Média local avec zéro milliardaire dedans

« Cette société risque d’être détruite au nom de la distanciation »

La pandémie de Covid-19 est « une des conséquences effroyables de la crise écologique » causée par notre système de capitalisme mondialisé, estime Barbara Stiegler, professeur de philosophie politique à l’Université Bordeaux Montaigne. Pour l’auteure de « Il faut s’adapter » (Gallimard, 2019) et de « Du cap aux grèves. Récit d’une mobilisation. 17 novembre 2018 – 17 mars 2020 » (Verdier, à paraître en septembre), le confinement et la gestion de la crise qui en découlent sont un laboratoire qui peut permettre au néolibéralisme de se renforcer. Ce modèle, à ne pas confondre avec l’ultralibéralisme, prône un État fort, s’appuyant sur des experts, et sommant les citoyens de « s’adapter » au capitalisme numérique et à un « monde d’après » qui pourrait être moins démocratique, prévient la spécialiste des questions de santé. Figure engagée dans le mouvement social, elle appelle à lutter pour changer de modèle. Entretien.

,
Édition abonnés
« Cette société risque d’être détruite au nom de la distanciation »

Rue89 Bordeaux : Dans des entretiens récents, dont l’un intitulé « la crise sanitaire est un pur produit du néolibéralisme », vous faites le lien entre les politiques menées depuis la fin des années 1970 dans de nombreux pays et l’épidémie de Covid-19. Pouvez-vous nous préciser pourquoi ?

Barbara Stiegler : D’abord, je tiens à préciser que je n’ai jamais déclaré que cette crise était un « pur produit du néolibéralisme ». La crise sanitaire a lieu un peu partout dans le monde et touche des pays qui ne sont pas néolibéraux. De plus, toute crise est toujours le résultat « impur » de plusieurs causes, et c’est évidemment le cas ici. En revanche, l’épidémie a bien été aggravée dans certains pays, et notamment en France, par la gestion néolibérale des politiques publiques, en vigueur depuis des décennies et accélérée dans tous les domaines par le pouvoir en place.

Pour bien le comprendre, il faut rappeler que le néolibéralisme émerge dans les années 1930 suite à la crise de 29, avec l’idée qu’il faudrait inventer de nouvelles politiques publiques pour éviter les effets du capitalisme débridé. Le néolibéralisme n’est pas un synonyme du capitalisme (qui est un mode de production) et il ne faut pas non le confondre avec l’ultra-libéralisme (qui est un autre mode de gouvernement, caractérisé par le laisser faire). Il se définit par un État fort qui, au lieu de « laisser faire », se transforme pour construire le marché et pour servir les intérêts d’un capitalisme mondialisé, grâce à la puissance du droit, des règles et des normes, mais aussi grâce à la redéfinition des politiques publiques.

Cet article fait partie de l’édition abonnés. | Déjà abonné ? Connectez-vous

Abonnez-vous maintenant pour poursuivre votre lecture

Abonnez-vous
Abonnez-vous maintenant pour suivre l’actualité locale.

Déjà abonné⋅e ?

Connectez-vous

#Santé

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options