Le jour n’est pas encore levé à 6h ce mardi matin dans la zone industrielle de la Souys-Emile Combes, à Floirac, quand un convoi de plusieurs véhicules slalome entre les poids lourds. Après avoir longé les grillages d’un immense champ de béton, les voitures de tête s’arrêtent devant un entrepôt délavé.
A partir de ce moment, plus une bobine de fil ne sortira de la journée de la plateforme logistique d’approvisionnement et de logistique Serval. Le seul site à fournir du matériel aux professionnels de l’électricité et du gaz d’Enedis et de GRDF en Nouvelle-Aquitaine est bloqué par les « énergéticiens » opposés à la réforme des retraites.
Une grosse centaine de grévistes est venue soutenir l’opération. Parmi eux, des professionnels de l’énergie mais aussi des enseignants et des cheminots. Le chanteur HK est aussi venu apporter son soutien.
Coup de foudre à Floirac
Depuis le 5 décembre 2019, c’est la quatrième plateforme d’approvisionnement sur les onze du pays à se retrouver bloquée. Ce lundi, le site de Toulouse connaissait lui aussi le même sort. Les sites de Ploërmel, dans le Morbihan, et de Gennevilliers, en Ile-de-France sont également concernés. Dès lors, le site d’approvisionnement le plus proche épargné par la grève se situe à Riom, dans le Puy de Dôme, soit à près de 450 kilomètres de Bordeaux.
Après avoir revendiqué sept coupures de courant depuis le début du mouvement social, les énergéticiens girondins changent de méthode. C’est la première fois qu’ils mettent en place une action de blocage reconductible de l’activité économique. Une prochaine assemblée générale interprofessionnelle décidera des suites de l’opération.
Installés devant la grille de la plateforme, les opposants bloquent l’accès aux camions chargés de transporter le matériel aux chantiers de la région.
« Les entreprises et les sous-traitants devraient pouvoir tenir 2 à 3 jours sans approvisionnement en matériel électrique, affirme Christian Garcia, le secrétaire général de la CGT Energie en Gironde. Ensuite, lorsque les stocks seront épuisés, il y aura des tentatives de réquisition. Le blocage aura ainsi des effets sur les travaux programmés aux alentours des plateformes paralysées. »
Un moyen de toucher directement « le capital des entreprises » estime-t-il.
La CGT Energie 33 revendique également les coupures en gaz d’Ikea, du palais des Congrès, du Casino, de l’hôtel Mercure, de la tour Gan, de la Caisse des dépôts, de Carsat et de la Foire internationale de Bordeaux ce matin à 8h.
Des coupures en gaz dans la métropole
Dans la nuit, les énergéticiens annonçaient déjà avoir paralysé l’approvisionnement en gaz de la zone industrielle Bordeaux Nord, et le dépôt de bus TBM de Bastide. Un mode opératoire qui n’est pas sans incidence, explique Bastien Leymergie, le secrétaire adjoint du syndicat :
« Les coupures en gaz ont un impact plus important que les coupures d’électricité sur le blocage des zones commerciales industrielles. Pour réapprovisionner un bâtiment en gaz, il faut vider les vannes, les rouvrir, puis vérifier qu’il n’y a pas de fuite avant de pouvoir réapprovisionner la structure. La paralysie de l’activité économique est ainsi plus conséquente. »
Pour le moment, le site n’est pas à l’arrêt et la direction de la plateforme joue aujourd’hui l’apaisement.
« On laisse l’accès aux salariés d’Enedis qui souhaitent travailler. C’est simplement l’approvisionnement des prestataires qui sera bloqué », précise le porte-parole de la CGT énergie 33.
Il y a trois ans, pour s’opposer à un plan de suppression de plus de 5000 emplois chez EDF, 15 000 chez Engie et 2000 sur la distribution, les énergéticiens avaient déjà monté un blocage similaire devant les locaux de la plateforme. Ils avaient tenu sept jours avant de céder aux demandes de la direction de laisser filtrer un camion d’approvisionnement.
« Lors des précédentes coupures, Enedis a porté plainte contre X et contre la CGT lorsqu’elles étaient revendiquées par le syndicat. Mais ces procédures ne nous atteignent pas, la peur a changé de camp », affirme Bastien Leymergie.
Contacté, Enedis n’a à l’heure où nous publions pas donné suite à notre demande d’entretien.
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