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La ferme du Moulin de la Ville, future Réserve naturelle de Nouvelle-Aquitaine ?

A Tombebœuf en Lot-et-Garonne, une famille accompagnée par l’association CPIE Pays de Serres-Vallée du Lot souhaite classer sa propriété agricole de 12 hectares afin de préserver ce réservoir de biodiversité face aux pratiques culturales intensives et à la pression foncière environnante. La Région Nouvelle-Aquitaine a déjà classé 9 sites en Réserves Naturelles Régionales. Ce classement permet de protéger un patrimoine naturel d’intérêt écologique ou géologique fort en réglementant les usages et en lien avec les acteurs locaux. Une consultation publique est en cours jusqu’au 13 novembre.

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La ferme du Moulin de la Ville, future Réserve naturelle de Nouvelle-Aquitaine ?

Déjà connue pour son chêne tricentenaire élu arbre de l’année 2019, la commune de Tombebœuf (entre Marmande et Villeneuve-sur-Lot) pourrait accueillir en 2021 la première Réserve Naturelle Régionale du Lot-et-Garonne, la dixième à l’échelle de la Nouvelle-Aquitaine. Le dossier du « Moulin de la Ville » fait actuellement l’objet d’une consultation publique régionale.

Cette démarche de classement en réserve naturelle est née de la volonté des propriétaires des lieux, Mme Piveteau et ses filles. Une famille d’anciens agriculteurs qui n’a pas souhaité suivre le modèle agricole intensif : exploitations de plus en plus grandes, mécanisation et traitements phytosanitaires.

Mosaïque de milieux et d’habitats naturels

Au contraire, les Piveteau ont souhaité conserver un modèle de petite ferme en polyculture et élevage et d’en faire un lieu de nature, après avoir cessé leur activité.

« Mes parents étaient des écolos sans le savoir, explique Lydie Piveteau- Miranda, l’une des propriétaires. Pendant leur activité, ils ont observé les oiseaux, les insectes et les fleurs présents sur leurs terres et n’ont pas voulu que tout cela disparaisse. Ils n’ont pas souhaité vendre à d’autres agriculteurs pour faire du tournesol ou du blé. Ce classement en réserve permettra de protéger le site afin qu’il soit géré de manière compétente. Cela permettra également de faire découvrir au public des plantes, des espèces protégées qui ont peu à peu disparu et de faire de l’éducation à l’environnement ». 

Bouquet de Fritillaire Pintade, espèce végétale protégée au niveau régional. Photo CPIE 47

Jacinthe romaine, Orchis à fleurs lâches, Fritillaire Pintade pour la flore, chauve-souris remarquables (Petit Rhinolophe, Barbastelle d’Europe), amphibiens, reptiles, insectes (Grand Capricorne, Lucane cerf-volant…), oiseaux (martin pêcheur, milan noir)… Le site du « Moulin de la Ville » accueille des espèces protégées au niveau national, régional et départemental et bénéficie du label départemental « Espace Naturel Sensible » depuis 2011.

Ainsi, l’ancienne exploitation agricole située en fond de vallon abrite une mosaïque de milieux, d’habitats naturels et semi-naturels très diversifiés sur 12 hectares. Ruisseaux et ripisylves, prairies humides, pelouses à orchidées, forêts alluviales… « Ces habitats naturels à enjeux forts abritent une faune et une flore remarquables (…) Des espèces et habitats plus « ordinaires » sont largement représentés et constituent un maillage écologique intéressant sur le territoire : le site joue ainsi le rôle de réservoir de biodiversité dans la trame verte et bleue locale », indique le dossier de demande de classement.

Réservoir de biodiversité

Depuis 2006, la famille Piveteau a confié la gestion du Moulin de la Ville à l’association ARPE 47-Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement (CPIE 47), soutenue dans ses missions par la Région Nouvelle-Aquitaine dans le cadre des contrats Aquitaine Nature. La demande de classement en Réserve Naturelle Régionale est donc la suite logique de ce partenariat et du long travail d’observation, d’inventaire, de suivi et d’animations pédagogiques menés depuis 14 ans par l’association sur place.

« C’est un cap supplémentaire dans la démarche » confirme Jean-Manuel Torrès, directeur du CPIE 47.

« C’est un engagement sur le long terme, avec un plan de gestion, un soutien fort de la Région sur un programme. Nous ne sommes pas dans l’objectif de mettre le site sous cloche, l’idée est d’apporter de la connaissance autour de ce joyau de biodiversité et d’ouvrir la réserve sur le territoire en développant des collaborations. Nous collaborons par exemple avec des agriculteurs avec lesquels nous avons un programme de plantation de haies. »

Découverte du site du « Moulin de la Ville » à Tombebœuf lors des Journées Nature.
Photo CPIE 47

Pierre Grosz est président de l’ASA des Coteaux du Tolzac (Association Syndicale Autorisée), qui réunit une trentaine d’exploitants agricoles irrigants. L’association est propriétaire du lac du Loubet situé à proximité du Moulin de la Ville, sur la commune de Tombebœuf . Il juge le projet de classement en Réserve Naturelle Régionale « très positif » :

« Cela respecte le souhait de la famille de conserver une ferme reflet de notre patrimoine local des coteaux de Lot-et-Garonne. La Réserve Naturelle Régionale sera un outil pédagogique et de cohésion sur notre petit territoire rural. Nous avons également le projet de réaliser un corridor écologique entre le lac du Loubet et un bois à proximité du Moulin de la Ville. »

Zone refuge pour de nombreuses espèces menacées

Si l’enjeu patrimonial est le principal motif de demande de classement en Réserve Naturelle Régionale, l’association gestionnaire CPIE 47 fait valoir également les menaces qui pèsent sur ces 12 hectares.

En effet, le Moulin de la Ville est « entouré par des exploitations agricoles en activité, aux pratiques culturales intensives (maïsiculture, céréales) pouvant impacter la biodiversité et nécessitant de plus en plus d’espace. La pression du foncier agricole est donc forte sur ce site qui apparaît comme une zone refuge pour de nombreuses espèces », peut-on lire dans le dossier de demande réalisé par l’association, consultable en ligne.

Par ailleurs, le dossier relève une forte diminution des prairies permanentes dans le Lot-et-Garonne : moins 15% entre 2000 et 2010, à comparer avec une baisse de 6% de la surface agricole utile sur la même période.

Forêt alluviale, zone tampon en bord de ruisseau sur le site du Moulin de la Ville à Tombebœuf. Photo CPIE 47

La demande de classement est actuellement soumise à consultation publique jusqu’au 13 novembre. Les habitants sont invités à donner leur avis par courrier ou en ligne. La Région Nouvelle-Aquitaine a également demandé un avis à la commune, la communauté de communes, le Département, La Préfecture de Région ainsi qu’au Conseil scientifique régional du patrimoine naturel.

Préserver les terres, une ambition de la feuille de route Néo Terra

Si ces avis sont favorables, la Région pourra décider de la création de cette 10ème Réserve naturelle régionale (RNR) dans le courant du premier trimestre 2021. Pour une durée de 10 ans reconductible, le site pourrait alors bénéficier d’une protection via des missions de surveillance, de gestion des milieux, de suivi écologique confiées à un gestionnaire désigné et financées par la Région Nouvelle-Aquitaine.

La préservation de la biodiversité et des milieux est un des axes de la feuille de route Neo Terra adoptée par la Région en juillet 2019 pour mettre en œuvre la transition énergétique, écologique et agricole du territoire. Elle ambitionne la création de 25 nouvelles Réserves Naturelles Régionales d’ici 2030

L’objectif de réduire de 50% la consommation globale d’espace afin de préserver les terres agricoles, forestières et naturelles, est également inscrit dans le Schéma Régional d’Aménagement, de Développement Durable et d’Égalité des Territoires, le SRADDET.


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