Badia Hassan dit à qui veut l’entendre « Aidez-moi, aidez-nous ! » La présidente de l’association kurde Rojava Gironde cherche à sensibiliser l’opinion publique sur le drame qui touche les Kurdes au nord de la Syrie suite à une opération militaire menée par la Turquie au lendemain du retrait des forces américaines de la région.
A Bordeaux, une communauté de plus de 2500 Kurdes s’inquiète des conséquences d’une telle opération, qualifiée d’agression. Elle se mobilise quotidiennement dans la cité girondine et annonce deux rendez-vous : le 17 octobre à 18h place de la Bourse et le 19 octobre à 14h en face du Grand Théâtre.
Rue89 Bordeaux : De quelles nouvelles disposez-vous sur la situation en Syrie ?
Badia Hassan : J’ai des nouvelles en permanence de ma famille qui se trouve à Serê Kaniyê [Ras al-Aïn en arabe, les villes kurdes ont été rebaptisées par le gouvernement syrien, NDLR]. C’est une ville qui se situe sur la frontière syro-turque, donc en première ligne de l’opération militaire. Nous ne sommes pas loin de Kobané (Aïn al-Arab), ville qui a été le théâtre d’une bataille majeure remportée par les YPG contre l’expansion de Daech [YPG (Yekîneyên Parastina Gel) est la branche armée du parti de l’union démocratique du Kurdistan syrien, NDLR].
A côté de Serê Kaniyê, Girê Sipî (Tall Abyad) a été prise par la Turquie et l’offensive continue. Hier [dimanche] vers 17h, des bombardements aériens ont touché un convoi humanitaire que nous avions mis en place pour dire à cette population qu’on ne la lâchera pas ! Le convoi était parti de Dêrika Hemko (Al-Malikiyah) et conduit par des pères et mères de combattants. Il y a eu des blessés et une mère est morte.
Quel est le bilan des pertes ?
C’est difficile à évaluer. Hier encore un hôpital a été touché, faisant des victimes parmi les personnes hospitalisées et le personnel. Il y a actuellement 130 000 déplacés, sur un territoire qui accueillait déjà des déplacés par la guerre en Syrie.
Cette région est très cosmopolite. Elle est formée de Kurdes, mais aussi d’Assyriens, de Syriaques, d’Arabes, et d’Arméniens. Les chrétiens et les musulmans se côtoient sans difficulté. La population doit à nouveau fuir.
Comment expliquez vous le retrait des forces américaines qui a ouvert la voie à l’armée turque ?
Nous avons vécu ce retrait comme une trahison après tous les sacrifices que le peuple kurde a consentis pour lutter contre l’État islamique : 11 000 martyres sont tombés, plus 24 000 personnes ont été blessées… Être abandonné aujourd’hui comme ça, c’est inadmissible !
La présence des forces internationales dans cette région n’a jamais consisté à veiller sur les peuples kurde ou même syrien. Les pays occidentaux sont intervenus pour leurs intérêts économiques et leurs réseaux d’influence. Il y a les pro Arabie Saoudite avec les Américains d’un côté, et en face les pro croissant chiite avec les Russes qui soutiennent Bachar El-Assad et l’Iran. Depuis le début du conflit syrien, les Kurdes sont restés neutres et ils ont juste combattu pour se préserver des agressions de l’État islamique.
Par ailleurs, Donald Trump joue pour sa réélection. Il a promis le retour des troupes américaines d’Afghanistan, d’Irak et de Syrie. Il le fait. Il ne se soucie pas de ce qui se passe derrière, de toutes les atrocités sur le terrain.
Quel message voulez-vous faire entendre ?
Nous voulons l’arrêt immédiat de la machine de guerre du président truc Erdogan et de ses alliés salafistes. Nous voulons que chaque dirigeant français ou européen, que chaque citoyen français ou européen soit conscient du malheur qui se déroule pour le peuple kurde.
Il n’y a toujours aucune décision pour arrêter cette offensive. En quelque sorte, les États-Unis ont donné le feu vert pour éliminer les Kurdes. Et l’Europe est menacée par Erdogan, le président turc, de laisser passer les réfugiés syriens. C’est une honte !
On ne réalise toujours pas que, depuis le conflit syrien, Erdogan est en train de détruire la région pour réinstaller l’empire ottoman jusqu’à Kirkouk et éliminer toute opposition. Chaque heure qui passe, ce sont des vies perdues.
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