Les émissions de gaz à effet de serre de Bordeaux Métropole ont augmenté de 4% entre 2007 et 2016, selon le dernier bilan carbone disponible. Un résultat très décevant : le Plan climat que s’était donné la métropole bordelaise visait une baisse de 20 à 25% entre 2010 et 2020, afin de contribuer à ne pas dépasser les 1,5° de réchauffement planétaire.
Cet objectif ne sera pas atteint. La collectivité justifie cette hausse des émissions par la croissance démographique (de 10% sur cette période), qui a totalement annihilé la très légère baisse des émissions par habitant (4,41 tonnes équivalent CO2 par an).
Mais ces chiffres contenus dans le rapport de développement durable, présenté ce vendredi en conseil de métropole, ont poussé Pierre Hurmic à dénoncer les « échecs flagrants » de la politique conduite.
Les émissions de l’aérien s’envolent
Le conseiller métropolitain écologiste, et candidat à la mairie de Bordeaux, pointe notamment le boom de 80% des émissions du trafic aérien qui représentent désormais 28% des émissions totales liées aux déplacements – l’élu Gérard Chausset demande d’ailleurs que la métropole soit plus ferme envers la direction de l’aéroport de Bordeaux-Mérignac pour limiter le trafic.
Autre hic pour Hurmic : la hausse de 5,2% (entre 2010 et 2018) des consommations d’énergie – même si la part des énergies renouvelables dans celles-ci ont bondi de 40%, représentant désormais 14,2% de la consommation totale de la métropole, et si la consommation par habitant baisse de 5%, effort là aussi plombé par l’augmentation de la population.
L’avocat met aussi en cause les politiques déchets, dont les quantités n’ont diminué que de 2,95% au lieu des 10% prévus, et alors qu’après une expérimentation inaboutie, l’application de la tarification incitative (paiement de l’enlèvement des ordures au poids) est repoussée aux calendes grecques. Peut-être pour cela que Pierre Hurmic cite le philosophe latin Sénèque : « Ce nest pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles. »
Il dérape en revanche légèrement sur vélo, dont la politique de la ville est selon lui égratignée par la rétrogradation au baromètre des villes cyclables – Anne Walryck, vice-présidente en charge du développement durable lui fera plus tard remarquer que « la pratique du vélo a progressé de 58% depuis le début de la mandature » et « qu’il ne faut pas raconter n’importe quoi ».
« Des expériences locales prouvent qu’on peut améliorer la situation, poursuit Pierre Hurmic : les familles à énergie positive ont baissé leur consommations de 12%, les familles zéro déchet ont réduit leur production de 19%. Ce sont des échantillons limités, sans effet global, mais les techniques existent, il faut passer à leur généralisation. Adapter nos comportements n’est pas une chimère ni une punition. »
Progrès ou résistance
Car c’est cette étiquette d’écologiste « punitif » que tentent de lui accoler les élus de la majorité métropolitaine, à commencer par le maire de Bordeaux, Nicolas Florian :
« Nous sommes dans le souci de faire adhérer nos concitoyens à cette urgence climatique que tout le monde reconnaît. Je n’ai pas entendu de candidats prêt à installer des centrales à charbon ou rééquiper au diesel tous nos bus. (…) Bien sûr qu’il faut accélérer mais plutôt que de parler de taxe, de privation, de culpabilisation, je préfère parler de filière nouvelle, d’innovation technologique comme les réseaux de chaleur ou la filière hydrogène (…). L’écologie doit être un progrès, pas seulement une résistance, c’est ce qui différencie nos projets. »
A titre d’exemple, Jacques Mangon, le maire de Saint-Médard-en-Jalles qui préside Bordeaux Métropole Energies (BME), cite les unités de méthanisation créées par cette société d’économie mixte, avec l’ambition que 10% du gaz consommé sur la métropole soit du biogaz (produit à partir des déchets agricoles).
« Nous sommes à l’opposé des yakafaukon », estime Jacques Mangon.
Décroissant chaud
Fabien Robert, premier adjoint au maire de Bordeaux, considère pour sa part que Pierre Hurmic défend « une forme de décroissance » puisqu’il « dit que la croissance démographique est incompatible avec l’écologie ».
« Je ne me reconnaitrai jamais dans une politique visant à mettre un panneau complet à l’entrée de la ville », poursuit le vice-président de la métropole en charge de l’enseignement supérieur en reprenant une des expressions favorites d’Alain Juppé. « Vous pourriez souligner le courage politique nécessaire pour fermer le pont de pierre aux voitures, nos actions pour la rénovation énergétique… Nous pouvons considérer que notre politique est insuffisante mais nous ne devons pas en faire un marchepied électoral comme vous voulez le faire. »
Réponse du candidat au Palais Rohan quelques minutes plus tard :
« Je ne représente pas une espèce de décroissance que vous essayez de caricaturer. Je souhaite une évolution pour une ville moins carbonée, moins bitumée, plus équilibrée plus solidaire. L’écologie punitive, c’est vous car la timidité des petits pas imposera demain une écologie punitive à notre territoire et croyez moi je continuera à me battre pour éviter cela. »
Seul maire vert de la métropole pour l’heure, le béglais Clément Rossignol-Puech vient au soutien :
« Tous les outils sont là pour réussir nos objectifs de transition par contre nous devons être en capacité de les appliquer et les mettre en tête de nos arbitrages politiques ce que nous ne faisons pas pour l’instant. »
Le groupe écolo en veut pour preuve le projet « d’un autre temps » toujours défendu par Nicolas Florian et la droite métropolitaine : celui du grand contournement autoroutier de Bordeaux.
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