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L’ « appartement conspiratif » des « ultra jaunes » du Bouscat ne tenait pas debout

Alors que la cour d’appel de Bordeaux a récemment annulé la procédure visant 16 black blocs présumés arrêtés en 2019 au Bouscat, Acrimed s’étonne d’une reprise de l’information rachitique, inversement proportionnelle à l’emballement médiatique initial. Un « cas typique de journalisme de préfecture » analyse le site d’analyse critique des médias.

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L’ « appartement conspiratif » des « ultra jaunes » du Bouscat ne tenait pas debout

L’information divulguée le 18 mars dernier, qui a donné lieu à un article de Médiapart et une dépêche de l’AFP, est passée relativement inaperçue. « Son traitement est même rachitique en comparaison de l’emballement qu’avaient, à l’époque, suscité les interpellations et mises en examen » de 16 « ultra-jaunes », analyse le site Acrimed, qui revient dans un article récent « sur un cas typique de journalisme de préfecture ».

Il y a un mois, la cour d’appel de Bordeaux a en effet annulé la quasi totalité de l’enquête (sauf une amende) visant seize personnes présentées comme des black blocs et soupçonnées d’avoir préparé des actions violentes avant une manifestation de Gilets jaunes le 7 décembre 2019.

La cour a estimé que « les conditions des interpellations, des placements en garde à vue et de la perquisition effectuée n’étaient pas régulières ». L’affaire n’a en effet commencé que « sur la foi d’un simple renseignement », dont l’origine n’est pas mentionnée en procédure.

« All cops are bastards »

Cette « dénonciation anonyme » associait des tags « Acab » (« All cops are bastards ») sur des immeubles du Bouscat, ainsi que des courriers anonymes de menaces reçus par des policiers ailleurs en France, aux occupants d’une maison louée sur Airbnb par les 16 personnes venues dans l’agglo bordelaise pour l’acte 56 des Gilets jaunes.

« On savait pouvoir trouver entre 10 et 20 personnes appartenant à la mouvance “ultra-jaune” et “black bloc” dans cet appartement conspiratif » alors nous avons mis les moyens, plastronne à Sud Ouest Patrick Mairesse, alors directeur départemental de la sécurité publique. Et nous avons bien fait car c’était le cas. »

Lors de la perquisition, la police découvre de l’acide chlorhydrique, du bicarbonate de soude, des clous, des bombes de peinture. Patrick Mairesse déclare au Monde que « ces membres de la mouvance ultragauche et ultra-jaune préparaient des actions pour la manifestation de l’après-midi à Bordeaux ». Une enquête pour « association de malfaiteurs » et « dégradation de biens » est ouverte, les seize personnes sont mises en examen.

Un « arrêt capital »

Patatras : les magistrats bordelais ont non seulement jugé que le lien entre les tags et les occupants « dénoncés comme des blacks blocs […] n’a constitué qu’une simple conjecture, corroborée par aucun élément objectif ». Mais aussi que « les éléments découverts au cours de la perquisition litigieuse n’étaient pas susceptibles de conférer a posteriori un caractère régulier à des mesures hautement coercitives ».

A Mediapart, le parquet général près la cour d’appel de Bordeaux a indiqué qu’il ne formera pas de pourvoi en cassation pour contester l’arrêt de la chambre de l’instruction.

« Cet arrêt capital (…) vient sanctionner d’une certaine manière la volonté de toute-puissance de la police, a déclaré au Monde Me Raphaël Kempf, l’un des avocats du dossier. Il vient rappeler que la police n’avait pas le droit, même avec l’accord du parquet, de procéder à une perquisition sur la base de soupçons non étayés et infondés. Ce qui s’est passé à Bordeaux avec cette perquisition est à l’image du traitement policier et judiciaire des “gilets jaunes”. »

Intoxiqués aux mêmes sources

L’arrestation des 16 du Bouscat avait donné lieu à un déferlement d’articles, souligne Acrimed, tant de la presse locale (Sud Ouest, France3 Nouvelle-Aquitaine, France Bleue Gironde…) que nationale (JDD, France Inter) pour beaucoup « à sens unique » ou « se perdant en conjectures », comme le Parisien.

Selon le quotidien, « ces arrestations confirment la présence active de l’ultra gauche dans l’agglomération bordelaise, notamment à travers l’ouverture de nombreux squats, qui lui servent de base arrière et d’appui logistique, selon une note du service central du renseignement territorial (SCRT). »

Acrimed relève une succession de papiers fondés sur « le bâtonnage de dépêche AFP » et « construits uniquement à partir du communiqué du parquet ou de sources policières » jusqu’à la consécration : un article dans Le Monde et un sujet dans le 20h de TF1 (« Casseurs : un arsenal découvert à Bordeaux ») ».

« Pour l’autocritique, on repassera »

Le site d’analyse critique des médias relève qu’aucun d’entre eux n’a ensuite mené de contre-enquête, ou collecté de témoignage. Seul Sud Ouest, relève Acrimed, a donné la parole deux semaines après l’interpellation aux trois avocats des personnes mises en examen, puis publié le 27 décembre « un entrefilet minimaliste (« Un ultra jaune présumé remis en liberté hier ») ». « Médiatiquement, cette affaire n’a jamais connu de suite » écrit Lundi matin en juillet 2020, selon lequel « la répression politique sait trouver des relais peu regardants ».

« Peu regardants, et visiblement plus soucieux de participer à l’emballement d’origine que de couvrir “l’affaire” dans la durée, estime Acrimed. Car plus d’un an après les événements, c’est dans l’indifférence médiatique qu’est accueillie une conclusion pourtant intéressante : rien de moins que l’annulation, par la cour d’appel de Bordeaux, de la quasi-totalité de l’enquête judiciaire. »

Ces mêmes médias « se contentent, au mieux, de reprendre la dépêche AFP (ou un peu plus, comme Sud Ouest), au pire, de ne rien faire du tout. Comme Le Parisien. De façon générale, pour l’autocritique, on repassera », conclut Acrimed.

Quant aux auteurs de ce fiasco, certains ont entretemps été promus : Patrick Mairesse a pris la direction zonale de la sécurité publique Sud Ouest, chapeautant 27 circonscriptions de police et 5500 agents.


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