A Bordeaux, la manifestation contre le chômage et la précarité, organisée chaque premier week-end de décembre, a pris ce samedi une tonalité particulière en résonance avec la mobilisation sur les retraites. A l’appel de l’association Agir ensemble contre le chômage (AC) et de la CGT, plus d’un millier de manifestants battaient le pavé avant la journée de grève de mardi.
Devant la fontaine de la place de la Bourse, les gilets jaunes qui célèbrent leur 56e semaine de mobilisation se mêlent au cortège, confirmant leur rapprochement avec les organisations syndicales et leur volonté de convergence des luttes.
Pour Joëlle Moreau, porte-parole d’AC au niveau national, les réformes des retraites et de l’assurance chômage, les 2 chantiers sociaux du quinquennat, sont intimement liées :
« Désormais, pour percevoir une allocation, il faudra avoir travaillé six mois sur une période de vingt-quatre mois et non plus quatre mois sur vingt-huit. Ce sont donc les contrats précaires qui auront des difficultés à rentrer dans le nouveau système d’indemnisation. Aujourd’hui, les bénéficiaires des minimas sociaux ne cotisent pas au régime général. Avec la réforme des retraites que prépare le gouvernement, les emplois précaires d’aujourd’hui se convertiront donc en retraite dérisoire demain. »
Au sein du cortège qui s’élance le long des quais, Mohammed, intérimaire, s’interroge sur les répercussions concrètes qu’auront ces réformes sur les indemnités qui lui seront reversées. Désormais, les salariés devront avoir travaillé au moins 910 heures pour prétendre accéder à l’allocation contre 610 auparavant.
Les retraites dans toutes les têtes
Un peu plus loin, Dominique, une institutrice à la retraite de 63 ans s’inquiète des modalités de mise en œuvre de la réforme des retraites pour les fonctionnaires et plus particulièrement, les femmes :
« Si le gouvernement s’en tient à ses plans de déterminer la valeur du point sur le salaire moyen de la carrière et non sur les dernières années d’activité (les 25 meilleures années dans le privé, et les six derniers mois pour la fonction publique où les salaires sont souvent plus bas et progressent faiblement), les profs paieront les pots cassés de la réforme. Ils pourraient perdre de 300 à 900 euros par mois, particulièrement les femmes car les congés parentaux et les périodes de travail à temps partiel fournissent peu de points. »
Après avoir arpenté le cours Victor-Hugo, puis le cours Pasteur, le cortège s’est scindé en deux une fois arrivé place de la Victoire devant l’Université occupée. Le parcours déposé en préfecture, à l’initiative d’AC faisait en effet débat entre les différentes organisations. La majorité d’entre elles voulaient s’engouffrer dans la rue Sainte-Catherine tandis que la FSU et AC se dirigeaient vers le quartier Saint-Michel, désigné comme point final de la manifestation déclarée, pour éviter toute confrontation avec les forces de l’ordre chargées de verrouiller l’hyper-centre pour protéger les commerces alentours.
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Le fantôme de 1995 hante les esprits
En grève depuis le 5 décembre, Franck, éducateur dans un lycée professionnel à Libourne, déduit chaque jour une centaine d’euros de son salaire pour continuer à se mobiliser. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il faisait parti du cortège de manifestants qui ont investi le rond-point de Decathlon à Cestas, route de Saucats afin de bloquer l’entrepôt Carrefour situé à proximité.
« Si l’on veut que la réforme soit retirée comme en 1995 il faut paralyser l’économie et faire grève le plus longtemps possible. On tiendra aussi longtemps qu’il le faudra, on n’a pas le choix, explique-t-il. »
Les Assemblées Générales du mouvement seront reconduites en début de semaine pour décider des suites de la mobilisation. Avant la manifestation interprofessionnelle du 10 décembre, les cheminots bordelais se donnent rendez-vous dès 5 heures du matin, lundi, pour inaugurer un piquet de grève rue Charles Domercq.
A la centrale nucléaire du Blayais, la CGT appellera à des baisses de production électrique alimentant l’Aquitaine.
« L’ensemble des secteurs soutient l’impulsion d’une reconduction » confie Stéphane Odé, le secrétaire général de l’Union Départementale CGT Gironde.
Mercredi, le Premier ministre, Edouard Philippe, annoncera le contenu précis de la réforme des retraites qui repose sur les préconisations du rapport Delevoye. Une allocution dont la tonalité dépendra de l’ampleur du rapport de force qui sera instauré par les syndicats à l’aube du second acte de la grève.
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