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Un demandeur d’asile trompé par une « attestation » de l’Ofpra et verbalisé dans le TGV

Convoqué pour sa demande d’asile à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides à Fontenay-sous-Bois, près de Paris, le rendez-vous d’Ali est retardé au point qu’il est obligé de rater son train retour pour Bordeaux. Un mot manuscrit au dos de la convocation par un officier de l’Ofpra le laisse croire qu’il peut prendre le train suivant. Le réfugié est verbalisé par le contrôleur de la SNCF.

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Un demandeur d’asile trompé par une « attestation » de l’Ofpra et verbalisé dans le TGV

Jeudi 5 mars. Ali est à 9h pétante à Fontenay-sous-Bois, au bureau de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Il est arrivé dans la région parisienne la veille pour ne pas rater ce rendez-vous. Sur la convocation, il avait lu : « Il est important de respecter l’horaire de votre convocation. » 9h.

Ce jeune ivoirien de 22 ans, qui avait réservé et payé son billet de retour pour Bordeaux, ne sera pas entendu à l’heure. L’entretien aura lieu en fin de matinée et lui fera rater son train. Muni d’un mot manuscrit de la main d’un officier de l’Ofpra en guise d’ « attestation », Ali prendre le suivant et sera verbalisé par un contrôleur. Sur le dos de sa convocation, on peut lire :

« Je soussigné officier de protection de l’Ofpra, avoir reçu M. Ali … ce jour et avoir terminé l’entretien à 13h36 ne lui permettant pas d’avoir son train de 13h15 en direction de Bordeaux pour lequel il avait réservé un billet. Merci de lui permettre de prendre un train plus tard aujourd’hui. »

Le mot manuscrit de l’officier de l’Ofpra.

Pas de nom, pas de tampon, cette demande qui permet à son porteur « de prendre un train plus tard aujourd’hui » n’avait aucune valeur. En France, nul besoin d’avoir une autorisation pour « prendre un train plus tard ».

Aujourd’hui, Ali se dit floué.

Pas de traducteur

Ali attendait depuis un moment cet entretien qui motivera sa demande d’asile déposée en France en novembre 2019. Le jeune ivoirien, qui a fui des menaces et des agressions dues à ses choix politiques dans son pays, maitrise la langue française. Il se sent prêt pour raconter son histoire, le temps qu’il faudra. Il a prévu large, son train de retour est à 13h15 ; un Ouigo au départ de la gare Montparnasse dont le billet a été acheté sur internet – impossible autrement – au meilleur prix dans cette période de vacances d’hiver.

Mais cette matinée ne se passe pas comme Ali l’avait imaginée. La salle d’attente est bondée. Des personnes vont être entendues avant lui. N’étant pas francophones, elles ont besoin d’un traducteur qui tarde à arriver. C’est à partir de là que ça se complique :

« On a perdu beaucoup de temps, rapporte Ali. J’ai expliqué que je parlais le français et que même sur la convocation, l’entretien était précisé en langue française, et que je n’ai pas besoin de traducteur. Mais les autres devaient passer avant, je ne sais pas pourquoi. »

Le temps passe et Ali s’impatiente. Il interpelle un employé et évoque son train de 13h15 à Montparnasse, il doit partir à 12h30 maximum, le trajet dure 40 minutes. On le rassure, on lui dit « c’est noté », on lui dit « dans quelques minutes »… jusqu’à ce que son nom soit appelé vers midi.

« J’avais un doute pour mon train, j’ai alors demandé à la personne qui m’a reçu ce qu’on pouvait faire. J’ai insisté. Elle a fini par me mettre un mot au dos de ma convocation. L’entretien a eu lieu et je me suis pressé pour aller la gare. »

Un geste commercial d’1€

Trop tard ! Arrivé à Vaugirard bien après 14h, son train Ouigo est déjà parti.

« Je me renseigne pour le suivant, il est à 19h44 et le dispositif de contrôle des billets ne m’a pas laissé passer malgré ma convocation et l’explication donnée par l’officier de l’Ofpra au dos. »

Il faut donc racheter un autre billet, mais impossible sans avoir un accès à internet. En effet, « l’offre OUIGO est une offre en ligne, aucun billet ne peut être délivré en gare et guichets » précise un employé de la SNCF. Ali choisit alors de monter dans un TGV car l’accès au train est plus simple.

Une fois sur les rails pour Bordeaux, Ali croit être soulagé jusqu’à ce qu’un contrôleur arrive.

« Il m’a dit que j’étais en infraction. Je lui ai montré ma convocation et le mot manuscrit, il n’a rien voulu savoir. Il m’a menacé d’appeler la police. »

Ali est finalement contraint de payer l’amende à 111€, sur le champ. Avec un geste commercial d’1€, il paye 110€ en espèces. Une grande partie de sa fortune. Ali insiste une dernière fois, le contrôleur l’invite à faire une réclamation.

Un geste commercial d’1€.

Aucune valeur

Pour les services de la Sncf, contactés par Rue89 Bordeaux, un seul mot d’ordre : « Celui qui ne paye pas son billet dans un train est dans l’illégalité ». Le mot manuscrit n’a aucune valeur légale. Retour à l’envoyeur.

Sollicités également par Rue89 Bordeaux, les services de l’Ofpra n’ont toujours pas répondu à nos questions envoyées par courriel.


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