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A Bordeaux, une forte mobilisation « dépasse le cadre d’un combat corporatiste »

A l’appel de l’intersyndicale, plusieurs dizaines de milliers d’opposants à la réforme des retraites ont défilé, ce jeudi, dans les rues de Bordeaux. Une mobilisation d’ampleur, similaire à celle du 17 décembre malgré l’absence des syndicats réformistes, qui espèrent trouver un accord sur l’âge pivot avec le gouvernement avant l’examen du texte à l’Assemblée en février.

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A Bordeaux, une forte mobilisation « dépasse le cadre d’un combat corporatiste »

A Bordeaux, les journées de mobilisations sociales sont souvent promises aux mêmes rituels. Ce jeudi 9 janvier, la circulation s’interrompt aux abords des carrefours stratégiques, le tram s’arrête et les opposants à la réforme des retraites convergent en petits groupes vers la place de la République. A 11h30, ils se retrouvent pour la quatrième fois, à l’appel de l’intersyndicale CGT-FO-Solidaires-CFE-CGC-FSU.

Après 36 jours de mobilisation et déjà trois journées d’actions interprofessionnelles – les 5, 10 et 17 décembre –, le cortège bordelais n’a pas perdu de sa combativité. Ils étaient 70 000 selon les syndicats, 10 000 selon la préfecture.

Si tous les corps de métiers sont identifiables, tous affirment se battre non pas pour préserver leur régime, mais bien pour que les droits à la retraite de chacun soient reconnus.

Les professions libérales mobilisées

Devant le palais de justice qui fait face à la place de la République, Ophélie Berrier, avocate, vient de jeter sa robe noire par terre pour exprimer son opposition au projet. Elle est en grève, conformément à ce qu’a décidé l’assemblée générale extraordinaire des avocats cette semaine. Les audiences sont suspendues jusqu’à dimanche. Un acte qu’elle estime nécessaire même s’il représente un sacrifice :

« Ne pas plaider un contentieux liberté, c’est contre-nature pour notre profession. »

Elle s’explique :

« La réforme entraine un nivellement par le bas des retraites pour tous. C’est le cas pour les avocats qui bénéficient d’un régime spécial, mais également de l’ensemble des professions libérales dont la réforme ne prend pas en compte les spécificités. Alors aujourd’hui, on se bat pour nos droits, mais aussi pour l’ensemble des professions qui méritent un régime plus équitable. Une manifestation de l’ampleur de celle d’aujourd’hui montre que l’on dépasse le cadre d’un combat corporatiste. »

Ophélie Berrier devant le tribunal de Bordeaux (AC/Rue 89 Bordeaux)

Très vite, le cortège s’élance. A sa tête, une délégation unitaire composée d’étudiants, de militants écologistes, mais aussi de cheminots. Les gilets jaunes ne sont pas loin. Depuis décembre dernier, ils ont élaboré un projet de contre-réforme pour une revalorisation à la hausse des retraites.

L’idée : une réforme des retraites solidaire pilotée par une commission d’experts issus de la société civile. Celle-ci serait proposée par un référendum d’initiative citoyenne, puis suivie par un comité de surveillance représentatif de toutes les corporations de cotisants, résume Pierre-Jean, un auto-entrepreneur au gilet fluo.

Il constate un décalage entre les syndicats et leurs bases. Comme beaucoup aujourd’hui, il ne porte que peu d’intérêt aux négociations compliquées entre Laurent Berger et le gouvernement autour de l’âge pivot :

« On ne recherche pas le retrait de l’âge pivot, mais le retrait pur et simple du projet dans son intégralité. Dans la rue aujourd’hui, certains syndiqués à la CFDT sont eux-aussi mobilisés, même s’il n’y a eu d’appel à la mobilisation de la part de la centrale. Les syndicats sont aujourd’hui dépassés par les bases militantes. »

Des Gilets jaunes dans la manifestation (AC/Rue 89 Bordeaux)

Les blocages continuent

Dès 5h30 ce matin, des manifestants ont bloqué le dépôt de bus TBM de Bordeaux Lac. Une coupure d’électricité revendiquée par la CGT Energies 33 a également touché la gare Saint-Jean. Bastien Leymergie, secrétaire-général adjoint du syndicat, précise :

« On espère que le gouvernement va réviser sa position, mais tant que ça ne sera pas le cas, nos actions peuvent aller jusqu’au black-out. Il n’y a aucune limite. Couper l’électricité à la gare, comme nous l’avons fait aujourd’hui, ce n’est pas une décision facile à prendre, ni quelque chose qu’on aime. Mais on continuera car on ne veut aucun compromis. »

Dans la foule, Laurent Delage, qui travaille à l’usine de la monnaie de Pessac, exprime ses doutes autour des concertations entre les partenaires sociaux et la majorité : « Je ne crois plus au dialogue social. »

Alors qu’une réunion était organisée par les secrétaires d’État Olivier Dussopt et Laurent Pietraszewski, pour discuter de la pénibilité dans la fonction publique, la CGT, la CFE-CGC et la FSU ont préféré mettre fin aux échanges hier.

« Pour nous endormir, le gouvernement essaie aujourd’hui d’ouvrir des discussions sur la pénibilité sur le même schéma qu’en 2003 mais nous ne sommes pas dupes, explique l’élu du personnel syndiqué à la CGT. Aujourd’hui, à l’usine, personne, ou presque, n’est plus en carrière pénible. Cela n’a pas empêché la contamination à l’amiante de l’un de nos collègues, décédé ces dernières années. »

Laurent Delage sur la place de la République (AC/Rue 89 Bordeaux)

La rue et le gouvernement accélèrent

Les derniers éléments du cortège étaient encore sur la place de la République à midi quand sa tête atteignait déjà la rue du Château-d’eau, devant la cité administrative, soit plus de 600 mètres de long. Après un passage le long des quais, puis par le cours Victor-Hugo où certains manifestants se sont détachés vers la rue Sainte-Catherine pour faire face aux policiers, le cortège rejoignait son point de départ autour de 15h.

A peine de retour place de la République, les cheminots accompagnés par les électriciens et les volontaires se lancent dans une manifestation sauvage en direction de la gare où les attendaient les forces de l’ordre. L’interpellations de deux militants Cgtistes, Energie et Docker, ont provoqué plus tard un rassemblement devant l’hôtel de police, avant que CGT Energie ne coupe l’électricité du quartier vers 20h (coupure toujours pas rétablie à l’heure où nous écrivons ces lignes).

Une nouvelle mobilisation interprofessionnelle est déjà prévue samedi à Bordeaux. De son côté, le gouvernement, jusqu’ici évasif, accélère le calendrier. Il souhaite un examen rapide du texte à l’Assemblée à partir du 17 février. Les discussions dans l’hémicycle devraient durer deux semaines.

« Une telle procédure ne prévoit qu’une seule lecture par la Chambre. Le texte n’effectuera donc pas la navette parlementaire prévue à l’accoutumée, résume Marie Reix, une avocate mobilisée. C’est un moyen de restreindre la possibilité de rajouter des amendements au texte, pour faire adopter le texte en vitesse aux dépens d’un véritable débat au parlement. C’est affligeant pour un projet tant controversé. »


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