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A Bordeaux-Montaigne, des étudiants bloquent la fac pour dénoncer la précarité

L’assemblée générale des étudiants en sciences humaines de Bordeaux-Montaigne a appelé à poursuivre le mouvement de blocage de la faculté, débuté ce lundi. La mobilisation répond à l’appel national suite à l’immolation par le feu d’un étudiant lyonnais.

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A Bordeaux-Montaigne, des étudiants bloquent la fac pour dénoncer la précarité

Sur l’estrade qui orne le parvis de l’Université de Bordeaux-Montaigne, un étendard en bandoulière fait face à la masse d’étudiants réunie en Assemblée générale, à 8h30, ce lundi : « la précarité tue ». Devant les portes closes des bâtiments de la fac, chaises et tables s’amoncellent, formant autant de barricades improvisées.

Vendredi, la grève et le blocage de l’université avaient été votés par une centaine d’étudiants en sciences humaines à l’appel d’OSB IV, du syndicat Solidaire-Etudiants et de la Fédération Syndicale étudiante.

A Bordeaux, ce mouvement qui s’inscrit dans un cadre national a débuté la semaine dernière par une manifestation devant le Crous, rue du Hamel. Le 8 novembre dernier, l’immolation d’un jeune homme, à Lyon, alertait déjà sur la précarité des conditions de vie de nombreux jeunes. Les manifestants mobilisés réclament, entre autres, l’augmentation du montant des bourses, la fin des suppressions des postes dans les Crous ainsi que l’augmentation du salaire des enseignants et la réquisition des bâtiments vides de la métropole pour loger les étudiants dans le besoin.

Hier, une trentaine d’étudiants s’était réunie dès 5h30 pour investir les locaux de la faculté. Une fois arrivée sur le campus, la présidente de l’université, Hélène Velasco-Grassiet s’est entretenue avec les grévistes, avant de demander aux policiers présents sur place de s’en aller.

Un groupe d’étudiants en Histoire appelant à continuer la mobilisation dans le RU de Forum à Montaigne (AC/ Rue 89 Bordeaux)

« Malchanceux »

Au Crous de Forum, Rémy, étudiant en Histoire, est venu profiter d’un repas, servi gratuitement suite au blocage des caisses du restaurant. A 22 ans, il vit avec sa mère, aide-soignante, et reprend ses études après 2 ans d’arrêt pour mettre de l’argent de côté :

« Pour financer mes études, je travaille encore une vingtaine d’heures par mois. Je suis livreur à vélo et ça me fait perdre beaucoup de temps pour les révisions. Quand tu rentres après 4 heures de livraison, c’est vraiment galère de remettre le nez dans les cours. »

Comme Mathieu, 19 ans et lui aussi étudiant en Histoire, il est toujours en attente de sa notification de bourse. Un phénomène courant, favorisé par la réduction croissante des effectifs et le gel des embauches au sein du Crous.

« On nous a simplement dit qu’on faisait parti des malchanceux, que notre demande serait traitée d’ici quelques semaines mais que l’on obtiendrait une réponse, explique-t-il. Il y a 20% des étudiants en dessous du seuil de pauvreté aujourd’hui, alors pas étonnant que nombre d’entre nous connaissent un mal-être permanent. »

La liste des revendications des étudiants grévistes affichée sur le parvis de Montaigne (AC/Rue 89 Bordeaux)

« Dommage d’en arriver là »

Après le blocage des caisses, les salariés du Crous reçoivent la consigne d’arrêter de servir les repas. En tout, 300 plats auront été servis gratuitement. Le cortège des manifestants se dirigent alors vers le Sirtaki, un autre restaurant universitaire du campus, pour réitérer leur opération, en laissant malgré tout aux étudiants désireux de payer la possibilité de le faire.

Le long de la ligne de tram qui borde la faculté, Armira, étudiante en 1ère année de licence de lettres, et Justine, qui loge dans une résidence étudiante se confient sur les raisons de leur présence parmi les grévistes.

« L’an passé, je me suis trompée d’orientation, raconte la première. J’étais étudiante en Histoire de l’art et j’ai été absente aux examens du 1er semestre, avant de rectifier le tir en milieu d’année. Aujourd’hui le Crous me réclame 4500 euros, l’équivalent de la totalité du montant annuel (10×450 euros par mois) auquel j’ai eu accès. J’étais présente en cours, j’ai loupé mes examens mais aujourd’hui on me demande une somme totalement au-dessus de mes moyens. »

Armina et Justine devant le Sirtaki où se déroule une opération RU gratuit (AC/ Rue 89 Bordeaux)

Justine, évoque elle, la situation d’Anas.K, l’étudiant qui se trouve aujourd’hui dans un état critique, le corps calciné à plus de 90%.

« Ce n’est pas normal que l’on retire les aides de ceux qui ont en besoin et ne peuvent pas vivre sans. C’est dommage qu’il faille en arriver là, que quelqu’un se fasse autant de mal, pour qu’enfin, nos revendications soient écoutées, sans pour autant être entendues. »

Victoire ?

En fin d’après-midi, les services de sécurité de l’université reprenaient partiellement le contrôle de l’intérieur des bâtiments estudiantins. Le blocage de la faculté se poursuit malgré tout aujourd’hui. Il pourrait également s’étendre à la fac de la Victoire, où une grande assemblée générale est convoquée mercredi prochain à 12h30 à l’appel de la FSE.

« Notre objectif est de créer un rapport de force sans forcément aller au blocage, détaille Fleur qui est membre de la FSE. C’est vrai qu’il n’y a que 300 étudiants à bloquer les locaux sur les 16 000 que compte l’université. A Bordeaux Montaigne la décision du blocage était évidente, c’est une fac progressiste. En revanche, bloquer la Victoire cela serait plus fort symboliquement mais également bien plus risqué. L’objectif de mercredi, c’est aussi d’organiser la mobilisation du 5 décembre où il y aura une réelle convergence avec les syndicats du monde du travail et avec les Gilets jaunes. »

En 2018, les premiers instants de l’occupation de l’amphi Gintrac, dans le cadre de la protestation nationale contre la loi ORE, instaurant une sélection à l’université, avaient donné lieu à  une intervention policière afin d’évacuer les locaux. Une issue que manifestants et personnels universitaires disent aujourd’hui vouloir éviter.

 


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