Un GLTD ? « Connais pas » répond Khalid. Le patron du restaurant Le Ginkho affirme n’avoir été convié à aucune rencontre ou réunion pour en parler. Pareil pour d’autres commerçants interrogés par Rue89 Bordeaux.
« Ça fait 25 ans que je vis et travaille à Saint-Michel, poursuit Khalid. Il y a toujours eu des problèmes. On dirait que pour ces jeunes, il faut bien qu’ils soient quelque part, alors ils sont là. Mais là, ce qui se passe, je n’ai jamais vu ça. Quand on voit ce qu’on voit ! C’est plus que de la délinquance. C’est des règlements de compte, du vol à l’arraché… »
Khalid est en première ligne sur la place où s’est déroulée en juin 2019 une rixe entre deux bandes armées de battes de baseball et de barres de fer. Et même si ça se passe d’autres fois plus loin, sur le quai des Salinières (22 juillet 2019) ou sur la place Canteloup (14 juillet 2020), il ne peut que constater démuni la réputation qui se dégrade de son quartier.
« Il y a beaucoup de gens qui ne veulent plus venir », regrette-t-il en affirmant que ses affaires en pâtissent. « Les gens parlent beaucoup et ça ne donne pas envie. »
Ce serait alors pour cette raison qu’ « il y a beaucoup de commerçants qui se font agresser ou voler et n’en parlent jamais pour sauvegarder l’image sympathique de Saint-Michel », affirme une commerçante qui a préféré garder l’anonymat.
« J’en avais discuté avec le nouveau maire avant son élection, assure-t-elle. On avait parlé d’une police de proximité, c’est la solution pour qu’il y ait un dialogue. D’avoir une police qui est présente et qui se déplace à pied dans le quartier, c’est forcément dissuasif. »
Cette commerçante de la place Maucaillou rapporte que « suite au déconfinement, beaucoup de jeunes qui n’étaient pas du quartier sont venus sur la place, une place familiale, pour dealer ». « Mais c’est comme ça partout » ajoute-t-elle.
« Mobiliser les troupes »
C’est en effet le constat que fait le nouveau maire de Bordeaux, Pierre Hurmic. Lors d’une conférence de presse ce mercredi, il a tenu à balayer tout lien avec l’arrivée de son équipe au Palais Rohan, « contrairement à ce qui se dit » précise-t-il :
« Depuis qu’on est installé, on est préoccupé. On a pris conscience immédiatement de la gravité de la situation. On nous reproche de ne pas en parler, mais on ne veut pas communiquer pour communiquer. On a commencer à rencontrer des personnes qualifées sur ces questions avant d’avancer. »
Le maire de Bordeaux évoque « un outil dès le mois de septembre prochain » mis en place communément avec Frédérique Porterie, la nouvelle procureure de la République de Bordeaux arrivée en janvier 2020, et Fabienne Buccio, la préfète de Gironde. Il s’agit d’un Groupe local de traitement de la délinquance (GLTD), qui répond à « une politique de prévention et de répression ».
« Nous allons mobiliser la police municipale pour épauler la police nationale, précise le mairie écologiste. C’est un geste fort pour une mairie de mobiliser ses propres troupes. Il y aura également d’autres acteurs comme des bailleurs sociaux, des associations spécialisées dans la délinquance, et des associations locales. »
Le maire souligne surtout l’ « avancée effectuée pour valider le principe » du GLTD proposé par Frédérique Porterie et cite, comme exemple de réussite, une expérience similaire à Grenoble, ville également verte politiquement.
GLTD, kezako ?
Piloté par la procureure, un GLTP permet de réunir différents partenaires (le parquet, les polices municipale et nationale, les acteurs sociaux…) afin de partager et surtout faire remonter des informations. Ils se réunissent une à deux fois par mois pour déterminer des actions visant à faire diminuer et éradiquer la délinquance. Les réunions de celui de Saint-Michel seront précisées en septembre et sont prévus pour six mois, « mais il peut durer un an, ou un an et demi, s’il le faut » ajoute le maire.
Pour Amine Smihi, adjoint au maire en charge de la tranquilité publique, de la sécurité et de la médiation, « un GLTD de plus de 6 mois est un échec ». A retenir donc qu’il faudra faire preuve d’efficacité. Le groupe pourrait selon les besoins intervenir ensuite dans d’autres quartiers en difficulté, et ce n’est pas ce qui manque (Grand Parc, Aubiers…).
« Nous avons affaires à des faits nouveaux que nous n’avons jamais connus » abonde Amine Smihi. L’ancien enseignant élu sur la liste de Pierre Hurmic cite des « pratiques mafieuses » et du « trafic humain ». De concert avec son maire, il assure qu’ « il faut du bleu ». Comprendre de l’îlotage. D’autant que Pierre Hurmic avait précisé dans son programme la volonté d’augmenter les effectifs de la police municipale.
« L’équipe d’avant a voulu également le faire, mais elle n’a pas eu suffisamment de candidats, c’est qu’il y a problème » souligne-t-il.
Rendre le métier de policier attractif
« Il faut faciliter la candidature et permettre une attractivité pour cette fonction », ajoute l’adjoint. Mais Pierre Hurmic écarte d’emblée l’extension des pouvoirs des policiers municipaux contrairement à ce que réclament certains maires de droite :
« Je suis hostile à l’armement de la police municipale. Pour assurer la tranquillité publique, elle n’a pas besoin d’être armée. Certains disent que c’est un obstacle au recrutement de policiers municipaux, je n’en suis pas persuadé. Ils ne sont pas démunis, ils sont équipés de Taser. »
Citant le contre-exemple du maire de Nice, Christian Estrosi, Pierre Hurmic ne veut pas être « le maire de la multiplication des caméras de vidéo-surveillance » et dit vouloir demander « un état précis des résultats obtenus grâce à la vidéo-surveillance » pour se faire une idée de leur efficacité, tout en promettant de garder les caméras déjà installés.
Bordeaux compte plus d’une centaine de caméras de surveillance dans ses rues (10 fois plus qu’il y a 10 ans, mais beaucoup mois que Nice qui compte 2145 caméras sur la voie publique et 170 dans les rames du tramway).
Au poste bordelais de la vidéosurveillance, une vingtaine d’agents municipaux se relayent 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour permettre à ce système entre 700 et 800 interpellations par an.
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