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30/04/2024 date de fin
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Erotiques ou lubriques, des pages bordelaises font monter la température

Des auteurs bordelais comme Léo Barthe, Coq, ou Suzie Q, signent des publications torrides pour accompagner un été déjà haut en chaleur. A ne pas mettre entre toutes les mains, des BD, des classiques, des textes littéraires… ou anatomiques, constituent ce troisième rendez-vous de « Pages à plages ».

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Erotiques ou lubriques, des pages bordelaises font monter la température

Suivant la vélocité de l’ascension que vous choisirez cela orientera le conseil littéraire de l’été. Pour vous aider à choisir, c’est comme si on vous apportait sur un plateau du porno des années 90 ou des années 2010. Un côté montée en puissance versus « straigth to the point ». Le choix des mots versus le poids des images. Une éducation film érotique de M6 versus consommation immédiate Youporn.

C’est dans cette dichotomie que se placent les deux auteurs bordelais les plus célèbres des rayons coquins. A l’un la plume, à l’autre le crayon. Ces deux animaux que sont Jacques Abeille (qui signe Léo Barthe son œuvre érotique) et Coq  (on n’aurait pas sur choisir meilleur blase eu égard au sens anglais du terme) fournissent depuis de nombreuses années les rayons de nos librairies. Passons la première… 

Que fais-tu avec ta langue ?

Tu prends le temps… Parce qu’il revêt une double acception, le terme trouve la place idoine dans la critique de la lecture érotique. Riche langue française qui regorge de termes ambivalents pour décrire « les choses du sexe » ou les laisser imaginer, pour penser à la langue d’une autre façon…

Il est intéressant de voir le temps pris par l’écriture et la narration de Jacques Abeille avant qu’il ne décrive le premier acte sexuel de La Demeure des Lemures, son dernier ouvrage (paru en 2019 chez La Musardine), une performance onanique qui darde à la page 30, comme une subtile caresse de la langue. Et il faut attendre une centaine de pages avant que la première pénétration n’ait lieue et la page 150 pour la première sodomie.

Avant cela, c’est toute l’ambivalence de la langue qui s’y joue avec l’emploi de termes descriptifs qui s’appliquent autant aux objets de la demeure qu’aux choses des mœurs. Après quelques degrés nous voilà sur le pallier : 

« Souvent alors il surgit au-dessus d’elle comme une grande ombre. Il lui passe une main possessive entre les cuisses ou la lèche soudain comme la proie qu’il s’apprête à dévorer. Elle se tourne sur le ventre, s’ouvre et bientôt agenouillée, lève les reins pour qu’il la prenne comme un haut et puissant seigneur trousse sans égard une chétive serve. »

La Directrice, par Coq.

In medias res

A l’inverse, avec un ascenseur la montée se fait plus rapidement et l’on se trouve sur le toit ou en toi à la vitesse d’un éjaculateur précoce. C’est patent dans les premiers tomes de Coq, Le Directeur et La Secrétaire, où, dès la deuxième planche cette pauvre Karine (ladite secrétaire) se retrouve cul nul. Et sous les assauts de son patron en rut, du copain de son patron, sans son véritable consentement.

On est loin d’un #notme mais plutôt dans un univers phallocentré où une secrétaire se doit d’être coquine. Si le rôle du plombier est fondamental dans les scénarios pornographiques, il semble que les organigrammes d’entreprise n’aient été créés que pour satisfaire le fantasme hétérobeauf d’une personne ayant autorité et trique sur son subalterne.

Et le même schéma scénaristique présuppose également l’histoire de la Demeure des Lémures où nul doute que si elle n’avait pas été « la petite bonne » elle n’aurait sûrement pas été détroussée par son maître. 

Le seul axe d’émancipation pour les femmes semble alors être de devenir aussi cochonne que les hommes à l’instar de l’incipit de La Secrétaire où, cette fois-ci, c’est par d’autres femmes que Karine se fait abuser. Un chemin de croix , un chemin de sa croupe qui lui permet de devenir, lors du tome 3 qui vient juste de sortir chez La Musardine, à son tour directrice et d’abuser de jeunes hommes.

Et Coq de rappeler que les 23 ans qui séparent le tome 1 du 3, ont vu « la perception du masochisme ordinaire changer, mais qu’elle, la femme, reste toujours au final, une victime plus ou moins consentante. Oui il a bien fallu 20 ans pour que les femmes s’émancipent ».

Où sont les femmes ?

Elles semblent cruellement manquer dans ce paysage de littérature érotico-pornographique aux frontières girondines. Regret d’ailleurs émis par Coq qui pense que l’univers de la BD pallie d’auteurs féminines de cul et invite à se tourner vers les yaoi japonais, qui sont des bd d’hommes gays pour un lectorat féminin, l’exact inverse des histoires de lesbiennes pour hommes ; mais ce serait trop nous éloigner des rives de la Garonne.

On trouve cependant aux dessins du manuel Connais-toi toi-Même  (toujours aux éditions de la Musardine), Suzie Q, une illustratrice  du cru. Cet ouvrage qui « explore » les profondeurs de ce que Jacques Abeille appelle le continent noir, est à laisser trainer, pour que de mains en mains il circule, et qu’avec lui une forme de bonne parole, de juste savoir devienne norme.

Ce guide est dans l’exacte continuité d’un mouvement féministe « Self Help » né aux USA dans les années 70 en parallèle des combats de réappropriation du corps. On y apprendra tout de l’anatomie féminine : comment l’écouter, l’explorer, l’auto-explorer, la faire vivre, la faire jouir. 

Illustration de Suzie Q pour Connais-toi toi-même

« Comme un animal »

Mais pour que les belles fesses fassent la rencontre des belles lettres c’est vers un éditeur bordelais qu’il faut se tourner, Finitude, qui vient d’éditer des textes érotiques inédits de la franco-américaine Anaïs Nin sous le nom d’Auletris. Bien qu’elle eut déprécié son travail d’auteur licencieuse, considérant ses écrits comme des « imitations des pornographes masculins », il n’en est rien.

Il y a dans ces deux textes, « Marcel » et « La Vie à Princetown », l’odeur d’une époque et des corps, la modernité des temps et des mœurs, la liberté des choix et des voix. Il en émaille une excitation poétique et tragique où résolument la langue se fait caresse, où le rythme a la cadence parfaite.

« Il m’a embrassée avec fougue, a mordu mes lèvres sous le coup de l’excitation. Il s’est étendu à son tour, sa bouche a exploré ma poitrine, caressé mes cuisses, mon sexe, mes fesses. Dans la pénombre, j’ai deviné qu’il se redressait, puis son pénis s’est glissé entre mes lèvres. Il allait et venait, parfois heurtait mes dents ; je les sentais le griffer mais il semblait aimer ça. Il m’observait, me caressait sans cesser de me regarder et ses mains parcouraient mon corps, comme s’il voulait apprendre à me connaître du bout des doigts avant de me prendre vigoureusement. Je levais haut les jambes pour les poser sur ses épaules, afin qu’il puisse contempler son sexe en train de plonger en moi. Il voulait tout voir, tout savoir, comment son pénis luisant, dur et si gros, allait et venait dans mon ventre. Je me soulevais sur mes deux poings pour offrir encore et encore mon sexe au sien. Puis il m’a retournée pour me prendre par derrière, comme un animal. »


#littérature

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