Média local avec zéro milliardaire dedans

Le slam, nouvelle clé pour entrer dans les lieux culturels et musées bordelais

Depuis dix ans, Street Def Records porte le slam dans les milieux scolaires et culturels, ainsi que dans l’espace public. Son meneur, Mathias Montoya, alias Maras, présente des œuvres en poésie slamée dans des vidéos mises en ligne par le Musée des beaux-arts ou, prochainement, par le Musée d’Aquitaine. Pour la Nuit du musée qui se tient en ligne ce samedi 14 novembre, il slame à la Cité du vin.

Vidéo

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89Bordeaux, abonnez-vous.

Le slam, nouvelle clé pour entrer dans les lieux culturels et musées bordelais

« Je dois mettre ma main, elle n’a plus qu’à poser
Elle a juste à se poser, sur le cœur juxtaposé
Je dois mettre ma main, elle n’a plus qu’à causer
Elle a juste à se poser, sur le cœur juxtaposé
Mon cœur et ma main
Dansent
Valsent
Sur le portrait de
Frans
Hals »

Tout est dit, et avec la manière. Le slameur bordelais Maras, sur une musique de Titouan, présente un portrait datant de 1632, signé Frans Hals, « L’Homme à la main sur le cœur ». Cette visite slamée d’une œuvre de la collection du Musée des beaux-arts de Bordeaux est la première d’une série de trois avec « Les Quais de Bordeaux » d’Alfred Smith, et « La Nature morte à la vielle » de Roland De La Porte.

Maras, de son vrai nom Mathias Montoya, est un habitué de l’exercice. En plus des trois œuvres du Musée des beaux-arts, d’autres « visites en poésie » sont à venir. Six vidéos d’œuvres slamées du musée d’Aquitaine seront bientôt en ligne, et quatre autres de la Cité du vin sont visibles ce samedi, date de la Nuit des musées 2020 qui se veut numérique en ces temps de confinement.

Dans ce registre, Maras est également intervenu lors des Arts au mur, l’artothèque de Pessac, avec des habitants nommés commissaires pour des expositions dans des quartiers. Il a animé des ateliers d’écriture qui ont produit des textes de présentation slamée des œuvres d’art contemporain.

A noter également que Street Def Records est l’initiateur de plusieurs éditions d’une « battle » (en français : bataille) qui porte le nom de « Ta Mère La Mieux ». Ces joutes ont la particularité de puiser dans les compliments et la bienveillance. Une première édition a eu lieu en octobre 2019 avec des artistes québécois, une deuxième en février 2020, et la troisième en septembre dernier. Les vidéos seront en ligne à partir de décembre.

Des maths au slam

A 34 ans, Maras est aujourd’hui totalement investi dans cet art d’expression orale. Bordelais d’adoption, il a foulé le sol de la capitale girondine en 2005 pour des études de mathématiques appliquées. Selon lui, « la poésie est la version très mathématique de la langue française, et les maths, c’est tellement abstrait que l’on pourrait y trouver de la poésie ».

Des maths au slam, il n’y a donc qu’un pas qu’il a franchi en 2007 après un voyage au Togo. A Bordeaux, il se lance dans cet « art qui ne juge pas ». C’est l’époque où la scène bordelaise est en train d’éclore dans un lieu devenu fondateur, La Débitterie rue Arnaud-Miqueu à Bordeaux, « où chaque personne qui le désirait pouvait déclamer des textes ».

Dans ces années 2000, la scène locale décolle avant de retomber avec la fermeture du lieu. Street Def Records reprend la main et dans son sillage des slameurs locaux s’imposent sur la scène nationale et internationale. Maras s’illustre : champion de France slam en 2014, champion de France freestyle rap en 2016, vice-champion du monde en 2017, champion de France 2018 au Redbull Dernier Mot.

Si Maras dit être un « ancien », il observe l’évolution des slameurs bordelais, « moyenne d’âge moins de 25 ans » et « 50/50 femmes/hommes », dans une mouvance hip hop qui « porte beaucoup de poésie ».

« Il y a plus d’osmose sociale avec une qualité scénique plus forte dans son ensemble. Ce qui donne plusieurs tendances même si parfois c’est moins maitrisé. La diversité apporte une richesse. Les sujets parlent de société, des phénomènes d’aujourd’hui, les migrants, la pauvreté… »

« Oyé, oyé, éyo, éyo »

Car effectivement, « pour être un bon slameur, il faut être humaniste. Si on est une bonne personne, les gens vont le sentir et une aura bienveillante se dessine » explique Mathias Montoya.

Si la plupart des slameurs ont une pratique amateur, et si des professionnels tentent des scènes comme au café Lectures Aléatoires (19 rue des Augustins à Bordeaux), Street Def Records décline le slam à travers des activités et des interventions qui lui permettent d’assurer des ressources à des artistes bordelais.

« On a été financé par la métropole sur certaines actions sous forme de commandes comme des visites des quartiers ou des musées. Les villes de Bordeaux et Pessac nous ont commandé des visites d’œuvres artistiques. On choisit des œuvres avec les responsables qui nous aident et nous donnent de la matière pour que l’on puisse écrire nos textes. On organise ensuite un parcours et on fait parler les œuvres. A la fin de la visite, on demande aux visiteurs de choisir eux mêmes et on improvise… »

« Brigades d’Invasions Poétiques » dans les collèges et les lycées, « Attentats verbaux » dans des lieux publics et les trams – « Oyé oyé, éyo éyo, vous êtes victimes d’un attentat verbal » –, les voix du slam résonnent sans complexe dans la cité de Montaigne, Montesquieu et Mauriac.


#Nuit des Musées

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options