10 sièges. Voilà ce qu’il reste de la droite bordelaise une fois la vague verte passée sur le Palais Rohan. Mais l’opposition à la majorité Bordeaux Respire au sein du conseil municipal ne se résume pas à la liste « Union pour Bordeaux ». L’alliance entre Nicolas Florian et Thomas Cazenave au second tour permet à ce dernier d’obtenir quatre places au sein du conseil municipal, et probablement la présidence de la commission des finances de la mairie, promise à l’opposition par le nouveau maire.
La majorité écologiste de Pierre Hurmic, élu officiellement ce vendredi maire de Bordeaux, est également débordée sur sa gauche par les trois élus de « Bordeaux en luttes ». Après vous avoir présenté trois des néo-élus de la majorité, focus sur trois nouveaux noms de l’opposition.
Evelyne Cervantes-Descubes (LFI), la lutte au cœur
À 57 ans, la lutte pour la mairie de Bordeaux n’était pas son premier combat. Evelyne Cervantes-Descubes, agente administrative chez TBM, est engagée depuis 15 ans à la CGT. Première femme secrétaire générale du Comité d’Entreprise dans un secteur très masculin, elle l’affirme en riant : « je peux me défendre ! » Mais c’est à Médecins du Monde et aux Restos du cœur que son engagement a pris racine, aux côtés des plus démunis.
Elle finit par claquer la porte du syndicat l’hiver dernier : Gilet jaune de la première heure, Evelyne Cervantes-Descubes estime que la CGT « passe à côté » de quelque chose en restant en retrait. De cette expérience en jaune dont elle assure avoir « loupé peu de samedi » lui reste surtout le souvenir d’une violence policière libérée :
« Un samedi, j’ai été gazée à bout portant alors que je marchais sans Gilet jaune à côté d’un ami non voyant, qui montrait bien sa canne pour ne pas être attaqué. »
La nouvelle élue n’est pas non plus à son coup d’essai avec les urnes. D’abord sous les couleurs du Front de Gauche puis de la France Insoumise, elle a été plusieurs fois candidate. Son entrée au conseil municipal est la continuité d’un long combat. Pourquoi a-t-elle accepté d’être sur la liste de Philippe Poutou ?
« Je le connais depuis longtemps, de loin. Lors de la première invasion du salon de l’automobile pour alerter sur le destin de Ford Blanquefort, j’étais avec eux. Il fallait dans ces élections des gens qui représentent ceux qu’on n’entendait pas et qui ont mis un gilet jaune pour qu’on les voit. »
Des assemblées de quartier pour sauver la démocratie locale
Leur score aux élections, elle sait qu’elle le doit aux « abstentionnistes, aux gens qui en ont marre des tambouilles politiques où l’on essaie d’allier la carpe et le lapin ». Et d’attaquer l’ancienne municipalité :
« On se bat contre tout ça, ces Bassins à flots [où elle habite et où se déroule l’entretien, ndlr] où il y a des habitations mais pas d’école, pas d’équipement, pas de jardin d’enfants. »
L’élue LFI espère que « les solidarités de quartier nées pendant le confinement se poursuivent » et insiste : « l’important pour nous, c’est de remettre de la démocratie dans les quartiers, que le droit à la parole de chacun soit respecté. » Avec « Bordeaux en luttes », ils créeront des assemblées de quartier où les Bordelais pourront les interpeller sur leurs problèmes du quotidien.
Quant à son rapport avec la nouvelle majorité, elle est claire :
« Nous ne serons pas dans une opposition pure, dure et bête mais nos programmes ne sont pas les mêmes. Là où nous demandons la gratuité des transports, les Verts ont toujours voté à la métropole pour l’augmentation des tarifs de transport. »
La parole calme mais passionnée, cette militante de toujours semble plus que prête à orienter les écologistes vers leur gauche.
Nicolas Pereira (Union pour Bordeaux), l’entrepreneur de l’écologie
Le sourire aux lèvres dans son costume bleu, le jeune homme de 29 ans semble bien à son aise dans le quartier du Grand Théâtre où l’on se retrouve. Nicolas Pereira est la figure écologiste de la liste de Nicolas Florian. Fondateur de Solylend, une entreprise de financement de projets autour de la transition écologique, il a créé l’an passé le World Impact Summit, un « sommet de solutions pour la planète qui a l’an passé attiré en 3 jours 18 000 personnes ».
Diplômé d’une école de commerce, le nouvel élu compte bien composer avec la nouvelle majorité. Après tout, avec un discours autant porté sur l’écologie, c’est presque à se demander s’il ne s’est pas trompé de camp.
Il « considère que les clivages politiques sont dépassés. Un nouveau clivage se dessine, où l’écologie aura sa place ». Et l’ancien tête de liste Nouvelle Donne aux élections régionales est sûr d’avoir choisi la bonne liste :
« Je suis plutôt centriste, affirme-t-il. Dans ma conception de l’action, je ne crois pas que la transition écologique soit le fait d’un parti. »
C’est sûrement pour ça qu’il a soumis son pacte « Bordeaux durable » à tous les candidats. Seul Nicolas Florian l’a approuvé à 100%. Thomas Cazenave l’avait validé à 90%, et Hurmic ne l’a pas signé. Une autre raison, c’est certain, de son engagement aux côtés du maire sortant.
Pas d’écologie sans économie
Pour lui, écologie rime avec économie : « La transition écologique doit être inclusive, et se faire avec les entreprises. » Et d’avertir le nouvel édile : « Hurmic devra être attentif à ne pas mettre de côté les acteurs économiques. Il ne faut pas tuer l’attractivité de Bordeaux. »
Néanmoins, il souhaite être « constructif » et assume de pouvoir voter parfois avec les Verts, même si son groupe politique vote contre.
« J’en ai discuté avec Nicolas Florian et j’ai été très clair, je ne serai pas dans une opposition de posture. »
Se revendiquant d’une « opposition proposante », Nicolas Pereira espère que certaines des mesures de son pacte seront reprises, entre autres la création d’un centre de recyclage des matières du bâtiment au nord de la ville avec l’obligation pour les entreprises gagnant les marchés publics de se servir en matières recyclées. Ou encore la transformation de la base sous-marine en potagers partagés pour former aux métiers agricoles et ramener dans la couronne périurbaine des terres agricoles.
Il assure ne pas vouloir « faire de la politique son métier, mais plutôt garder un pied dans chaque milieu ». Avec toujours ce sourire de ceux qui ont de l’ambition et ne s’en cachent pas.
Anne Fahmy (LREM), le renouveau par la proximité
Aujourd’hui auto-entrepreneure, l’élue donne des cours de cuisine pour transmettre sa nouvelle passion. Anne Fahmy a posé ses valises à Bordeaux alors qu’elle changeait de vie. Avant Bordeaux, elle naviguait entre Paris et Bruxelles. Juriste spécialisée en droit européen de la concurrence, elle a notamment travaillé pour des entreprises publiques qui s’ouvraient à la concurrence.
Mais il y a onze ans, la juriste est devenue maman et a « voulu profiter de [ses] enfants et d’une autre qualité de vie ». Elle déménage alors à Bordeaux avec sa famille. Impossible d’exercer son métier depuis la capitale girondine. Elle et son conjoint lancent alors un site internet sur la gastronomie. « Je me suis prise au jeu », raconte la néo-élue avec le sourire.
C’est le moins que l’on puisse dire : deux CAP plus tard (cuisine puis pâtisserie), Anne Fahmy a abandonné ses codes de juriste pour les livres de cuisine. « Quand je fais les choses, je les fais à fond », annonce-t-elle, non sans avoir en tête sa toute récente élection.
Un second changement de vie ?
Son engagement aux côtés de Thomas Cazenave serait-il un nouveau changement de vie ? Elle préfère parler de « continuité », mettant en avant son engagement citoyen depuis son arrivée à Bordeaux en 2009. Membre pendant dix ans d’une association de parents d’élèves, Anne Fahmy a aussi été conseillère de quartier à Bordeaux Centre. Elle adhère à En Marche lors des élections présidentielles et s’engage « sur le terrain pour les législatives ». Tout cela l’amène à rencontrer Thomas Cazenave l’an passé :
« L’homme m’a vraiment plu. Il a des qualités humaines et intellectuelles. »
De la campagne, elle retient « la volonté et l’audace » du jeune mouvement Renouveau Bordeaux. Elle dit s’être engagée « pour la proximité, la démocratie et le bien-être des gens ». La mesure phare du programme selon elle ?
« Les 16 quartiers ! Nous voulions créer de nouveaux conseils de quartier, aux compétences élargies, pour que le pouvoir soit plus proche des habitants et renforcer le lien entre les habitants et la mairie. Nous voulions la proximité pour aider ceux qui aident et ceux qui ont besoin d’aide. »
Et d’ajouter :
« Le vote au suffrage universel direct pour la métropole, c’était aussi un point phare de notre programme. »
Quid de l’alliance avec Nicolas Florian au second tour, qu’elle justifie tout au long de l’entretien ? « Une coalition et non une fusion », insiste la nouvelle élue. Quant aux résultats de dimanche, Anne Fahmy « respecte toujours le jugement des urnes » et assure qu’elle ne veut pas « d’opposition stérile, parce que les défis sont immenses pour la nouvelle équipe ».
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