Des militants de Bordeaux en lutte arrivant en manif depuis Pey-Berland et très démonstratifs dans l’Auditorium. Des « désobéissants » d’Extinction Rebellion et ANV-Cop21 déployant une banderole à l’entrée de la salle. Un maire sortant promettant d’être « vigilant » sur son action… Pierre Hurmic est attendu au tournant, et dit bien « mesurer le poids de la fonction » lors de son discours d’investiture.
Ce vendredi, l’Auditorium, préféré au Palais Rohan afin de garantir les distances entre conseillers municipaux, et la salle bien garnie a pris parfois des airs de stade de foot (« et un et deux et trois élus » scandé par les supporters de Poutou).
Après une belle et profonde entrée en matière par la doyenne de l’assemblée, Sylvie Justome (66 ans), l’écologiste a été élu maire de Bordeaux par 48 voix, contre 3 pour Philippe Poutou et 14 abstentions des conseillers municipaux de l’Union pour Bordeaux.
Choisi par un électeur sur 6 – 100000 Bordelaises et Bordelais ne se sont pas déplacés le 28 juin pour aller voter -, Pierre Hurmic s’est dit inquiet du « succès déclinant de la démocratie représentative intermittente ». Désireux de répondre aux « fortes attentes d’une démocratie plus permanente », il a annoncé la tenue rapide d’ »assises du pouvoir partagé pour construire une démocratie nouvelle ».
D’autres élus aussi différents que le Gilet jaune Antoine Boudinet et le macroniste Thomas Cazenave ont aussi estimé que des mesures audacieuses seraient nécessaires pour raviver la démocratie – et le mépris affiché envers certains de ses représentants par les huées de quelques spectateurs ne font que l’abîmer un peu plus.
Un.e adjointe.e à l’urgence climatique
Un autre point fait aussi consensus, la réponse à l’urgence climatique. Alors que « les premières journées caniculaires s’annonce dans les semaines qui viennent », Pierre Hurmic a annoncé qu’ « un poste d’adjointe ou d’adjoint serait dédié à cette vigilance » : faire en sorte que « cet impératif climatique irrigue toutes nos politiques ».
« Les réponses apportées le seront toujours dans un souci de justice sociale pour éviter que les inégalités d’accès aux soins, à l’emploi, à la culture ne s’additionnent chez les plus vulnérables, poursuit-il sous les applaudissements. Nous savons qu’au-delà des crises, écologiques et climatiques, d’autres crises, économiques, sociales et peut-être demain à nouveau sanitaires, exigeront de nous la même ardeur au travail. Nous nous devons de préparer Bordeaux et ses habitants à les surmonter. »
A commencer par un « devoir de résilience », matérialisé pour les élus municipaux par une « charte éthique » qu’ils ont tous signée. Le maire élu se fait offensif :
« Je ne laisserai jamais personne caricaturer l’écologie que nous avons choisie pour transformer Bordeaux. Non, elle n’est pas punitive, seule l’inaction est punitive. En repoussant à demain des décisions urgentes, on aggrave, de fait, la situation, hypothéquant les capacités de résistance de notre territoire. »
Réparer la table
Il s’agit toutefois pour lui de « rassurer les acteurs économiques » qui à Bordeaux comme ailleurs en France se sont inquiétés de la vague verte.
« Nous n’allons pas renverser la table, nous allons la réparer. Nous soutiendrons les entreprises en difficulté, suite à la crise sanitaire, dans la mesure de nos moyens et compétences, et nous accompagnerons activement les mutations imposées vers une économie moins carbonée, vers une économie de recyclage préférée à une économie de gaspillage, vers un programme audacieux de rénovation thermique de nos logements mal isolés. »
Pierre Hurmic a été félicité par tous ses concurrents, sauf Philippe Poutou, qui l’a justifié par « l’habitude des désillusions quand la gauche est au pouvoir ». Seul à se présenter contre l’élu écologiste, le syndicaliste a obtenu les trois voix de son groupe, et profité de la tribune pour attirer l’attention sur quelques luttes sociales en cours – contre les sanctions visant les professeurs mobilisés lors des E3C par le ministère de l’éducation, ou au soutien du squat de la rue Camille-Godard.
Nicolas Florian a quant à lui évoqué son « devoir particulier » :
« Dans cette assemblée, c’est la première fois depuis au moins le début de la Ve République qu’un maire en exercice, après avoir été déjugé, siège au conseil. Je dois assurer la transmission d’un certain nombre de dossier et je revendique la volonté de défendre un bilan. (…) Nous serons force de proposition dans un esprit constructif mais je serai de la plus grande vigilance sur ce qu’est Bordeaux aujourd’hui, une ville transformée où il fait bon vivre. Cet équilibre doit perdurer. »
Quel casting ?
Après la traditionnelle photo de groupe au Palais Rohan, la majorité municipale va s’enfermer ce week-end vers Bazas pour un séminaire. Objectif : déterminer les responsabilités des un.e.s et des autres dans la future équipe. Si certains tiennent la corde pour des postes d’adjoints – Bernard Louis Blanc à l’urbanisme, Dimitri Boutleux à la culture, Claudine Bichet aux finances… -, le choix définitif sera fait collectivement, assure la municipalité.
Avec deux impératifs : veiller à l’équilibre entre les groupes politiques et les représentants de la société civile, et limiter le cumul des mandats exécutifs – un adjoint ne pourrait par exemple pas être vice-président à la métropole, au département ou à la région.
Lundi devrait se clore le feuilleton de la métropole. Une troisième voie est recherchée entre le maintien de la cogestion avec les maires de droite, option privilégiée par Alain Anziani, et la fin du troc voulue par Pierre Hurmic. Les deux hommes – et les groupes socialistes et écologistes à la métropole –, sont toutefois « condamnés à s’entendre » sur un programme commun. Reste à savoir qui le portera pendant la mandature.
Chargement des commentaires…