« Bac +5, 10 ans de carrière, 1900 de salaire, on est choyé » : un refrain percutant signé Antoine Carrier, 35 ans, professeur de mathématiques au collège Dupaty de Blanquefort. Sous son nom d’artiste, A’Rieka, il a posté une vidéo qui avoisine les 150 000 vues.
Sa chanson décrit avec cynisme et humour le ras-le-bol des enseignants face à la crise sanitaire. Ses collègues ont même donné de la voix pour faire les chœurs.
En musique, ça passe mieux
Le clip d’Antoine Carrier a notamment été relayé sur la page des Stylos Rouges, collectif d’enseignants « en colère » né lors de la période des Gilets Jaunes. Le professeur a reçu de nombreux messages :
« Dans les commentaires de la vidéo, et même par messages privés, j’ai reçu beaucoup d’encouragements. On m’a remercié de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Je pense qu’en musique, et avec un ton humoristique, le message passe mieux. »
La prime informatique de 150 euros qui devait être versée fin janvier, le défi de la continuité pédagogique après six mois d’absence des élèves, l’affaire des masques toxiques… Antoine Carrier fait le tour du quotidien d’un enseignant par les temps qui courent :
« J’ai écrit le texte en une soirée et j’ai enregistré en un week-end, sans penser que ça allait faire autant de vues. Je pense que le clip a bien fonctionné parce que je parle de problématiques au cœur de l’actualité, dans le vif des débats. »
Bien plus tôt, A’Rieka s’était fait remarqué pendant le premier confinement avec des clips (entre 3000 et 15000 vues) inspirés de son quotidien et publiés sur sa chaîne youtube. « Ces enseignants qui ne travaillent pas ! », « Rendez-vous le 11 », « La Fable du berger, de son chien et de son perroquet »… reprennent des extraits vidéos des annonces officielles et font mouche avec des arrangements subtils.
Le rap, une bonne école
Originaire du Médoc, Antoine Carrier écrit depuis l’adolescence. Renaud et Brassens sont ses « bibles ». Du texte poétique au rap, des mots aux studios, il n’y a qu’un pas :
« En 2015, j’ai sorti un premier album. Mais ce qui me tenait vraiment à cœur, c’était de monter des ateliers rap avec des élèves. »
Antoine Carrier conjugue alors chiffres et lettres. Fan de mathématiques, il se dirige vers l’enseignement. Il débute sa carrière à Stains, en Seine-Saint-Denis :
« Grâce à l’atelier, les élèves ont pu enregistrer un album et tourné un clip. On a même été reçu par François Hollande à l’Elysée ! Aujourd’hui, j’initie le même type d’ateliers à Blanquefort. »
Le rap n’est plus seulement un genre musical, il devient une pédagogie :
« C’est important de savoir s’exprimer sur les sujets de son choix, de mettre en paroles ses idées. Le rap est une bonne gymnastique. Il faut apprendre à faire tomber les mots sur les bonnes mesures, les temps forts. Il y a le côté « scène » aussi : dépasser sa peur du regard des autres. »
Fort de l’engouement généré par sa vidéo, le professeur ne compte pas en rester là. Il a déjà préparé une autre version, « du point de vue des élèves cette fois ». Sur les bancs de l’école, les mots ne s’écrivent plus seulement au tableau, ils se mettent en musique.
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