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30/04/2024 date de fin
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Mobilisé, le personnel de l’hôpital de Bordeaux veut plus que de la charité

Relèvement de la « prime Covid » à 1500 euros pour tous, titularisation des emplois, matériel de protection pour tous les agents du CHU… Le personnels hospitaliers, les syndicats et soutiens se réuniront sur les ronds points des urgences de Pellegrin et de Haut-Lévêque ce mardi et jeudi. Ils défendront l’amélioration des conditions de travail, au cœur des discussions du « Ségur de la santé » qui vient de démarrer.

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Mobilisé, le personnel de l’hôpital de Bordeaux veut plus que de la charité

Après Sud Santé Sociaux, qui a lancé dès vendredi une grève illimitée, l’intersyndicale (FO, CGT, Coordination nationale infirmière) du CHU de Bordeaux a rejoint l’appel à cesser le travail ce mardi, et à une mobilisation sur le rond point de Pellegrin, puis ce jeudi à Haut-Lévêque).

Les syndicats proposent « un mouvement statique, pour respecter les mesures sanitaires, entre 12h et 15h », qui n’impactera ni les patients ni le fonctionnement des hôpitaux, afin d’alerter sur la situation des soignants.

Le personnel hospitalier réclame notamment le relèvement de 500 à 1500 euros de la « prime Covid » à l’ensemble des agents du CHU de Bordeaux. Si la Gironde ne fait pas partie des 40 départements les plus touchés par l’épidémie, le CHU a accueilli des malades du coronavirus et son directeur « peut relever » cette prime à 1500 euros « pour les services ou agents impliqués dans la prise en charge de patients contaminés (…) ou mobilisés par les circonstances exceptionnelles d’exercice ».

Prime ou déprime

A l’occasion du comité technique d’établissement de ce lundi 25 mai, la direction du CHU de Bordeaux a indiqué que cette prime serait finalement versée en juin ou en juillet, sans pour le moment annoncer qui pourrait en bénéficier. Selon le service communication du CHU, il est cependant acquis qu’une partie du personnel hospitalier n’y aura pas droit : « La distribuer aux 14 200 agents du CHU représenterait une dépense non réalisable ».

L’intersyndicale appelle pour sa part à « l’équité » entre toutes les professions.

« Un ambulancier, une ASH, les brancardiers ou les administratifs ont eux aussi été exposés aux risques du Covid et sont venus travailler. Si l’enveloppe est insuffisante, on ne veut pas d’arbitrage », expliquait à France 3 Nouvelle-Aquitaine Pascal Gaubert, de FO.

« Tout le personnel hospitalier a ressenti la pression psychologique de cette épidémie, j’ai eu peur de mourir, d’infecter ma famille », justifie Nicolas (les prénoms ont été modifiés), agent d’accueil de biologie centralisé.

Masques « inutiles »

« Quand j’ai compris que nous n’aurions pas de masques pendant l’épidémie, j’étais choquée, je ne dormais plus la nuit », abonde Camille, technicienne de Laboratoire.

Comme dans l’ensemble de la population française, la question des masques cristallise la gronde des soignants sur la gestion de la crise. Pendant plusieurs semaines après le début de l’épidémie, les agents des laboratoires, les 130 agents de la blanchisserie, les brancardiers, les secrétaires médicales, et d’autres services ne disposaient pas de masques, jugés « inutiles » par la direction pour les non-soignants.

« Nous devions manipuler des prélèvement de personnes infectées, sans masque » reprend Nicolas.

Franck, syndicaliste à Sud Santé Sociaux et ouvrier logistique au CHU de Pellegrin, dénonce des conditions de travail qui ne permettaient pas toujours la distanciation physique. À l’accueil de biologie centralisé de Pellegrin, ce sont plus d’une vingtaine d’agents qui travaillent dans des locaux de 20 m2.

« Les patients infectés étaient éparpillés dans tous les services de l’hôpital, nous étions dans le même bâtiment et croisions toutes la journée les mêmes personnes qu’eux, sans masques », pointe le syndicaliste.

Sur le rond-point devant Pellegrin (SB/Rue89 Bordeaux)

Cagnotte

Après avoir réclamé, à plusieurs reprises des protections, les services de Franck, Camille et Nicolas, entre-autres, ont finalement reçu leurs premiers masques, le 17 avril. Du matériel homologué par le CHU lui-même.

« Il s’agissait de rafistolage, ça tombait toute la journée, ce n’était pas aux normes » explique Nicolas.

Après de nouvelles réclamations des agents les services concernés reçoivent deux masques, homologués par l’ARS chaque jour, mais « tous périmés » affirme Franck.

Pour Julie, infirmière aux urgences de Saint-André, les masques étaient également rationnés – deux par journée de 8 heure -, avec des consignes variables d’un jour à l’autre.

De son côté, la direction du CHU de Bordeaux affirme que « la gestion des approvisionnements et des stocks toutes les semaines permet de ne pas être en pénurie ». Si le centre hospitalier assure n’avoir manqué de rien, il a pourtant pris la décision en mars d’ouvrir une cagnotte Leetchi pour permettre l’achat de 70 respirateurs grâce à des dons.

« Au bord du précipice »

La pression liée à l’épidémie a été intense pour tous les hôpitaux qui ont reçu des cas de Covid-19. Mais le mouvement de grève annoncé ce mardi ne réclame pas seulement la reconnaissance de cette période : il fait suite à de nombreuses mobilisations au sein de l’hôpital pour réclamer de meilleures conditions de travail.

« J’aimerais qu’on se saisisse de cette période de crise pour réaliser que l’hôpital public est au bord du précipice et agir avant qu’il ne soit trop tard » pointe Julie, l’infirmière de Saint-André. « Les problèmes que nous avons rencontré pendant la crise existait déjà avant, ils ont seulement été exacerbés. »

Selon elle, les urgences sont ainsi toujours en effectif minimum. Pendant la crise, les personnels malades n’étaient pas remplacées, affirme Julie.

« Sur les 38 personnes de mon service, 26 ont déclaré à la médecine préventive un burnout dans l’année » dénonce Nicolas. « Nous sommes chronométré pour nos 30 minutes de pause déjeuner, nous ne pouvons pas aller aux toilettes autant qu’on le souhaite, les pauses clopes sont réprimées… et surtout nos emploi sont précaires ».

En effet dans ce service, seulement 8 personnes sont titularisées. Or l’agent de l’accueil de biologie centralisé souligne qu’avec un CDD, louer un appartement ou prendre un crédit est presque impossible à Bordeaux. De quoi détourner des métiers de la santé nombre d’aspirants rebutés par les conditions de travail. Celles-ci sont au cœur des discussions qui ont démarré ce lundi à Paris avec le gouvernement, dans le cadre du « Ségur de la santé », et sur lequel la mobilisation des soignants entend bien peser.


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