« Si tu as des rêves, surtout ne lâche rien », et Davy Bernard en avait. Ces paroles sont extraites de « La Main tendue », une chanson qu’il a écrite et composée, et qu’il interprète en mémoire de ses années sans domicile fixe, mais aussi en hommage à la solidarité de ceux qui l’ont tiré d’affaire. Particulièrement Frédérique et son compagnon, deux Bordelais qui lui ont offert « un endroit où accrocher le bateau » comme il dit.
C’est sur un bateau qu’on dirait à la dérive que Davy Bernard a connu des années d’errance entre Rennes, Paris, et Bordeaux.
« Alcoolique dans le déni »
Depuis quand ? « Je ne sais plus. Peut-être six ans, peut-être quatre, peut-être sept. » Pourquoi ? « Il n’y a pas qu’une seule raison. » Mais il y en a « particulièrement une : l’alcool ».
« C’est ce qui a détruit ma vie. C’est la raison pour laquelle je me suis retrouvé dehors, ou plutôt que j’y suis resté. »
En couple, père de deux enfants, peintre carrossier, et « alcoolique dans le déni ».
« Je vis une séparation. Je perds mon travail. Je me retrouve dans la rue sans rien, sans téléphone, sans moyen de contacter mon entourage, je me retrouve dans un monde parallèle, en mode combattant. Je ne fais pas dans l’originalité, l’alcool et ensuite la drogue dure. Il arrive un moment où tu es piégé. »
C’est l’engrenage pour ce Breton aujourd’hui âgé de 38 ans. L’alcool, il en parle comme d’une maladie. « J’ai commencé à vouloir m’en sortir quand j’ai réalisé que j’étais malade. » Davy Bernard raconte ses années passées sans résignation, il sait aujourd’hui qu’il est « sauvé ». Il est « réellement » abstinent depuis juin 2019.
Une chance
« J’ai énormément de chance » dit-il avant de revenir sur cet épisode dramatique d’une nuit de novembre 2018 et dans lequel il trouve une occasion salvatrice :
« J’habitais sous une tente à Bordeaux-Lac et je ne sais toujours pas pourquoi je suis allé sur la rocade ce soir-là, un endroit où je n’ai pas l’habitude d’aller. Du somnambulisme alcoolique ? J’étais à 3 grammes. Ceux qui m’ont vu ce soir là disent que je suis carrément tombé en avant sur la voiture qui m’a percuté. »
Bilan : de multiples fractures et trois mois d’hospitalisation. Un accident dont il dit n’avoir aucun souvenir. « Je ne m’en suis pas assez parlé à moi-même. »
Ces trois mois « coupé de l’alcool, coupé de la rue » lui donnent l’envie de s’en sortir. Il a « besoin d’être seul et dans la rue, on n’est jamais seul ». Reconnu handicapé, Davy Bernard est pris en charge par le dispositif « Logement d’abord » et se retrouve en hébergement temporaire dans la résidence sociale Poyenne-Adoma avant d’aménager définitivement le 19 novembre dans un T2 quai de Queyries, avec sa chienne Abysse, fidèle compagnon des années noires.
« Je vais enfin pouvoir reprendre contact avec mes enfants maintenant que je sais où les accueillir » confie-t-il.
« Voie libre »
« Je ne veux pas me rater une nouvelle fois », ajoute Davy Bernard.
Dès l’âge de 13 ans, ce passionné de hip-hop, sous le nom Ktema, enchainait les formations musicales : Psykadélik poètes (1993-1998), D.C.A (1997-1998), O.B.S (1998-2004). Jusqu’à « faire la manche en musique à Paris », et puis rien. Quelques enregistrements témoignent de cette période, introuvables pour certains, mais peu importe, le regard est désormais tourné vers l’avant.
Davy Bernard a ressorti son clavier, son ordinateur et son micro. « Je prépare un album » affirme-t-il. Des morceaux sont déjà ficelés mais « le son reste à retravailler ». « La Main tendue » annonce le ton : une écriture écorchée qui tire son inspiration du réel.
« Comment j’en suis arrivé là ?
J’me pose même plus la question.
En mode épave, en mode combat ?
J’capte plus ma position.
J’ai pas envie d’crever, mais j’trouve plus la solution.
Alors j’continu à noyer mes réflexions dans la boisson. »
L’album a déjà un titre, « Voie libre », mais pas encore de date de sortie. Davy Bernard vient de se poser et ne veut pas aller plus vite que la musique.
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