelle-Aquitaine a été proposée aux personnes relevant de l’asile ou en situation d’urgence sociale. Des mineurs isolés ont été pris en charge par le service d’accueil et d’évaluation des mineurs non accompagnés (SAEMNA) ».
Quant aux personnes n’étant pas en capacité de justifier de la régularité de leur séjour, elles ont été auditionnées par les services de police pour un examen de leur situation administrative. « Les personnes en situation irrégulière auront vocation à quitter le territoire français. »
Toujours selon le communiqué, un projet entre l’État et l’université de Bordeaux prévoit de transformer les bâtiments inoccupés de la rue Lamartine en un lieu d’hébergement temporaire pour demandeurs d’asile.
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