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La Cimade rebaptise des rues bordelaises de noms d’étrangers qui ont fait la France

L’association de solidarité et de soutien aux migrants et aux réfugiés, qui fête ses 80 ans, a récemment rendu hommage à des personnalités de l’Histoire et de la culture françaises. En se demandant si Rachid Taha, Marie Curie ou Chagall auraient pu s’installer dans notre pays avec les lois régissant actuellement l’accueil des étrangers…

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La Cimade rebaptise des rues bordelaises de noms d’étrangers qui ont fait la France

Né à Rome de mère russe et de père inconnu, Wilhelm Włodzimierz Apolinary Kostrowicki, alias Guillaume Apollinaire, aurait-il obtenu la nationalité française si le pays, engagé dans la Première Guerre Mondiale, n’avait pas eu besoin d’hommes aptes à tenir un fusil ?

Si Maria Salomea Skłodowska voulait aujourd’hui rejoindre en France l’homme qu’elle aime, Pierre Curie, pourrait-elle attendre deux ans avant d’obtenir un visa, puis supporter l’enquête et la visite de son logement afin de vérifier que son mari et elle partagent bien la même penderie et le même verre à brosse à dent ?

Pas de doute pour la Cimade : le poète précurseur du surréalisme et la seule femme à voir obtenu deux prix Nobel (physique et chimie), « venus d’ailleurs, y seraient resté » si les conditions actuelles d’accueil sur le territoire français avaient à l’époque été en vigueur. « Et nous serions aujourd’hui bien mal soignés », ou moins cultivés.

Pour dénoncer ces mesures toujours plus restrictives, illustrée par le récent projet de loi sur l’immigration, l’association a mené vendredi dernier une action symbolique à Bordeaux et dans plusieurs grandes villes.

Hommage aux Chibanis et à Mechti

Suivie par une vingtaine de participants, l’opération a rebaptisé 10 rues du quartier Saint-Michel, le plus cosmopolite de la ville, des noms de personnalités ou de collectifs ayant marqué l’histoire de France, dont le groupe Manouchian (résistants d’origines étrangères, fusillés par les nazis).

Les militants de la Cimade rebaptisent les rues adjacentes à la place Saint-Michel, ici du nom de Marie Curie (SB/Rue89 Bordeaux)

Les militants de la Cimade s’arrêtent notamment rue Permentade, renommée rue des Chibanis et Chibanias (en arabe : vieux, vieillard, anciens), en hommage aux travailleurs du Maghreb venus en France durant les Trente Glorieuses (1945-1975). L’autocollant en forme de plaque de rue est apposé sur le mur de la résidence intergénérationnelle Mohamed Mechti.  D‘origine marocaine, cet ancien combattant installé ensuite à Bordeaux s’est battu pour faire valoir l’égalité des droits à une pension entre soldats français et étrangers au sein de la même armée française.C

Comme les Chibanis à leur époque, observe la Cimade, « les travailleurs sans-papiers font tourner des secteurs entiers de l’économie, payent des cotisations sociales sans bénéficier des droits qui vont avec ». Plutôt que de fixer des quotas, le gouvernement devrait, selon l’ONG, régulariser ces travailleurs pour leur permettre de vivre dignement en France.

Cette « vision utilitariste de l’immigration » aurait barré la route à bien des talents :

« Venue en France sans autre raison que son admiration pour la langue et la littérature, Andrée Chédid, égyptienne d’origine libanaise, aurait aussitôt été classée comme migrante économique, et n’aurait pas obtenu de titre de séjour, car il n’en existe pas pour l’amour de la culture. »

La grande écrivaine, mère du chanteur Louis Chedid, et grand-mère de Matthieu, alias M, serait alors peut-être restée au Liban en 1946.


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