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Comment les cliniques privées sont impliquées contre le Covid-19

Les cliniques privées sont-elles en retrait dans la lutte menée contre le coronavirus ? Cette question revient souvent, et pourtant, depuis le début de la pandémie, le secteur privé de la santé est bien intégré dans le dispositif de l’ARS Nouvelle-Aquitaine, comme à chaque « plan blanc ».

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Comme à l’occasion des grandes manifestations sportives – championnats d’Europe ou coupe du monde –, les établissements de santé publics et privés de Bordeaux étaient sollicités pour le sommet Afrique-France 2020 qui devait se tenir à Bordeaux du 4 au 6 juin 2020. Pourquoi ? Faire face à un éventuel attentat, catastrophe, ou autre accident de grande ampleur. C’est ce qu’on appelle un « plan blanc ».

Avec la propagation de la pandémie du Covid-19, il a été déclenché par le Premier ministre le vendredi 6 mars dans les hôpitaux des régions les plus touchées (Grand-Est et Ile-de-France), et a été élargi à toute la France le 13 mars. A Bordeaux, du fait de la tenue du sommet qui a été finalement annulé, les établissements de santé étaient déjà prêts.

« Le bon patient dans le bon établissement »

Dans la région, c’est Olivier Serre qui a pris la main. Le directeur des Territoires, chargé de la coordination des 12 délégations de l’Agence régionale de santé (ARS) Nouvelle-Aquitaine explique :

« Le 19 mars, j’ai réuni autour du CHU de Bordeaux, tous les directeurs d’établissements de santé privés de la métropole et du département pour mettre en place une méthode travail. Depuis ce jour, on tient une audio-conférence que j’anime pour travailler ensemble sur les admissions. On définit ce que le CHU doit gérer en soins intensifs et soins continus, pour savoir dans quel établissement les patients ont vocation a être admis. On n’a pas attendu la saturation. On a aussitôt travaillé avec toutes les cliniques de la métropole. »

Les seuls établissement préservés ont été l’Institut Bergonié et la clinique Tivoli, « pour leur permettre de s’occuper de leurs patients souvent dans une situation qui ne peut pas permettre l’interruption de soins ». Pour les autres, une demande a été faite de s’équiper et de s’organiser pour pouvoir répondre à la demande, « en ayant bien sûr les ressources humaines nécessaires ».

« Personne n’a été mis à l’écart et personne n’a été autorisé à le faire, ajoute Olivier Serre. Nous avons appliqué une logique simple : le bon patient dans le bon établissement. »

Cette logique a fait ses preuves et n’a abouti à aucun transfert de patients entre les établissements. Les directeurs conservant la décision de l’admission, l’anticipation semble avoir bien fonctionné.

30% des patients en clinique

Ainsi, 70% des patients ont été accueillis au Centre hospitalier universitaire de Bordeaux (CHU) et 30% dans les autres établissements de la métropole. Les derniers chiffres de l’ARS recensent 248 cas hospitalisés en Gironde dont 64 en réanimation.

Source : Santé publique France

Pour Philippe Cruette, directeur de la polyclinique Bordeaux-Nord, si « les cliniques se sont rapidement mobilisées, c’est parce qu’elles font partie intégrante du service public » :

« Dans l’inconscient collectif, le privé n’est pas présent dans la lutte contre le Covid-19, alors que c’est faux. Dès le vendredi 13 mars, on a étudié la situation et le lendemain, on a mis en place le poste médical avancé. »

En plus des préparatifs pour le sommet Afrique-France, « Bordeaux-Nord étant en première ligne par rapport au Palais des congrès », le secteur a bénéficié d’une semaine d’avance sur l’Île-de-France et le Grand-Est face à la progression de l’épidémie, et « ça change tout » pour le directeur.

« Nous avons pu établir des circuits pour que les patients Covid soient pris en charge sans croiser les autres patients, sachant qu’une partie de notre activité a continué à tourner : la cancérologie, la dialyse, la maternité, l’urgence et la réanimation hors Covid. Dès le mardi 16, on a commencé à accueillir des patients atteints du virus. »

Philippe Cruette, directeur de la polyclinique Bordeaux-Nord (DR)

Deuxième ligne

A la clinique Saint-Augustin, le service Covid a également été pensé pour être à l’écart des circulations habituelles des patients. C’est d’autant plus nécessaire que cet établissement est le seul en Gironde, avec le CHU de Bordeaux, à avoir un service de chirurgie cardiaque, « à préserver de tout contact » précise Bertrand Mignot, directeur de la clinique.

« On avait un secteur réanimation qui était prêt, et tant que les capacités de réanimation n’étaient pas saturées ailleurs, on restait en deuxième ligne. Il y a aussi d’autres facteurs : l’épuisement des équipes ou la pénurie du matériel nécessaire. »

Faisant partie du groupe Elsan, propriétaire de plusieurs cliniques en France, notamment dans les régions rapidement touchées, les informations ont été naturellement partagées.

« Nous avons eu des retours de la clinique Claude-Bernard à Metz qui a pris la vague de plein fouet. Par ailleurs, nous avons envoyé nos soignants sur les sites du Grand-Est et de l’Île-de-France, ce qui leur a permis d’acquérir un savoir-faire. Ils sont revenus en ayant vu. »

Tout comme la clinique Bordeaux-Nord, Saint-Augustin a été la deuxième clinique privée à accueillir trois patients originaires d’Île-de-France de l’opération « trains de la solidarité » le 10 avril (opération avec 24 patients au total à Bordeaux, dont 12 au CHU, 5 à l’hôpital des armées Robert-Piqué, 4 à Bordeaux Nord – ayant déjà 3 patients de Mulhouse).

Activité ralentie

« C’est la belle réussite de cette épidémie s’il faut en trouver une, ajoute Bertrand Mignot. On a jusqu’à maintenant travaillé côte à côte et là on s’est mis à travailler ensemble. Le CHU et Bordeaux-Nord sont montés vite en première ligne, mais on savait qu’il y avait aussi d’autres établissements qui étaient prêts. »

Comme il leur a été demandé, les établissements ont ainsi procédé à la déprogrammation des opérations et des hospitalisations prévues et non-urgentes. Pour Saint-Augustin, « 70% des interventions ont été déprogrammées » précise Bertrand Mignot, ce qui représente une perte de 70% de chiffre d’affaires.

« Pour le public comme pour le privé, on a une avance de trésorerie plus ou moins garantie par les pouvoirs publics qui couvre 85% du chiffre d’affaires basé sur ce qui a été déclaré l’année dernière à la sécurité sociale. Cela nous permet de payer nos charges et nos salariés », ajoute le directeur.

Bertrand Mignot, directeur de la clinique Saint-Augustin (WS/Rue89 Bordeaux)

A Bordeaux-Nord, la baisse d’activité est de 50%, de même pour le chiffre d’affaires (70% au niveau du groupe PBNA qui possède également les cliniques Caudéran, Bel-Air, Rive-droite, Thiers et Arcachon).

Quand au médecins libéraux, mobilisés dans les services Covid, ils bénéficient immédiatement d’indemnités journalières comme pour une interruption d’activité professionnelle (112€). Selon une source concernée, « des négociations sont en cours pour compléter ce dispositif » et augmenter ainsi l’indemnité.

Personnel motivé

Pour renforcer son service réanimation, Bordeaux-Nord, en charge de 99 patients Covid (hospitalisation et réanimation), a du recruter 60 personnes.

« 1250 personnes travaillent à Bordeaux-Nord, détaille son directeur. 850 salariés, 200 médecins libéraux et 250 personnes d’entreprises externes. 95% de notre personnel participent à la mobilisation, les 5% restant l’ont décliné pour des cas de force majeure comme le cas de parents célibataires avec enfants. On a géré ces 5% en recrutant et aussi parce qu’on a doublé notre capacité d’accueil Covid, de 15 lits à 29 lits.. »

A Saint-Augustin, « beaucoup [parmi le personnel] ont considéré que c’était leur métier » :

« Il y a des employés qui étaient à risque. On les a identifiés, on s’est organisé, et on a changé les plannings. Mais il faut se méfier des gens hyper motivés aussi. La pire crainte dans un établissement de santé, ce sont ceux qui jouent les supers héros. La priorité est de protéger d’abord les soignants. Si cette ligne cède on ne peut plus faire notre métier. »

Bertrand Mignot évoque cependant une « situation rare et exceptionnelle » où, outre « le travail accompli dans le cadre des plans blancs sur des hypothèses, là c’est pour du vrai ».

L’après ?

« On se pose aujourd’hui la question de comment revenir à une activité, je ne dirais pas normale, mais qui pourrait répondre à la nécessité de prise en charge des patients déprogrammés » répond le directeur des territoires de l’ARS, Olivier Serre.

Effectivement, Philippe Cruette s’alarme :

« Ce qui était une urgence relative il y a quelques semaines, si elle se détériore, elle va devenir une urgence absolue. On va éviter que les urgences absolues deviennent des urgences cataclysmiques. On est en train de desserrer les programmations sur des problèmes vasculaires, digestifs, thoraciques, ou orthopédiques… Conformément à une note du ministère, on reprend contact avec nos patients. Il y en a qui ont tellement respecter le confinement qu’ils ont eu peur de venir. Nous avons par exemple vu une chute des infarctus déclarés. Certains sont restés chez eux et ont attendu que ça passe. »

Même gestion du timing à Saint-Augustin où Bertrand Mignot évoque également une leçon à tirer :

« Le risque d’une deuxième vague est quasi acquis et on sait qu’il faut rester sur cette méthode collaborative. Mais on va aussi tirer chacun des leçons sur notre façon de travailler, sur la gestion des stocks mais pas que. Nous avons eu des contacts avec des établissements avec qui on n’a jamais échangé jusqu’à maintenant. Il y a une solidarité qui s’est mise en place avec des échanges, sur les bonnes pratiques mais aussi sur les difficultés, ce qui est habituellement rare. L’idéal est que ça continue. »

Un dernier point sur lequel insiste également Olivier Serre qui salue « une véritable coopération [qui] a gommé tout esprit de concurrence ».


#Agence régionale de santé

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