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Malgré la crise, les librairies indépendantes ouvrent dans les « zones blanches » de la métropole bordelaise

En moins de deux ans, trois nouvelles librairies ont ouvert dans des communes de la métropole bordelaise qui en étaient dépourvues – à Mérignac, Saint-Médard et Villenave-d’Ornon. Reconnues commerces essentiels et protégées par la loi Lang sur le prix unique du livre, qui fête ses 40 ans, elles ont surfé sur la crise sanitaire. Reportage sur ces havres de culture, alors que se déroule ce week-end l’Escale du livre, avec des rencontres et évènements en ligne et des dédicaces d’auteurs en librairies.

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Malgré la crise, les librairies indépendantes ouvrent dans les « zones blanches » de la métropole bordelaise

Le 26 février 2021, le Gouvernement publiait un décret incluant les librairies dans la liste des commerces dits « essentiels » pouvant rester ouverts malgré le confinement, en respectant les horaires imposés par le couvre-feu. « Victoire pour le livre et la lecture » se réjouissait alors le Syndicat de la Librairie Française. Et avec elle, la vingtaine de libraires indépendants de Bordeaux-Métropole recensés par l’association Librairies Indépendantes en Nouvelle-Aquitaine (Lina).

C’est le cas de Julie Sigougneau. Depuis le 5 janvier, cette ancienne représentante du groupe Hachette tient la seule librairie indépendante de la ville de Mérignac, Le Pavé dans la Marge. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, la deuxième plus grande ville de Gironde, forte de plus de 70 000 habitants, en était dépourvue, et l’a accueillie à bras ouverts :

« Quand, au printemps 2019, j’ai sollicité la mairie, Monsieur Alain Anziani était ravi, raconte la libraire de formation. Le centre-ville était alors en pleine restructuration depuis des années et saturait de banques, assurances et de commerces alimentaires. »

« Nous étions très attendues »

Ayant elle-même grandi à Capeyron, un quartier de Mérignac, Julie Sigougneau a bien connu une librairie jusque dans les années 90, mais qui a fermé depuis un moment. Habitant aujourd’hui Caudéran, c’est avec un intérêt non dissimulé qu’elle suivait ces dernières années l’avancement des travaux de l’îlot 2 de la ZAC jouxtant la médiathèque :

« Je suis arrivée avec l’alignement des étoiles ! Je connais le métier du livre dans lequel j’ai fait ma carrière, j’habite juste à côté donc j’ai suivi la mutation du centre-ville et j’arrivais à un moment où j’avais envie d’autre chose que de passer ma vie sur la route. »

Julie Sigougneau, libraire à Mérignac Photo : Thomas Cornon/DR

Afin de soutenir l’installation de la commerçante, la commune a pris à sa charge le bail de ce local neuf voisin de Monoprix qu’elle lui sous-louera pendant 2 ans. Une aubaine pour la libraire qui a déjà édité plus de 1500 comptes fidélité auprès d’une clientèle composée aux deux tiers d’habitants du quartier. Et bien que le début d’année ne soit habituellement pas la saison la plus favorable au livre, Julie Sigougneau dit avoir connu un très bon démarrage :

« Tous les jours précédant notre ouverture, pendant la mise en rayon des ouvrages, des passants nous souriaient à travers la vitrine et levaient le pouce en l’air en signe d’encouragement et de bienvenue. Nous étions vraiment très attendues. Mais je dois avouer que ce contexte exceptionnel nous porte aussi. »

« Un vrai raz-de-marée »

A une dizaine de kilomètres de là, Lara Condamin a ouvert la librairie Nouveau Chapitre le 1er août 2019 dans le centre-ville de Saint-Médard-en-Jalles. Et si, après 20 ans passés dans les études de marché, la gérante reconvertie savait elle aussi plutôt bien où elle mettait les pieds, elle était pourtant loin de se douter de son succès :

« Cette commune de près de 30 000 habitants ne possédait pas encore de librairie donc je savais qu’on nous attendait en centre-ville et jusque dans le Médoc, mais j’étais loin d’imaginer que c’était à ce point ! »

Elle peut également compter sur la mairie qui, depuis son ouverture, multiplie les gestes de soutien, en offrant par exemple des bons d’achat valables dans sa boutique à tous les élèves de CP (12 €) et les bacheliers (20 €). Et bien qu’elle ait dû fermer boutique durant tout le premier confinement, comme ses confrères et consœurs du métier, Lara voit plutôt la crise sanitaire du bon côté :

« Après le premier confinement, les lecteurs sont venus en masse, un vrai raz-de-marée ! Il y a eu surtout une prise de conscience chez les clients qui acceptent désormais d’attendre une commande 3 ou 4 jours pour faire vivre leurs commerces de proximité plutôt que de commander sur internet et être livré en 24 heures. »

Une solidarité et un esprit de quartier décuplés par l’explosion du click & collect à l’automne, à l’occasion du second confinement, dont a pu profiter Lara. Elle venait alors tout juste d’intégrer la plateforme Place des Libraires.

Lara Condamin (DR – LINA)

Cathy, elle, n’a pas attendu le second confinement pour s’y mettre. Gérante de la librairie Le Partage des Mots, lancée le 30 novembre 2019 à Villenave-d’Ornon, elle a dû baisser le rideau 3 mois seulement après avoir ouvert :

« Tout de suite après le premier confinement, j’ai voulu lancer mon site internet. En juin-juillet déjà, j’avais référencé les livres dessus. Actuellement, il ne sert pas à grand-chose mais le click’n collect m’a sauvée durant les mois de novembre et décembre. »

La rive droite à conquérir

Alors, après les épiceries zéro-déchet et les friperies, la filière livre serait-elle le nouveau filon de la décennie ? Où s’installer pour être sûr de bien démarrer sans subir trop de concurrence ? Chargé de mission économie du livre à l’Agence Livre Cinéma & Audiovisuel (ALCA) en Nouvelle-Aquitaine, où il accompagne les porteurs de projet, le plus souvent en partenariat avec le Centre National du Livre (CNL), Jean-Marc Robert nous répond : 

« Malgré un véritable engouement autour de la librairie, accéléré par les confinements (une douzaine de projets actuellement sur la région, hors département de la Dordogne), certaines villes importantes ne sont pas encore dotées. C’est le cas de Floirac, Cenon, Lormont ou encore Blanquefort. Le paysage bordelais change, l’attractivité territoriale augmente… je pense que ce n’est qu’une question de mois ou d’année avant d’y voir arriver des librairies. »

Si Jean-Marc Robert regrette que le métier ait dû se transformer en « préparateur de commandes » au détriment de son rôle initial de conseil et de prescription, il est forcé de reconnaître l’impact « positif » de la crise sur les libraires en termes d’image et de lien social.

Alors si cet article n’a éveillé aucune vocation en vous mais que vous souhaitez aller plus loin en soutenant les auteurs de la région, sachez que l’ALCA met à disposition sur son site un guide 2020 des autrices et auteurs de Nouvelle-Aquitaine, de A comme Abeille (Le Cycle des contrées) à Z comme Zimmerman (Le Galop des étoiles t. 4 et 5, Le Médium t.2). 

Bonne lecture !


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